ENTRETIEN – Tom Benoit, entrepreneur et directeur de la rédaction de Géostratégie magazine, répond aux questions d’Epoch Times sur la menace de l’instauration de tarifs douaniers par Donald Trump sur l’Europe. Il analyse également les droits de douanes que le président américain a imposé à ses voisins et à la Chine.
Epoch Times – Tom Benoit, dans la nuit du 2 au 3 février, le président américain a assuré que de nouveaux droits de douane seraient « très certainement appliqués » sur l’Union européenne. Certains secteurs en France, notamment ceux de l’aéronautique et de la viticulture craignent des conséquences pour leurs exportations. Quel est votre regard sur ces menaces d’augmentation de tarifs douaniers à l’encontre de l’Europe ?
Tom Benoit – Je pense qu’il faut s’attendre à des accords au cas par cas entre les États européens et les États-Unis puisque Donald Trump ne reconnaît pas l’UE telle qu’elle se voit, c’est-à-dire une fédération en devenir.
Il est par exemple possible que la proximité entre Giorgia Meloni et Elon Musk et plus largement l’administration Trump, favorise l’économie italienne ainsi que les exportations de machines-outils italiennes. Rome exporte énormément de produits de ce type outre-Atlantique.
Nous devons également observer de près ce que fera l’Allemagne dans les semaines à venir. Les élections fédérales vont se tenir le 23 février prochain. Mais dans l’hypothèse où l’Allemagne se retrouverait dans la même configuration politique qu’aujourd’hui, j’ai tendance à penser que Washington sera moins complaisant à l’égard de l’industrie automobile allemande.
Ensuite, il y a évidemment le sujet du luxe en France puisque nous sommes de gros exportateurs. Vous voyez à quelles entreprises je fais référence. Est-ce qu’il y aura, là aussi, une complaisance entre certains dirigeants d’entreprises français du luxe et Donald Trump ? C’est parfaitement envisageable, nous pouvons l’espérer.
« L’Union européenne répondra à toute tentative d’imposition injuste de droits de douane », a réagi la Commission européenne. De quelles marges de manœuvre dispose l’UE pour répondre ?
Elle dispose des outils qu’elle s’est octroyés mais qui ne sont pas légitimes. Ça fait des années que je dis que l’Union européenne n’a aucune légitimité pour gouverner, en tout cas en France, puisque je rappelle que le traité de Lisbonne a été rejeté par une majorité de Français lors du référendum de 2005. Le peuple s’est opposé à la gouvernance par l’Union européenne.
Mais au fil des ans, l’UE s’est octroyée des droits, notamment celui de lever l’impôt par les droits de douane des exportations des États européens puisque les droits de douane sont des impôts. Cependant, elle va se retrouver face à un mur, celui de la gouvernance directe.
Pour la première fois depuis bien longtemps, l’UE va devoir faire face à des États-Unis qui gouvernent réellement. On s’en aperçoit par la vitesse avec laquelle Donald Trump signe des décrets, par exemple. Pas un jour se passe sans que le président américain ne signe un décret rédigé en seulement quelques lignes.
Or, l’Union européenne fonctionne de manière très différente : elle produit des textes très longs, alambiqués, ambigus, qui sont jonchés de segments qui vont parfois à l’encontre même des objectifs de ces dits textes.
Ainsi, il va y avoir une dichotomie absolument phénoménale entre la façon de gouverner des États-Unis et celle en vigueur à Bruxelles qui en plus d’être illégitime, est d’une complexité sans nom.
Après avoir annoncé des droits douane de 25 % sur le Canada et le Mexique, Donald Trump les a finalement suspendus. Des accords ont été trouvés avec Ottawa et Mexico. Certains experts et médias ont dit que le président américain avait reculé. Qu’en pensez-vous ?
À partir du moment où vous jugez d’un moyen de pression dans des buts divers et variés et que les accords sont tirés à votre avantage, Il n’est pas nécessairement mauvais de reculer. Je pense que bien des observateurs ou dirigeants européens voudraient dire que Donald Trump est fou et qu’il se trompe.
Malheureusement pour eux, il est très bien entouré, à la fois par des grandes puissances financières et des dirigeants d’entreprises. Il est, par ailleurs, très écouté par des chefs d’État et de gouvernement qui sont dépendants de l’attitude américaine. Donald Trump a usé de son pouvoir. Qu’il demande beaucoup pour obtenir parfois un peu moins, c’est le principe même de la realpolitik et des affaires.
Le président américain est un businessman au départ. Je note qu’en 2016, il s’était engagé à gérer l’Amérique comme une entreprise. C’est exactement ce qu’il fait aujourd’hui. Il est le chef de l’entreprise des USA.
La semaine dernière, les droits de douane de 10 % imposés à Pékin par Washington sont en entrés en vigueur. La Chine a riposté en annonçant des droits de douane sur des produits américains. La guerre commerciale États-Unis-Chine est repartie de plus belle…
Ce n’est pas vraiment une guerre commerciale. Les Américains et les Chinois trouveront toujours un terrain d’entente pour la bonne et simple raison qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Dans les histoires de couples, s’il y a de l’amour, généralement, il n’y a pas de problème, on finit toujours par se réconcilier.
C’est un peu la même chose en géoéconomie mondiale : si on a de l’argent, s’il y a des contrats à forts enjeux, on finit toujours par trouver un terrain d’entente.
Pour Pékin et Washington, nous sommes exactement dans cette situation. Il y a beaucoup de négociations en cours, comme celles entre Tesla et BYD, pour ne citer que ces dernières. Et des terrains d’entente aboutissent systématiquement.
Cependant, je crois que nous sommes dans une forme de « démondialisation ». Nous assistons à une période durant laquelle chacun a envie de rester sur ses gardes. C’est autant le cas pour l’UE que pour certains pays d’Afrique, l’Inde ou les États-Unis, mais pas spécifiquement pour Pékin vis-à-vis de sa relation avec Washington.
Il n’y a donc pas, à ce stade, de guerre économique entre les États-Unis et la Chine.
En même temps, Donald Trump reconnaît que les Américains pourraient « souffrir » de cette politique de hausse des tarifs douaniers. Que cherche à faire le locataire de la Maison-Blanche ?
Vous pouvez, à court terme, souffrir d’une mesure bénéfique dans le temps long. À l’évidence, il peut y avoir dans un temps très court ce fameux effet inflationniste des droits de douane.
Mais je ne crois pas que cet effet puisse durer puisque l’instauration de tarifs douaniers va consolider nombre de petites et moyennes entreprises américaines. Celles qui produisent et qui vont signer de nouveaux contrats avec de très gros fabricants aux États-Unis.
Je pense notamment aux équipementiers qui sont installés aux États-Unis et qui vont récupérer les parts de marché jusqu’à présent prises par des équipementiers européens ou chinois.
Les tarifs douaniers instaurés par Trump vont donc enrichir le pays, à la fois par des prélèvements, mais aussi par la consolidation de l’emploi et par le profit généré par des entreprises américaines. Ils n’ont pas vocation à appauvrir la population.
Qu’est-ce que vous préférez ? Qu’il y ait beaucoup d’inflation, mais aussi beaucoup d’enrichissement dans une zone géographique ou très peu d’inflation et une économie paralysée avec des agents économiques paupérisés ?
C’est un peu ce que nous connaissons ici : il y a toujours une augmentation des prix en Zone euro sur certaines catégories de produits bien particulières, mais il n’y a plus beaucoup de croissance.
Outre-Atlantique, l’inverse va se produire : un peu plus d’inflation pendant quelque temps, et en même temps, un enrichissement des entreprises américaines. Sur le long terme, la situation aux États-Unis n’est donc pas de nature à inquiéter.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.