Pour la première fois Gisèle Pelicot s’est emportée mercredi au procès des viols de Mazan, exprimant son sentiment d’humiliation face aux insinuations de certains avocats sur les viols qu’elle a subis, leur lançant : « Un viol est un viol ! ».
« Depuis que je suis arrivée dans cette salle d’audience, je me sens humiliée. On me traite d’alcoolique, que je me mette dans un état d’ébriété tel que je suis complice de monsieur Pelicot », a-t-elle commencé devant la cour criminelle de Vaucluse.
« Dans l’état où j’étais, je ne pouvais absolument pas répondre à qui que ce soit. J’étais dans un état de coma et les vidéos qu’on va diffuser vont pouvoir l’attester », a assuré cette femme de 72 ans. Même « les experts ont été choqués de ces vidéos, et ce sont des hommes », a-t-elle ajouté. Les « 50 accusés derrière ne se sont pas posé la question du consentement ? C’est quoi ces hommes, c’est des dégénérés ou quoi ? », a-t-elle tonné.
« Il n’y a pas ‘viol et viol’. Un viol est un viol », a asséné Mme Pelicot, en référence aux propos d’un avocat qui avait estimé qu’il y avait « viol et viol », semblant minimiser l’intention réelle de certains des accusés dont beaucoup affirment avoir pensé participer à un jeu sexuel d’un couple libertin.
« J’ai expliqué qu’il y avait le viol dans son acception médiatique et juridique. Que les propos vous aient blessée, aient pu choquer, j’en suis désolé. Ce n’était pas mon intention. Mon intention c’était de rappeler des règles de droit », lui a répondu Me Guillaume De Palma.
Des photos des faits commis sur Gisèle Pelicot entre 2011 et 2020 ont été aussi été diffusées pour la première fois à l’audience mercredi après-midi à la demande d’avocats de la défense. Le matin, comme Dominique Pelicot, le premier des 50 autres coaccusés, Jean-Pierre M., 63 ans, a lui aussi reconnu être « un violeur », réclamant une « punition dure ». Il est le seul à n’être pas poursuivi pour des agressions sexuelles sur Gisèle Pelicot mais sur sa propre épouse sur laquelle il avait calqué le même scénario criminel élaboré par Dominique Pelicot.
Les deux hommes s’étaient rencontrés sur le site Coco.fr. L’accusé principal des viols de Mazan lui avait d’abord proposé de « violer » Gisèle « plusieurs fois ». Mais « j’ai refusé », a affirmé Jean-Pierre M.
Un « violeur » à l’enfance violentée
À la question de savoir si Dominique Pelicot lui avait bien précisé que Gisèle serait « droguée et qu’il cherchait un homme pour son épouse endormie et sous médicaments », il a répondu par l’affirmative, mettant à mal un argument régulièrement avancé par des avocats de la défense, selon lesquels leurs clients n’avaient pas été avisés de ce procédé.
« Je n’aurais pas connu monsieur Pelicot, je ne serais jamais passé à l’acte. Il était rassurant et imposant. Il me rappelait mon père », a affirmé Jean-Pierre M., dévoilant une enfance marquée par des violences sexuelles.
« Ma jeunesse, c’est la honte, l’alcool, le sexe, beaucoup de silence », a-t-il dit, sans s’épancher avant d’être relancé par son avocat. « On a vécu des actes horribles de mon père. De la violence sexuelle. Mon père, je ne l’appelais jamais ‘papa’ mais ‘le père’ ». Il a détaillé les fois où, enfant, il avait dû pratiquer des fellations à son père en guise de « récompense » pour pouvoir l’accompagner pêcher avec sa sœur. Il a également raconté les scènes de viols de son père sur sa mère auxquelles il a dû assister.
Un appel à « ne plus se taire »
Depuis le début du procès Mazan, qui connaît une forte résonance en France et à l’étranger, militantes et associations féministes appellent de nouveau les hommes à « prendre enfin leurs responsabilités » dans la lutte contre les violences faites aux femmes et à « ne plus se taire ».
En France, quelques hommes comme le journaliste Karim Rissouli ont eux aussi appelé publiquement à une prise de conscience : « C’est peut être le premier grand procès de la masculinité où on prend collectivement conscience que notre façon d’être des hommes dans ce pays depuis des siècles a des conséquences ».
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