Les ambassadeurs des pays de l’UE, réunis mercredi à Bruxelles, se sont mis d’accord sur un texte clé de la réforme de la politique migratoire européenne en surmontant les réticences italiennes, avant un sommet des Vingt-Sept vendredi en Espagne.
Le règlement en discussion est destiné à organiser une réponse européenne en cas d’afflux massif de migrants dans un État de l’UE, comme au moment de la crise des réfugiés de 2015-2016. Il permet notamment d’allonger la durée de détention des migrants aux frontières extérieures du bloc.
L’accord, annoncé par la présidence espagnole de l’UE, devra désormais faire l’objet de négociations avec le Parlement européen.
L’Allemagne et l’Italie se rallient au texte
Ce texte, la dernière pièce du « Pacte asile et migration » de l’UE sur lequel les pays membres devaient se mettre d’accord, s’était heurté pendant plusieurs mois aux objections de l’Allemagne, pour des raisons humanitaires. Un compromis avait été trouvé fin septembre, pour obtenir le feu vert de Berlin, mais l’Italie avait alors manifesté son désaccord.
Ces réticences portaient sur le rôle des ONG secourant des migrants, selon des sources diplomatiques, Rome reprochant à l’Allemagne de financer plusieurs ONG de secours en Méditerranée. La cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni avait réclamé la semaine dernière que ces ONG fassent débarquer les migrants dans les pays dont leurs bateaux battent pavillon. Une entente a finalement été trouvée sur la formulation de ce point, permettant de rallier au texte l’Italie comme l’Allemagne.
« C’est un résultat très positif, un succès pour l’Italie. Quand l’Europe décide, elle doit prendre en compte l’avis de tous », a réagi le ministre italien des Affaires étrangères Antonio Tajani. L’accord sur ce texte constitue un « tournant historique qui « limitera efficacement la migration irrégulière en Europe et soulagera durablement des Etats comme l’Allemagne », a commenté le chancelier allemand Olaf Scholz.
La Commission européenne et l’Espagne, qui exerce la présidence semestrielle du Conseil de l’UE, espéraient un accord avant le sommet européen qui réunit vendredi à Grenade (sud de l’Espagne) les chefs d’État et de gouvernement, et où la brûlante question migratoire sera au coeur des discussions.
Les mesures en cas d’afflux « massif » et « exceptionnel »
La paralysie de ce « règlement de crise » suscitait de la frustration au sein de l’UE, face à la hausse du nombre des arrivées de migrants à ses frontières extérieures et à la situation sur l’île italienne de Lampedusa.
Le texte prévoit, en cas d’afflux « massif » et « exceptionnel », la mise en place d’un régime dérogatoire moins protecteur pour les demandeurs d’asile que les procédures habituelles. Il prolonge la durée possible de détention d’un migrant aux frontières extérieures de l’UE, jusqu’à 40 semaines, et permet des procédures d’examen des demandes d’asile plus rapides et simplifiées pour un plus grand nombre d’exilés (tous ceux en provenance de pays dont le taux de reconnaissance, c’est-à-dire le taux de réponse positive aux demandes d’asile, est inférieur à 75%), afin de pouvoir les renvoyer plus facilement. Il prévoit par ailleurs un déclenchement rapide de mécanismes de solidarité envers l’État membre confronté à cet afflux, sous la forme en particulier de relocalisations de demandeurs d’asile ou d’une contribution financière.
En juillet, la majorité nécessaire pour l’adopter n’avait pas été atteinte parmi les Vingt-Sept, l’Allemagne s’étant notamment abstenue en raison de l’opposition des Verts, membres de la coalition au pouvoir, qui réclamaient des aménagements pour les mineurs et les familles. « Nous avons bataillé avec succès pour éviter que les normes humanitaires minimales, telles que l’accès à l’éducation et aux soins de santé, ne soient affaiblies (…) », s’est félicité mercredi la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock.
Pour pousser les 27 à s’accorder sur ce règlement, le Parlement européen avait mis sur pause les négociations déjà entamées avec les États membres sur deux autres textes du « Pacte asile et migration », un paquet d’une dizaine de lois présenté en septembre 2020 par la Commission pour renforcer la sécurité aux frontières extérieures.
L’objectif affiché était de l’entériner d’ici aux élections européennes de juin prochain. Avec l’accord conclu mercredi, « nous sommes désormais dans une meilleure position pour parvenir à un accord sur l’ensemble du Pacte avec le Parlement d’ici à la fin du semestre », a même assuré le ministre espagnol de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska.
L’Autriche, la Slovaquie et la République tchèque se sont abstenues tandis que la Pologne et la Hongrie s’y sont opposées, selon une source diplomatique. La Hongrie a rappelé mercredi sa franche hostilité : « Nous appelons Bruxelles à mettre immédiatement fin à cette politique migratoire, aux quotas de réinstallation obligatoires (…) », a réagi le ministre des Affaires étrangères Peter Szijjarto.
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