La société Uber a été condamnée vendredi par le conseil de prud’hommes de Lyon à verser quelque 17 millions d’euros à 139 chauffeurs de VTC, une « décision assez historique », selon leur avocat, Me Stéphane Teyssier.
Contactée par l’AFP, la firme américaine a d’ores et déjà annoncé sa volonté de faire appel.
Les chauffeurs lyonnais avaient saisi en 2020 les prud’hommes pour faire requalifier la relation qui les liait à Uber en contrat de travail. L’audience s’était tenue en juin 2022 et le conseil avait mis sa décision en délibéré.
Une condamnation inédite
« On a eu une décision assez historique aujourd’hui. Uber a été condamnée à requalifier les contrats de 139 chauffeurs pour un montant de 17 à 20 millions d’euros », a déclaré à l’AFP Me Teyssier, confirmant une information du quotidien régional Le Progrès.
« Une condamnation d’une telle ampleur, c’est inédit en France », a-t-il souligné.
Le groupe devra verser des dommages et intérêts ou des indemnisations pour divers manquements au Code du travail tels que licenciement sans cause réelle et sérieuse, travail dissimulé, exécution fautive du contrat de travail, sanction disciplinaire injustifiée ou non-respect de la législation relative aux durées maximales du travail et au temps de repos obligatoire.
Les prud’hommes se sont prononcés « sur la base d’une jurisprudence bien établie de la Cour de cassation de janvier 2020. La Cour de cassation a estimé que les chauffeurs Uber devaient être considérés comme des salariés. C’est l’application logique d’une telle jurisprudence », a estimé Me Teyssier.
Contestation d’Uber
La société américaine conteste. « Cette décision vient à rebours de la position largement partagée par les conseils de prud’hommes et les cours d’appel qui confirment l’indépendance des chauffeurs VTC utilisant l’application, jugeant notamment qu’il n’existe aucune obligation de travail, ni d’exclusivité vis-à-vis d’Uber ou encore que les chauffeurs demeurent totalement libres dans l’organisation de leur activité », a commenté un porte-parole contacté par l’AFP, sans donner le montant qu’Uber devra payer.
« Ce délibéré reconnaît d’une certaine manière l’abus de position dominante d’Uber, qui agit comme un cartel depuis tant d’années », a réagi l’association des chauffeurs indépendants lyonnais (Acil) dans un communiqué, en se félicitant d’une « victoire historique ».
La Cour de cassation avait reconnu en mars 2020 l’existence d’un lien de subordination entre Uber et un de ses chauffeurs, jugeant que le statut d’indépendant était « fictif » et qu’il devait être considéré comme salarié.
Plus tard, en septembre 2021, la cour d’appel de Paris avait considéré que la relation de travail entre un chauffeur et Uber pouvait « s’analyser comme un contrat de travail » et non comme une relation commerciale.
Mais, selon Uber, qui qualifie la décision lyonnaise d’« isolée », les demandes de requalification en salariat de chauffeurs n’ont pas abouti dans plus de 65% des cas (298 chauffeurs non requalifiés sur 460 demandes) depuis l’arrêt de la Cour de cassation en mars 2020.
« Uber fait l’étonnée de cette décision mais c’est la suite logique de toutes les décisions qui ont eu lieu en Europe, qui ont lieu en France », a rétorqué Me Teyssier.
Uber a précisé que « les comptes des chauffeurs seraient désactivés à réception du jugement tel qu’ordonné par le conseil ».
Le statut de travailleur indépendant, sur lequel des plateformes comme Uber ou Deliveroo fondent leur modèle, est remis en cause dans un nombre croissant de pays.
« Nous sommes déterminés à faire avancer la question des droits des travailleurs des plateformes et convaincus que la bonne voie est celle du dialogue social avec les représentants des chauffeurs pour bâtir un modèle qui préserve la flexibilité et l’indépendance qu’ils plébiscitent, tout en garantissant des améliorations concrètes dans leurs conditions d’activité », a souligné le porte-parole d’Uber, qui compte quelque 30.000 chauffeurs utilisant sa plateforme en France.
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