Les épisodes de violence par arme à feu liés au trafic de drogue deviennent de plus en plus fréquents sur le territoire de Grenoble et sa banlieue, les autorités n’hésitant plus à parler de « guerre des gangs ».
Mais ces épisodes n’avaient jamais atteint un tel niveau de violence, avec une attaque à la grenade le 12 février dans un bar associatif. L’usage de cette « technique de guerre » est « inédite », a déclaré le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, alors que le maire de la ville Eric Piolle, accusé de laxisme sécuritaire, renvoie la balle à l’État.
D’après le Dauphiné Libéré, huit fusillades ont déjà eu lieu au mois de janvier 2025 dans l’agglomération grenobloise, avec au total sept blessés par balles depuis le début de l’année. L’an passé, une quarantaine de fusillades ont eu lieu avec 35 blessés plus ou moins gravement et sept morts.
Pour lutter contre ce narcobanditisme, une nouvelle loi contre le narcotrafic vient d’être adoptée, prévoyant notamment la création d’un parquet spécialisé et un arsenal répressif plus complet contre le trafic de drogue.
Attaque à la grenade, rappel des faits
Le mercredi 12 février, vers 20 h 15, un homme cagoulé, armé d’un fusil d’assaut « pouvant être de type kalachnikov », est entré dans un bar associatif du quartier du Village-Olympique de Grenoble, où se trouvaient de nombreux clients. Sans dire un mot, il a jeté une grenade à fragmentation et a pris immédiatement la fuite à pied, avant l’explosion de la grenade, selon plusieurs sources judiciaires.
La déflagration a fait une quinzaine de blessés, dont six ont été pris en charge en urgence absolue, et « au moins deux » restent encore avec un pronostic vital engagé, a déclaré le ministre de la Santé, Yannick Neuder, lors d’une visite aux soignants au CHU de Grenoble où les victimes étaient hospitalisées.
Évoquant un mode opératoire avec « une grenade extrêmement violente, c’est quasiment des techniques de guerre », le ministre a fait état de blessures avec « des coupures et des perforations d’organes ».
« Au regard de la gravité du préjudice subi et du mode opératoire », la Juridiction interrégionale spécialisée dans la criminalité organisée (JIRS) du parquet de Lyon s’est saisie de l’enquête, a indiqué le procureur de Lyon, Thierry Dran.
Les investigations se poursuivent sous le chef, notamment, de « tentative de meurtre en bande organisée », et l’assaillant reste activement recherché, a-t-il précisé.
« On imagine mal un type solitaire faire ça », a dit Thierry Dran, en soulignant la « rareté » des attaques à la grenade. Mais à ce stade, « toutes les pistes sont envisageables », a-t-il poursuivi.
Du « règlement de compte » au « trafic de drogues »
L’attaque peut être liée à « un règlement de comptes », « au trafic de drogues, au trafic de cigarettes, à une inimitié exacerbée… », a indiqué le procureur adjoint de Grenoble, François Touret de Coucy, en excluant « a priori » la piste terroriste.
Le bar visé, dont le nom fait référence à une ville turque et fréquenté par une clientèle masculine, ne soulevait pas d’ « inquiétudes particulières », a encore indiqué M. Touret de Coucy.
Mi-janvier, cet établissement et quatre autres bars associatifs du quartier Village-Olympique avaient été contrôlés lors d’une opération de la police et des douanes. Au total, 10 personnes avaient été interpellées, notamment pour séjour irrégulier ou blanchiment présumé, et 25 kg de tabac de contrebande saisis, avait indiqué à l’époque le parquet.
Les investigations incluent un gros travail de police scientifique pour retrouver l’origine des armes, et entendre tous les témoins. Les interrogatoires des victimes, dont certaines sont connues des services de police, ont débuté mais l’enquête pourrait être « longue », d’après le procureur de Lyon, M. Dran.
« Toutes les limites » sont « désormais dépassées », selon le ministre de l’Intérieur
L’attaque d’un bar grenoblois à la grenade est « inédite » car jamais une telle « technique de guerre » n’avait été utilisée en France, a affirmé le 14 février Bruno Retailleau, déplorant que « toutes les limites » soient « désormais dépassées ».
C’est « inadmissible », « inacceptable » et « nous retrouverons celui qui a fait ça », a déclaré le ministre de l’Intérieur, lors d’une visite sur les lieux de l’attaque.
« Là, on est sur une opération criminelle inédite, puisqu’on a utilisé une technique de guerre, une grenade très spécifique », avec un « double effet » lié à la projection de 3000 petites billes et « un effet blast », une arme « plutôt faite d’ailleurs pour blesser que pour tuer », a précisé Bruno Retailleau.
Ce n’est toutefois pas une première en France : une grenade du même type avait explosé en mai 2024 en pleine rue à Aubervilliers, près de Paris, blessant grièvement un cycliste de passage. L’enquête a révélé que l’attaque avait été commanditée par des narcotrafiquants, selon le parquet de Bobigny.
Pour Grenoble, « on est sur un contexte plus large de trafic et de crime organisé » a confirmé le ministre de l’Intérieur.
Eric Piolle défend sa politique sécuritaire
La capitale des Alpes a connu plusieurs accrochages sanglants dans les quartiers sensibles de Saint-Bruno, Berriat ou Teisseire, tous situés en centre-ville. « Une guerre des gangs intense, avec des fusillades quasi-quotidiennes, sévit dans l’agglomération grenobloise », avait dénoncé Éric Vaillant, alors procureur de la République de Grenoble.
« Éric Piolle est un maire qui n’est pas sécuritaire et autoritaire, il ne parle que de prévention », avait jugé le maire de Nice, Christian Estrosi, sur RMC. « La mairie de Grenoble refuse que la police municipale soit armée » et « la vidéosurveillance », avait ajouté sur Europe 1 l’ex-ministre Brice Hortefeux, dénonçant un « aveuglement idéologique » suite à la mort de Lilian Dejean, agent de propreté, âgé de 49 ans, atteint de deux balles dans le thorax, en plein centre-ville de Grenoble en septembre 2024, par un homme impliqué dans le trafic de stupéfiants.
Le maire écologiste de la ville, Éric Piolle, avait défendu sa politique sécuritaire et son refus d’armer les policiers municipaux. Accusé par ses adversaires de « laxisme », l’édile a rappelé que contrairement à ce qu’affirme « une espèce de rumeur publique », Grenoble compte 120 caméras de surveillance, soit « 6 par km² » et que sa police municipale est équipée « d’armements adaptés à ses missions », avec des bâtons télescopiques, des bombes lacrymogènes et des pistolets à impulsion électrique.
En octobre 2024, le maire estimait que les caméras de vidéoprotection ne servaient « à rien ». « Ça fait partie des outils modernes pour la gestion de la ville mais ça n’est pas la solution pour le narcotrafic. Là aussi, toutes les études le prouvent », avait-t-il souligné.
Grenoble et les communes limitrophes d’Échirolles et Saint-Martin d’Hères, très affectées par des violences liées au trafic de stupéfiants, réclament de longue date l’installation d’un commissariat de plein exercice à Échirolles. Lui et ses homologues de l’agglomération de Grenoble avaient écrit aux ministres de l’Intérieur et de la Justice pour réclamer « 100 policiers nationaux supplémentaires et un plan inédit de lutte contre la récidive ».
Narcotrafic : 110 morts et une explosion des saisies de cocaïne en France en 2024
Un total de 110 morts, 341 blessés et une explosion des saisies de cocaïne : le narcotrafic continue à monter en puissance en France, comme le montrent les chiffres définitifs de l’année 2024, communiqués le 6 février par le ministère de l’Intérieur.
Les services français (police, gendarmerie, douanes et marine nationale) ont saisi 53,5 tonnes de cocaïne en 2024, soit une augmentation de 130 % comparé à 2023 (23 tonnes).
Le lancement de la campagne intervient au moment où le gouvernement affiche sa fermeté contre le phénomène, en soutenant la proposition de loi narcotrafic, adoptée quasiment unanimement au Sénat.
Le texte, désormais transmis à l’Assemblée nationale, prévoit une nouvelle architecture judiciaire, avec la création d’un parquet national anticriminalité organisée, dénommé Pnaco, spécialisé comme peuvent l’être les parquets financier (PNF) ou antiterroriste (Pnat).
Le Pnaco, qui pourrait voir le jour en janvier 2026, serait chargé des crimes les plus graves – le « haut du spectre » – et constituerait une véritable « incarnation » de la lutte contre le narcotrafic, avec un rôle de coordination des parquets locaux.
Il s’appuierait sur des services d’enquête réunis au sein d’un « état-major criminalité organisée » (EMCO), présenté par le ministère de l’Intérieur comme le futur « bras armé » de la lutte contre la criminalité organisée et plus spécifiquement le trafic de drogue.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.