Avoir un enfant dans un désert médical est devenu plus simple pour une cinquantaine de femmes de la campagne auvergnate qui bénéficient d’un suivi complet « à la carte » grâce à un camion itinérant aménagé en cabinet médical mobile.
10h30 : après avoir traversé des paysages enneigés et parcouru plusieurs kilomètres de routes sinueuses, le camion d’« opti’soins » se gare sur la place de la maison de santé de Condat, village du Cantal. Le décor est bucolique, face à un pré où paissent des moutons, non loin du clocher de l’église néogothique.
C’est ici qu’a rendez-vous Marine Potet, une maraîchère de 32 ans, pour son entretien postnatal. Accompagnée de son nourrisson d’un mois, elle monte à l’arrière du camion, accueillie par les sages femmes Nathalie Dulong et Isabelle Raimbault.
À l’intérieur, un cabinet entièrement équipé : matériel d’échographie, coussin de relaxation, pèse-bébé, fauteuil de consultation. L’entretien postnatal est l’occasion de « voir un peu comment cela se passe depuis que bébé est arrivé, dans le cadre familial, professionnel, au niveau du couple et avec le bébé », explique Nathalie Dulong.
Déployé depuis plusieurs années à Mayotte, ce dispositif unique en France métropolitaine vise les femmes géographiquement éloignées des professionnels de santé. Il a été déployé dans le cadre d’un projet de recherche conduit par le CHU de Clermont-Ferrand qui a permis d’identifier 400 besoins dans 220 communes, sur financement du ministère de la Santé et la région Auvergne-Rhône-Alpes.
La grossesse de Marine Potet a été entièrement suivie dans l’antenne mobile : échographies, suivi clinique, bilans biologiques, cours de préparation à l’accouchement. « Ce qui est agréable, c’est de voir les mêmes personnes, on a une proximité qui s’installe avec les sages-femmes. À l’hôpital, c’est un peu moins personnel. Là, il y a un lien qui se crée », explique la maraichère, déjà maman d’une fille de trois ans.
La sage-femme la plus proche est à vingt minutes mais ne pratique pas d’échographie, la maternité d’Issoire est à une heure. Sans opti’soins, « je n’aurais pas sacrifié les aspects médicaux, mais cela aurait été beaucoup plus contraignant », assure la mère de famille.
En 2021, un rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat déplorait que la santé des onze millions de femmes vivant en milieu rural ne soit pas une « priorité », la désertification médicale touchant particulièrement les gynécologues, alors que le nombre de maternités a été divisé par trois en quarante ans. Ce rapport préconisait la généralisation aux départements ruraux de « solutions de médecine itinérante, type bus ou camion itinérants équipés et pluridisciplinaires ».
Certaines patientes isolées connaissent en effet des ruptures dans le parcours de soin, souligne Isabelle Raimbault : « c’est une population isolée qui a un état de santé plus dégradé que la population générale » et « elles partent déjà avec des difficultés sur le début de grossesse ».
Des conseils de nutrition
Le but du programme est donc de « tester si le fait d’amener le soin au plus proche de ces patientes améliore la santé des mères et des enfants ». Pour le deuxième rendez-vous du jour, direction Besse (Puy-de-Dôme), où se découpent les cimes enneigées du massif du Sancy.
Léa Burie, 27 ans, accouche dans deux semaines. Grâce au dispositif, elle n’a pas eu à rouler sur une trentaine de kilomètres jusqu’à Issoire pour son échographie mensuelle. « On n’a qu’à traverser la rue pour aller au camion », se félicite la future maman venue avec son compagnon.
L’équipe de trois sages-femmes à temps plein collabore avec des infirmiers en santé mentale et un psychiatre qui appellent régulièrement les patientes « pendant la grossesse et après, en prévention de la dépression postpartum » : « quelquefois, ce sont des choses taboues, qu’on n’ose pas dire une fois qu’on a accouché », souligne Nathalie Dulong.
Grâce à son diplôme en nutrition, la sage-femme dispense des conseils alimentaires : « on fait un suivi beaucoup plus à la carte, en fonction des besoins de la dame et de l’offre du territoire. »
L’expérience doit s’arrêter en septembre. Et après ? « Une décision administrative a été prise pour pérenniser le projet autour de la prévention de la mère et de l’enfant », explique Isabelle Raimbault. Mais « tout est à monter et on cherche des financements ».
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