Sa tentative de suicide n’était qu’un leurre : un détenu, transféré le 22 décembre à l’hôpital de Pontoise après des automutilations, y était attendu par une femme qui a ouvert le feu sur les agents pénitentiaires non armés qui l’escortaient, permettant son évasion.
« Le fugitif, âgé de 28 ans et incarcéré à la maison d’arrêt d’Osny, était arrivé au centre hospitalier vers 21H30. Il faisait l’objet d' »une extraction médicale après qu’il a été découvert dans sa cellule en train de se mutiler », rapporte l’administration pénitentiaire.
Sur le parking, l’escorte, composée de pompiers et de trois agents pénitentiaires sans arme mais équipés de gilets pare-balle, est en fait attendue par une femme armée d’un fusil, « à pompe ou de chasse », selon une source policière.
Il prend la fuite avec sa complice à bord d’une voiture
La complice « demande à ce que le détenu soit détaché » puis tire sur l’un des fonctionnaires. Ce dernier reçoit « 30 impacts de plomb, superficiels, dans le bas du dos », le blessant légèrement, selon cette source.
La femme, le détenu et un troisième homme qui faisait le guet ont ensuite pris la fuite ensemble à bord d’une voiture. Ils sont activement recherchés avec la diffusion d’une fiche aux services à l’échelle nationale.
Sur place, deux étuis de calibre 12 ont été retrouvées, a précisé la source policière.
Le surveillant stagiaire a été admis à l’hôpital en observation pour « passer des examens complémentaires » mais « ses jours ne sont pas en danger », selon l’administration pénitentiaire, précisant que le surveillant a été « protégé par son gilet pare-balle ».
Les pompiers présents lors du transfert sont « secoués et se reposent », indique le Sdis 95 du Val-d’Oise.
Considéré comme dangereux
L’homme, Louis F. issu de la communauté des gens du voyage, était en détention provisoire depuis le 1er octobre, dans l’enquête sur un assassinat commis fin septembre, indique le parquet de Pontoise. Il est soupçonné d’avoir tué à Valenton (Val-de-Marne) un jeune homme de 18 ans dans la nuit du 28 au 29 septembre. Il s’était constitué prisonnier.
Il était déjà très défavorablement connu des services de police pour tentative d’homicide, vols et violences aggravées et séquestration, selon la source policière, mais n’était pas classé comme « détenu particulièrement signalé » (DPS).
Eric Dupond-Moretti se déplace à la maison d’arrêt
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti s’est rendu à la maison d’arrêt d’Osny dans le Val-d’Oise pour apporter son « soutien » aux surveillants qui encadraient le transfert médical, peu après 15h00. Il a auparavant rencontré l’agent pénitentiaire blessé à l’hôpital de Pontoise.
Les trois surveillants sont « psychologiquement extrêmement marqués par ce qu’ils ont vécu hier », a déclaré M. Dupond-Moretti devant la presse. « Les agents pénitentiaires, qui constituent la troisième force de sécurité de ce pays, en aucune façon ne méritent d’être ‘tirés’ comme ils l’ont été hier soir, au péril de leur vie », a-t-il ajouté.
La PJ de Versailles a été saisie de l’enquête des chefs « d’évasion en bande organisée et tentative de meurtre sur personne dépositaire de l’autorité publique », précise le parquet de Pontoise dans un communiqué. Au vu des éléments, aucune enquête administrative n’a été diligentée, selon la Chancellerie.
« Des dysfonctionnements qui ne sont pas nouveaux »
Interrogée sur l’absence de port d’arme chez les agents, la Chancellerie a indiqué que « le niveau de risque est à replacer dans le contexte », avec « deux évasions en 2020 sur 54.371 extractions médicales ». En 2021, pour huit des treize évasions recensées, dont celle d’Osny, le détenu a profité d’un transfert à l’hôpital pour se faire la belle.
« Sur ces trois dernières années, une seule de ces évasions est survenue avec une complicité extérieure. Le cas de figure le plus classique est celui de la fuite du détenu », a-t-on précisé place Vendôme.
Les escortes de détenus ne sont plus assurées par les forces de l’ordre depuis 2019. Cette tâche est désormais assurée par les agents pénitentiaires.
Les extractions pour raison médicale sont assurées depuis une circulaire d’octobre 2019 par « des équipes locales de sécurité pénitentiaires (ELSP) déployées sur le territoire, formées et habilitées au port d’arme », selon la Chancellerie.
Au 13 décembre, 519 personnels pénitentiaires étaient habilités au port d’armes, répartis dans 51 équipes locales de sécurité pénitentiaires, a-t-elle ajouté.
Ralenties par la crise sanitaire, ces formations « doivent être accélérées en 2022 » avec notamment 216 agents formés l’année prochaine sur le ressort de la Direction interrégionale de Paris dont la prison d’Osny, selon la Chancellerie.
« Cet épisode, sans conséquence tragique heureusement, met cependant en lumière des dysfonctionnements qui ne sont pas nouveaux et posent de réelles questions de sécurité pour les fonctionnaires hospitaliers et pénitentiaires », a réagi dans un communiqué l’Unsa Santé et Sociaux Public et Privé du Val d’Oise et de Pontoise.
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