Trump veut redessiner l’avenir du monde

Par Drieu Godefridi
10 mars 2025 17:46 Mis à jour: 10 mars 2025 19:45

Bien que le président ukrainien Volodymyr Zelensky ait finalement accepté le « parapluie de protection doré » que son homologue américain Donald Trump lui a offert comme premier pas pour amener Vladimir Poutine aux négociations d’un cessez-le-feu dans la guerre que ce dernier a commencée en Ukraine il y a trois ans, la rencontre du 28 février entre MM. Trump et Zelensky a échoué – le monde entier a pu le voir à la télévision.

Donald Trump semble avoir anticipé une cérémonie de signature d’un accord ; Volodymyr Zelensky semble avoir anticipé l’assurance d’une sécurité pour son pays. Le message ultime de M. Trump était apparemment le suivant : une offre finale de Trump est une offre finale de Trump. Toutefois, il a eu l’amabilité d’offrir à M. Zelensky la possibilité de revenir aux négociations s’il changeait d’avis, ce que le président ukrainien a fait le 4 mars.

Depuis longtemps, il n’était pas facile d’exprimer en Occident des doutes sur le succès de l’Ukraine dans la guerre qu’elle mène contre la Russie sans être taxé de « Poutiniste ». C’était comme si l’horreur de la guerre obligeait tout le monde à prendre parti : il n’y avait que des « Poutinistes » et des « Slava Ukraini ».

Le quotidien britannique Telegraph a qualifié d’« étranglement » la demande américaine de remboursement des milliards investis en matériel de guerre pour l’Ukraine. Le Telegraph a comparé cette demande aux réparations imposées à l’Allemagne par le traité de Versailles après la Première Guerre mondiale – une analogie d’autant plus choquante, selon lui, que l’Ukraine est la victime, et non l’agresseur.

Donald Trump a demandé à l’Ukraine de rembourser les sommes énormes avancées par les États-Unis, surtout après avoir découvert que l’argent accordé à l’Ukraine par les pays européens était, selon lui, des prêts, et non des dons. Le président américain a proposé un accord par lequel les États-Unis aideraient l’Ukraine à procéder à l’exploration de ses ressources minérales tels que le lithium et le titane, et a suggéré qu’une telle collaboration commerciale servirait de moyen de garantie adéquat contre une nouvelle invasion du pays par l’armée russe regroupée et renforcée quelque temps plus tard.

Il a été rapporté que les États-Unis détiendraient 50 % des actifs de ce secteur industriel ou de ses revenus, en guise de remboursement aux contribuables américains pour l’aide accordée dans le passé. M. Zelensky a déclaré qu’il était ouvert aux investissements, mais qu’il avait besoin de garanties de sécurité plus solides.

Les détracteurs de Donald Trump ont qualifié sa demande d’exploitation minière proche d’un accaparement des ressources coloniales, tandis que ses partisans semblaient y voir un potentiel gagnant-gagnant – une sorte de nouveau « plan Marshall » aidant à reconstruire l’économie ukrainienne. Les détails du potentiel accord n’ont pas encore été annoncés.

En réalité, un tel accord entre l’Ukraine et les États-Unis est un moyen de maintenir l’engagement américain en Ukraine pour les décennies à venir – et donc au moins une garantie de sécurité non militaire. On ne laisse pas un débiteur de 300-350 milliards de dollars, selon l’estimation de M. Trump, se faire écraser. Cet accord pourrait constituer un mécanisme garantissant un engagement américain durable en faveur de la sécurité de l’Ukraine. Des obligations financières d’une telle ampleur incitent naturellement le créancier à protéger le débiteur des menaces existentielles. Aucun pays, on l’espère, ne permettra à un partenaire stratégique ayant des dettes de cette ampleur d’être déstabilisé ou envahi.

Mais est-ce qu’un tel accord suffirait effectivement à la paix durable, et que se passera-t-il une fois la dette remboursée ? En l’absence d’un cadre stratégique durable, l’effet de levier financier pourrait ne pas suffire à garantir la sécurité à long terme. Le cas de Hong Kong est un précédent qui donne à réfléchir : l’Occident était investi à fond dans son économie, mais lorsque la Chine communiste a affirmé son contrôle sur cette « région administrative spéciale », les entreprises internationales ont en grande partie plié bagage et quitté Hong Kong plutôt que d’affronter Pékin.

Pour l’Ukraine, si l’effet de levier économique ne suffit pas, quelles structures pourraient être mises en place pour garantir que la sécurité de l’Ukraine ne devienne pas un autre cas de Vietnam du Sud, de Hong Kong ou d’Afghanistan d’où les puissances extérieures ont finalement choisi de se retirer ?

En même temps, la dette serait remboursée dans le cadre du « partenariat » entre les États-Unis et l’Ukraine pour l’exploitation de ses ressources naturelles, ce qui contribuerait également à la reconstruction de l’économie ukrainienne. À l’heure actuelle, la proposition de Donald Trump est probablement la meilleure offre pour l’Ukraine – et la seule réaliste. Elle donne à l’Amérique des « intérêts en jeu », permet à M. Trump d’avoir un effet de levier lorsqu’il s’adresse à la Russie et empêche M. Poutine, au moins pour un certain temps, d’envahir le reste de cette république qui faisait partie de l’ex-Union soviétique.

L’erreur

Contrairement à ses prédécesseurs, Donald Trump a reconnu que l’OTAN s’était engagée à ne pas s’étendre au-delà de l’Allemagne de l’Est. Au cours des trois dernières années, le simple fait d’affirmer cela lui a valu d’être qualifié de « Poutiniste ». Cependant, il est clair que James Baker, secrétaire d’État du président américain George H.W. Bush, a fait une telle promesse, soutenue par d’autres responsables occidentaux. Il est clair aussi que ces promesses n’étant ni documentées ni contraignantes, elles n’ont pas de statut de traité ou de loi internationale.

En revanche, c’était le cas du Mémorandum de Budapest – un accord que l’Ukraine, la troisième puissance nucléaire mondiale de l’époque, a signé en 1994 avec la Russie, le Royaume-Uni et les États-Unis, qui lui garantissait l’intégrité territoriale et l’indépendance politique en échange de ses armes nucléaires (détruites ou transférées à la Russie). Cet accord a été violé par la Russie deux fois – en 2014, avec l’annexion de la Crimée, et en février 2022, avec le début de l’invasion lancée contre le reste de l’Ukraine. De leur côté, les États-Unis n’ont pas non plus respecté leur part de l’accord qui ne protégeait l’Ukraine que sur papier.

Comme on a pu le supposer, l’OTAN – une alliance prévoyant une riposte collective à l’agression contre l’un de ses États membres – ne semble pas vraiment présenter un problème pour Moscou. La Russie a déjà de très longues frontières pacifiques avec les pays de l’OTAN, y compris les États baltes. Le Kremlin n’a pas fait d’histoires lorsque, par crainte de sécurité, la Suède et la Finlande ont récemment rejoint l’OTAN – dont la dernière, qui partage une frontière de plus de 1340 kilomètres avec la Russie, est toute proche de Saint-Pétersbourg, la deuxième ville la plus importante de Russie.

Le seul pays où l’adhésion à l’OTAN semble clairement poser problème à Moscou est l’Ukraine. Cette exception devrait probablement être considérée comme un feu rouge clignotant, mettant en garde que Vladimir Poutine pourrait toujours avoir des vues sur l’Ukraine pour ses minerais, ses terres agricoles et son débouché sur la mer Noire.

Tant que l’Ukraine n’est pas membre de l’OTAN, M. Poutine pourrait la considérer comme une proie facile. Quant à l’accord potentiel avec Donald Trump, il pourrait bien apparaître à M. Poutine qu’une partie de l’Ukraine vaut mieux qu’aucune Ukraine – surtout après avoir déjà réussi à capturer toute la Crimée et une bonne partie de la Géorgie.  On pourrait également se rappeler que, pour le meilleur ou pour le pire, M. Poutine n’est pas éternel.

Ce qui semble terrifier le plus Vladimir Poutine, c’est une démocratie à quelque 450 kilomètres de Moscou – un État où les habitants de la Russie pourraient voir de près ce que c’est que de vivre dans une société libre.

Vers un nouveau Yalta ?

L’Europe d’aujourd’hui n’a pas les moyens de défier les États-Unis et ne peut affronter la Russie que grâce au soutien de l’OTAN. Bref, l’Europe ne compte pas. Jusqu’à présent, en tout cas, l’Europe n’a pas voulu payer pour sa défense et n’a pas voulu se battre.

Donald Trump a soutenu l’OTAN, mais pas en tant que garant. Sa vision du monde actuelle est qu’il rejette la guerre, sauf en dernier recours. Pour lui, semble-t-il, le véritable rival de l’Amérique au XXIe siècle n’est ni la Russie ni l’Europe, et certainement pas l’entité amorphe et incohérente connue sous le nom de BRICs. C’est la Chine. Pour contrer cette menace, M. Trump a besoin d’une Europe coopérante qui finance davantage sa propre défense.

La Russie est peut-être un empire appauvri, mais elle se considère toujours comme telle. Elle exerce son influence et sa puissance – basées sur le pétrole et les armes nucléaires – au-delà de ses frontières, mais principalement lorsque son économie est stable et regorge de ressources. Lorsque la Russie est en difficulté financière ou « à sec », ses ambitions impériales sont reléguées au second plan.

Ce sont les politiques énergétiques de l’administration Biden qui ont renforcé la position économique de la Russie et qui ont fourni les fonds nécessaires à ses actions militaires, en particulier à l’invasion de l’Ukraine. Les restrictions imposées par M. Biden à la production d’énergie aux États-Unis et l’abandon de leur indépendance énergétique ont fait grimper les prix mondiaux du pétrole et du gaz, remplissant ainsi les coffres de Moscou.

La Russie dit qu’elle ne veut pas de l’Ukraine qui peut obtenir des missiles nucléaires se trouvant à deux pas de Moscou, tout comme les États-Unis ne voulaient pas de missiles soviétiques à Cuba. Néanmoins, les États-Unis n’envahissent pas les autres pays, c’est la Russie qui le fait. Ce n’est un secret pour personne, même pour M. Trump, que la Russie est l’agresseur et qu’elle est probablement déterminée à continuer à agir de la sorte.

Dans les Caraïbes, près de l’Amérique, se trouvent des îles qui appartiennent à la France, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, et personne aux États-Unis ne s’inquiète à leur sujet. En revanche, la Russie, la Chine, la Corée du Nord et l’Iran se comportent comme des prédateurs. Ils ne se contentent pas de montrer leurs muscles. Ils agissent comme s’ils attendaient que l’Occident leur donne une carte blanche pour sa propre destruction sans conséquences. La Russie, la Chine et l’Iran, soutenus par la Corée du Nord, semblent bien décidés à se tailler des empires par des actions agressives successives.

Aujourd’hui, trois puissances militaires dominent le monde : la Chine, la Russie et les États-Unis. L’Europe, si elle ne figure pas sur la liste, ne peut s’en prendre qu’à elle-même. Économiquement à égalité avec les États-Unis jusqu’en 2000, le vieux continent a depuis succombé à un fantasme écologiste – la soi-disant « société zéro carbone » – un mythe imposé pour lequel l’Union européenne a tout sacrifié : l’économie, le bien-être des citoyens, la liberté d’expression et, en fin de compte, peut-être même sa culture et sa forme démocratique de gouvernement.

Considérez ceci : l’Européen moyen paie quatre fois plus pour le chauffage de sa maison que l’Américain moyen. Pourquoi ? Parce qu’en Europe la fracturation hydraulique est interdite, le pétrole est méprisé, l’électricité dépend des éoliennes et des panneaux solaires intermittents, et des réacteurs nucléaires parfaitement fonctionnels sont mis hors service. Aujourd’hui, la Russie envisage de réparer le gazoduc Nord Stream 2 afin que l’Europe puisse dépendre de nouveau de M. Poutine. Bonne chance.

Donald Trump a l’ambition, les moyens et l’élan pour un nouveau Yalta. Les Russes ne seront que trop heureux de revenir à la table des négociations. En jurant et en tremblant, les Européens risquent de leur accorder une aide précieuse.

Publié initialement par Gatestone Institute

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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