L’administration Trump pourrait placer l’Association des Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes étrangères à surveiller. Celle-ci serait ainsi sujette à des sanctions. Cette décision fait suite à la propagande de l’organisation en faveur de la gouvernance islamique et de ses liens avec le terrorisme.
Sean Spicer, directeur de la communication et porte-parole de la Maison Blanche, a déclaré dans une conférence de presse du 8 février qu’il ne « devancerait aucune éventuelle future annonce susceptible d’être faite dans un avenir proche », avant d’ajouter que « au cours de la campagne », le président Donald Trump « avait fait savoir de manière très claire que la première étape consisterait à comprendre, à connaître et à annoncer l’identité de l’ennemi. Et il va faire tout ce qu’il faut pour cela ».
Reuters a rapporté les propos d’une source anonyme proche de Trump, selon laquelle c’est Michal Flynn, l’ancien conseiller à la sécurité nationale, l’initiateur de la proposition, demandant au Département d’État et au Département du Trésor de mettre l’Association des Frères musulmans sur la liste des organisations terroristes. Flynn a démissionné le 13 février dernier suite aux controverses suscitées par les échanges téléphoniques qu’il avait eu avec l’ambassadeur de Russie aux États-Unis, pendant la période de transition. Des échanges qu’il n’a pas complètement éclaircis.
Toutefois, au delà de Flynn, d’autres forces au sein du gouvernement militent pour mettre les Frères Musulmans sur la liste des organisations terroristes. Le 9 janvier, le sénateur Ted Cruz (R-Texas) et le député Mario Diaz-Balart (R-Fla.) ont réintroduit un projet de loi dans ce sens (Cruz avait déjà introduit la projet en novembre 2015).
Selon le communiqué de presse du bureau de Cruz, les objectifs des Frères Musulmans sont clairement visibles dans le Mémorandum de 1991 des Frères Musulman (sur l’objectif stratégique général du groupe) en Amérique du Nord.
Le Mémorandum stipule que « le processus d’installation est un processus de civilisation par le Jihad…. La Ikhwan [fraternité musulmane] doit comprendre que son travail en Amérique est une sorte de grand djihad pour l’élimination et la destruction de la civilisation occidentale de l’intérieur et ‘à saboter’ sa misérable maison par leurs mains et les mains des croyants ».
Le député Diaz-Balart a déclaré dans le communiqué : « Ce projet de loi imposerait de sévères sanctions à un groupe haineux qui a propagé la violence et engendré des mouvements extrémistes au Moyen-Orient ».
Mohamed el-Beltagy, une grande figure égyptienne des Frères Musulmans, fait le « Rabaa » signe connu des quatre doigts, derrière les barreaux des accusés, alors que le juge lit la sentence le condamnant avec plus de 100 autres coaccusés, à l’académie de police du Caire le 16 mai 2015 (Khaled Desouki / AFP / Getty Images)
C’est dans la ville égyptienne d’Ismailia que l’Association des Frères Musulmans a été fondée en 1928. Selon un rapport du Investigative Project on Terrorism, l’Association est maintenant active dans plus de 70 pays et cherche à instrumentaliser les processus démocratiques pour instaurer la gouvernance islamique sunnite, régie par la charia (Loi Islamique).
Le problème avec ce système, estime Zuhdi Jasser, Président du Forum Islamique Américain pour la Démocratie, est qu’il crée des gouvernements qui fusionnent souvent l’identité de l’Islam avec celle de l’État. « Le gouvernement devient alors l’incarnation de Dieu et les droits du peuple proviennent du gouvernement ».
Si Jasser dit s’opposer aux objectifs des Frères Musulmans, il croit néanmoins que recourir à un nom générique pour l’étiqueter comme organisation terroriste ne donnera pas forcement de meilleurs résultats.
« Je serais d’accord avec vous, si on parlait des Frères Musulmans en Égypte », nuança-t-il, soulignant que leur devise se termine par « Le djihad est notre voie. La mort pour Allah notre vœux ».
« Je pense que c’est une évidence », a précisé Jasser.
Dans beaucoup d’autres pays toutefois, les Frères Musulmans n’ont aucune implication dans le terrorisme. Cet étiquetage radical pousserait certaines branches de l’Association à simplement utiliser des noms différents, alors qu’un examen de l’idéologie et des opérations de chaque organisation pays par pays mettrait davantage en évidence la ligne rouge à ne pas franchir quant aux activités.
D’après Jere Van Dyk, un auteur et un journaliste qui étudie le terrorisme et ancien prisonnier des Taliban — une expérience racontée dans son livre « Captive » de 2011—, les Frères Musulmans jouissent encore d’un large soutien dans de nombreuses parties du monde. Et les qualifier d’organisation terroriste pourrait avoir un effet négatif.
Il a expliqué que le professeur d’Oussama Ben Laden était un membre important des Frères Musulmans, « et à bien des égards, responsable de lui avoir inculqué cette ferveur pour l’islam ». Mais le journaliste a également fait remarquer que l’organisation avait officiellement renoncé à la violence, il y a quelques années et s’est investie davantage dans des activités éducatives.
Van Dyk a en outre signalé qu’Ayman al-Zawahiri, l’actuel chef d’al-Qaida, a formé son organisation terroriste « parce qu’à ses yeux et à ceux de son entourage, les Frères Musulmans étaient devenus une vielle maison attirée par la démocratie ».
D’après Van Dyck, pour nombre de personnes du monde musulman, les Frères Musulmans sont plutôt perçus comme une organisation fraternelle et ils sont déjà en train de perdre de leur attrait auprès des jeunes générations.
En revanche, pour Rabbi Abraham Cooper, co-fondateur et doyen associé du Centre Simon Wiesenthal, la dénomination d’organisation terroriste serait « une mesure appropriée ». Et d’ajouter que de nombreux terroristes, comme des organisations terroristes, tel le Hamas, ont grandies et se sont émancipées à partir des Frères Musulmans.
« C’est n’est pas qu’une simple idéologie, c’est une idéologie qui a engendré des attaques terroristes », a souligné Cooper, précisant qu’il « faut s’attaquer au problème » que représente la vision du monde selon les Frères Musulmans et ce que ces vues ont engendré.
« Il ne s’agit pas d’accuser tous les fidèles musulmans, ou d’annoncer que toutes les personnes très croyantes doivent être encadrées ou placer sous une terrible surveillance », a-t-il expliqué. « Mais lorsqu’on examine ce que ce groupe a produit et l’idéologie des gens qui l’ont fondé, il n’y a plus de doute. Ils doivent figurer sur cette liste ».
Pour lui, classer les Frères Musulmans dans les organisations terroristes saperait l’idéologie de la mouvance. « Le temps est peut-être venu d’exposer, non seulement les soldats du terrorisme, mais aussi ceux qui l’alimentent », ajoute-t-il.
Version anglaise : Trump Administration May List the Muslim Brotherhood as a Terrorist Organization
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