Moins de 24 heures après avoir annulé son sommet très attendu avec Kim Jong Un, Donald Trump a surpris vendredi en affichant son optimisme sur les discussions avec Pyongyang, allant même jusqu’à évoquer le possible maintien du sommet du 12 juin. « Nous leurs parlons en ce moment », a-t-il déclaré depuis les jardins de la Maison Blanche, au lendemain de l’envoi d’un courrier dans lequel il annonçait qu’il ne se rendrait pas à Singapour comme prévu et dénonçait « l’hostilité » du régime de Pyongyang.
« Ils veulent vraiment le faire. Nous aimerions le faire », a-t-il ajouté, interrogé sur la possibilité de ce face-à-face inédit entre un président américain en exercice et un représentant de la dynastie des Kim, qui règne sur la Corée du Nord depuis plus d’un demi-siècle. « Nous verrons ce qui va se passer », a-t-il encore dit, reprenant une formule maintes fois répétées, avant de lancer, sans autres précisions, que la rencontre « pourrait même avoir lieu le 12 (juin) ».
La réaction initiale de la Corée du Nord à cette annulation rendue publique le jour même où Pyongyang déclarait avoir « complètement » démantelé son seul site connu d’essais nucléaires a été plutôt mesurée. Si le premier vice-ministre des Affaires étrangères Kim Kye Gwan a parlé de décision « extrêmement regrettable », il a laissé la porte ouverte en déclarant que Pyongyang était prêt « s’asseoir face à face, à tout moment et de quelque manière que ce soit, pour résoudre le problème ».« Très bonne nouvelle de recevoir la déclaration chaleureuse et productive de la Corée du Nord », a tweeté M. Trump vendredi matin.
C’est par un courrier d’une vingtaine de lignes adressé à M. Kim que le 45e président des Etats-Unis a fait part de sa décision de renoncer au face-à-face dont il avait lui-même accepté le principe début mars à la stupéfaction générale. « Malheureusement, au regard de l’énorme colère et de l’hostilité affichée dans votre dernière déclaration en date, j’estime qu’il n’est pas opportun, à ce stade, de maintenir cette rencontre », écrivait M. Trump dans cette lettre dont il a, ont souligné des responsables de la Maison Blanche « dicté tous les mots »
Des responsables américains ont expliqué ce revirement par une « série de promesses non tenues » et un « profond manque de bonne foi ». Washington exige une « dénucléarisation complète, vérifiable et irréversible » de la part du Nord. La Chine, le seul allié d’importance de Pyongyang, a appelé les deux parties à faire preuve de « bonne volonté » et de « patience ». L’euphorie initiale suscitée par la perspective du sommet avait cédé la place au doute ces derniers temps, avec pour toile de fond des menaces échangées par les deux parties. Le Nord a encore qualifié jeudi de « stupides » et d’« ignorants » des propos du vice-président américain Mike Pence.
L’annulation du sommet Trump-Kim place porte-à-faux la Corée du Sud, qui a joué un rôle central artisan de la remarquable détente des derniers mois entre Pyongyang et Washington. Le président sud-coréen Moon Jae-in a évoqué une tournure des événements « choquante et profondément regrettable ». « Il semble que (le Nord) reste sincère quant à la mise en oeuvre de l’accord et à ses efforts pour la dénucléarisation et l’instauration de la paix », a souligné le ministre sud-coréen de l’Unification, Cho Myoung-gyon.
Le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé les parties à poursuivre le dialogue, de même que l’hôte singapourien, tandis que le président russe Vladimir Poutine espérait que les entretiens puissent avoir lieu au bout du compte.
Un haut responsable américain a déploré que les Nord-Coréens ne se soient pas présentés lors d’une réunion préparatoire la semaine dernière à Singapour avec des responsables de la Maison Blanche. « Ils ont attendu et encore attendu. Les Nord-Coréens ne sont jamais venus. Ils ne nous ont rien dit, ils nous ont simplement posé un lapin ». Washington a également vu d’un mauvais œil le fait que Pyongyang se soit abstenu d’inviter des experts internationaux à vérifier le démantèlement de son site d’essais de Punggye-ri, caché sous une montagne près de la Chine et théâtre de ses six essais nucléaires.
« Dans le concours pour déterminer qui est le leader le plus erratique, le président Trump bat Kim Jong Un à plate couture », selon Joel Wit, le fondateur du site de référence dédié à la Corée du Nord, 38 North. « Son instabilité plonge tout le monde dans la perplexité, y compris nos alliés sud-coréens ». Mais d’autres jugent que le retrait de Donald Trump est de nature à arracher de nouvelles concessions à Pyongyang.
« La Corée du Nord va devoir présenter des projets plus précis pour la dénucléarisation si elle veut discuter à l’avenir », a dit à l’AFP Go Myong-hyun, analyste à l’Institut Asan des études politiques.
DC avec AFP
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