Les médias chinois ont annoncé en fanfare des réformes dans le système national de transplantation d’organes à la suite d’une conférence sur le sujet dans la ville de Kunming au début d’août. Des responsables chinois ont affirmé que les organes proviennent maintenant seulement de donneurs volontaires plutôt que de prisonniers exécutés. Des experts de la question soulignent toutefois les incohérences statistiques évidentes qui suggèrent plutôt un exercice de propagande.
Les soi-disant réformes représentent « les tentatives d’un tueur en série de couvrir ses traces », affirme le Dr Torsten Trey, directeur exécutif de Doctors Against Forced Organ Harvesting (médecins contre les prélèvements d’organes forcés – DAFOH).
Depuis le début de la période de grande croissance du système de transplantation chinois en 2000, des chercheurs estiment que la source principale d’organes pour alimenter l’industrie est les prisonniers d’opinion adeptes du Falun Gong, une discipline spirituelle chinoise sévèrement persécutée par Pékin depuis 1999.
Le Dr Trey affirme qu’il n’y a aucune preuve que ces pratiques ont cessé. « C’est louable, si la Chine ou un autre pays effectuent des réformes pour se conformer aux exigences éthiques. Cependant, ce serait une erreur fatale que d’applaudir de telles réformes si elles ne font que camoufler des crimes plus graves contre l’humanité. »
Des failles dans les données
Les autorités chinoises ont nié pendant plusieurs années que la Chine prélevait les organes des prisonniers exécutés. En 2005, le sous-ministre de la Santé Huang Jiefu a révélé à la communauté internationale que les prisonniers étaient bel et bien exploités, et ce, dans le cadre d’une politique datant de 1984. Il faisait référence aux prisonniers condamnés à mort ayant été reconnus coupables de crimes.
En 2006, des allégations ont fait surface selon lesquelles les violations des droits de l’homme dans le domaine des transplantations étaient beaucoup plus graves : le régime chinois prélève les organes de prisonniers d’opinion encore en vie. Une enquête indépendante par l’avocat canadien David Matas et l’ex-secrétaire d’État canadien David Kilgour a conclu que les allégations étaient vraies.
Le régime chinois n’a jamais admis ces crimes mais, face à la pression internationale, il a annoncé la fin des prélèvements sur les prisonniers exécutés à partir de janvier 2015. La directive de 1984 n’a toutefois pas été abolie.
La Chine affirme maintenant avoir établi un nouveau système de dons d’organes fonctionnant comme dans les pays développés. Selon les autorités, il y aurait eu une augmentation exponentielle des dons volontaires, même si le pays demeure culturellement opposé au don d’organes (parce qu’il contrevient à la tradition confucéenne de conserver le corps intact après la mort).
Il y avait eu seulement 130 dons volontaires d’organes en date du mois d’août 2009, avait déclaré le professeur Chen Zhonghua de l’Institut de transplantation d’organes de l’Hôpital Tongji en entrevue avec un média officiel chinois.
Des responsables chinois affirment toutefois avoir obtenu des organes de plus de 4000 donneurs en 2016 seulement. En comparaison, au Royaume-Uni, où 21 millions de personnes sont inscrites comme donneurs, les organes de 1364 personnes seulement avaient été prélevés après leur décès en 2016. Aux États-Unis, où il y a 140 millions de donneurs enregistrés, 15 951 individus ont fourni des organes après leur mort. Les donneurs enregistrés sont le nombre de gens qui, alors encore en vie, ont exprimé la volonté de donner leurs organes après leur mort (s’ils décèdent d’une manière qui rend possible le don).
À la fin 2016, la Chine affirmait avoir inscrit 200 000 donneurs. Selon les calculs du Dr Trey, si seulement les donneurs enregistrés fournissent des organes, la Chine aurait dû avoir seulement de 20 à 40 donneurs en 2016, un écart énorme avec le chiffre avancé de 4 000.
Utilisant un taux de 7 personnes pour 1000, le Dr Trey estime qu’environ 2 100 des donneurs chinois enregistrés sont décédés. Seulement 1 à 2 % d’entre eux auraient des organes convenant à la transplantation, tel qu’observé aux États-Unis et au Royaume-Uni. La grande majorité ne peut se qualifier en raison des maladies ayant causé la mort, des styles de vie malsains, de l’âge ou de l’écart de temps entre la mort et le prélèvement de l’organe.
Et la Chine ne peut se procurer les organes qu’avec la permission des donneurs enregistrés : les responsables médicaux doivent aussi obtenir la permission de la famille. En Chine, seul un membre de la famille suffit pour annuler la décision du donneur, ce qui ajoute un autre obstacle au processus.
En février dernier, le journal médical Liver International a rétracté un article scientifique de chercheurs chinois qui étaient incapables de prouver avoir obtenu de manière éthique les organes utilisés dans leur recherche. L’article discutait de 564 transplantations de foie effectuées au Premier hôpital affilié de l’Université de Zhejiang entre avril 2010 et octobre 2014. Huang Jiefu, le porte-parole chinois des transplantations, avait affirmé que cet hôpital avait reçu 166 dons de foie entre 2011 et 2014, laissant ainsi un bon nombre d’organes de source inconnue.
DAFOH, qui a suivi de près le nombre de donneurs enregistrés, a découvert qu’il y a eu une soudaine augmentation de donneurs enregistrés à la fin des années 2015 et 2016. À la fin décembre 2015, le nombre a augmenté de 25 000 personnes exactement en un jour.
Le même phénomène est survenu encore en 2016, avec une augmentation de plus de 86 000 donneurs en une semaine, apparemment parce qu’ils avaient combiné deux systèmes de dons d’organes.
« La Chine sait que ses chiffres de donneurs enregistrés sont trop petits pour produire plus de 4000 organes par année, alors elle a dû gonfler les chiffres. Selon les chiffres officiels, environ 50 % de tous les donneurs enregistrés se sont inscrits en sept jours seulement, en l’espace de quatre ans. C’est inconcevable et sans précédent », souligne le Dr Trey.
Le chef des transplantations chinois, comme un « caméléon »
Le visage des réformes chinoises en matière de transplantation est le Dr Huang Jiefu. Il est le président du Comité national de don et de transplantation d’organes et le directeur de la Fondation chinoise de développement des transplantations d’organes.
Bien que Huang était auparavant sous-ministre de la Santé, il n’occupe aucun poste officiel actuellement. Il est toutefois devenu le porte-parole de facto du système de transplantation chinois.
« Ce qu’il affirme n’a aucune portée sur le gouvernement chinois », souligne le Dr Trey.
Le Dr Trey fait remarquer que la fondation dirigée par Huang est privée, tout comme le United Network for Organ Sharing (réseau uni pour le partage d’organes – UNOS) aux États-Unis. « La différence est qu’aux États-Unis, l’UNOS ne fait pas d’annonces au nom du gouvernement. »
Bien que Huang parle apparemment pour le régime chinois et qu’il vante les réformes au sein du système de transplantation, ses paroles n’ont aucune autorité légale. Il est également habitué à changer ses positions selon la situation.
Dans une entrevue avec l’Australian Broadcasting Corporation en 2013, on lui a posé des questions au sujet de la pratique de prélever des organes de prisonniers exécutés et il a répondu : « Pourquoi êtes-vous contre ? » Après une vague de critiques, il a affirmé, lors d’une conférence peu après, que la pratique était contraire à l’éthique.
En 2015, Huang a déclaré dans plusieurs entrevues médiatiques que les prisonniers dans le couloir de la mort seraient traités comme des citoyens ayant le « droit » de faire des dons d’organes.
Après une pluie de critiques s’insurgeant que les prisonniers tués seraient simplement reclassés comme des donneurs volontaires, Huang a déclaré au New York Times que sa déclaration n’était qu’au « niveau philosophique ».
Les déclarations de Huang sont celles d’un « caméléon », affirme le Dr Trey. « Il semble dire ce qui est nécessaire pour se plier aux pressions intérieures ou pour plaire aux exigences éthiques de la communauté internationale. »
Le Dr Trey affirme que les déclarations de Huang sur les réformes chinoises ne sont pas fiables.
« Si les réformes sont applaudies et que les prélèvements d’organes forcés sur les pratiquants de Falun Gong et les prisonniers d’opinion continuent, alors il y a cette situation dévastatrice où les applaudissements retentissent pendant que des gens innocents sont massacrés pour leurs organes », conclut le Dr Trey.
Li Chen a contribué à ce reportage.
Version originale : Claims of Reform in China’s Organ Transplant System Not to be Trusted, Expert Says
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