Une ancienne tradition chinoise : avoir une maison remplie de divinités

Par Lorraine Ferrier
13 juin 2020 21:08 Mis à jour: 1 avril 2021 19:30

Dans un passé pas très lointain, les Chinois vénéraient leurs ancêtres et leurs divinités en toute liberté dans leur maison. La vénération avait une place importante dans la vie quotidienne et il en était ainsi depuis les temps anciens.

Depuis que le parti communiste chinois (PCC) a pris le contrôle de la république de Chine en 1949, il a découragé et finalement presque détruit la culture traditionnelle chinoise. Aujourd’hui les croyances religieuses et traditionnelles du peuple chinois sont interdites et toute trace de leur existence a été pratiquement détruite ou salie.

Les œuvres d’art dévotionnelles privées n’existent peut être plus en Chine, mais de nombreuses grandes institutions à travers le monde détiennent des exemplaires de ces images, a expliqué Wen-Chien Cheng lors d’un entretien téléphonique. Cheng est la co-commissaire de « Divinités dans ma maison : le Nouvel An chinois avec des portraits d’ancêtres et des estampes de divinités », une exposition qui se tenait au Musée royal de l’Ontario, au Canada et qui a été clôturée le 5 janvier 2020.

Peu de ces images ont survécu parce qu’elles n’étaient pas considérées comme des objets de collection ou peut être qu’elles étaient collées sur les murs des maisons ou ont été brûlées dans le cadre de rituels de dévotion, a expliqué Mme Cheng. Et bien sûr de nombreuses images ont été détruites par le PCC.

Le portrait d’un couple d’ancêtres inclut une image d’un enfant tourné vers la femme, qui est un symbole de fertilité ; Dynastie Qing (1644-1911), par un artiste inconnu. Rouleau suspendu, encre et couleur sur papier ; 54 ½ x 30 ½ pouces (Musée royal de l’Ontario 1993)

Certains portraits d’ancêtres que l’on peut voir aujourd’hui ont été achetés par des occidentaux au début du 20e siècle. À cette époque, la Chine a connu des bouleversements politiques immenses après la chute de la dynastie Qing lors de la révolution républicaine de 1911. De nombreux Chinois ont dû vendre leurs héritages familiaux dévotionnels pour survivre, a mentionné Mme Cheng.

La commissaire-priseur a déclaré qu’au début des années 1920, de nombreuses images ont survécu grâce aux missionnaires et aux explorateurs qui étaient en Chine. Les missionnaires étaient fascinés par le fait que les Chinois vénéraient de nombreux dieux, contrairement à leur seul Dieu et ils voulaient étudier les images pour mieux comprendre. Ils “ont trouvé ces images, curieuses, très intéressantes, et très bon marché à acquérir”, a-t-elle déclaré.

Certains portraits d’ancêtres que l’on peut voir aujourd’hui ont été achetés par des occidentaux au début du 20ème siècle. À cette époque, la Chine a connu des bouleversements politiques immenses après la chute de la dynastie Qing lors de la révolution républicaine de 1911. De nombreux Chinois ont dû vendre leurs héritages familiaux dévotionnels pour survivre, a mentionné Mme Cheng.

La commissaire-priseur a déclaré qu’au début des années 1920, de nombreuses images ont survécu grâce aux missionnaires et aux explorateurs qui étaient en Chine. Les missionnaires étaient fascinés par le fait que les Chinois vénéraient de nombreux dieux, contrairement à leur seul Dieu et ils voulaient étudier les images pour mieux comprendre. Ils “ont trouvé ces images, curieuses, très intéressantes, et très bon marché à acquérir”, a-t-elle déclaré.

Les pièces exposées variant délibérément en qualité, allant de portraits d’ancêtres élaborés et commandés aux simples impressions sur papier. Ce choix montre que si un dévot était riche ou pauvre, l’intention derrière chaque image était la même : le culte pieux.

Définition des images de divinités

Wen-Chien Cheng invite les visiteurs à voir l’exposition avec un sens de la curiosité similaire à celui que les missionnaires avaient, parce que dans la culture chinoise la “relation humaine avec l’esprit divin peut être différente de celle des autres cultures”, a-t-elle dit.

Depuis les temps anciens, les Chinois ont reconnu et cru dans la présence d’esprits divins, disait Cheng. Ils croyaient que « maintenir une bonne relation harmonieuse entre les esprits divins et le monde terrestre est la clé pour maintenir le bien-être des gens ». Honorer le divin et obtenir des bénédictions est une croyance universelle dans de nombreuses religions, a-t-elle ajouté.

Cheng indique que les images se divisent en deux catégories : les divinités universellement reconnues, y compris les dieux du foyer et aussi les portraits d’ancêtres.

Tous les Chinois auraient eu connaissance des déités universellement vénérées. Celles-ci proviennent de diverses sources comme les religions du taoïsme et du bouddhisme et les légendes traditionnelles. Par exemple, on peut voir à la maison, la bodhisattva bouddhiste de la compassion Guanyin, de nombreuses façons différentes. Chaque forme que prend Guanyin, dépend des 33 manifestations, masculines ou féminines, qui peuvent aider à résoudre des dilemmes humains particuliers. Cheng a dit que ces manifestations sont détaillées dans le sutra du lotus, une poésie bouddhiste. Par exemple, Guanyin peut être vue comme la déesse de l’accouchement, tenant souvent un bébé dans ses bras.

Le dieu de la cuisine et sa femme, 19e au milieu du 20e siècles. Gravure sur bois, encre et couleur sur papier ; 14 ¾ pouces par 7 ½ pouces. Jiajiang, Sichuan (Musée royal de l’Ontario 2013)

D’autres exemplaires peuvent être des dieux de la cuisine, qui assurent une présence protectrice dans le foyer ou des divinités professionnelles qui apportent la prospérité à des professions particulières. Même des personnages légendaires peuvent devenir des divinités qui protègent une entreprise.

Dieu de la porte militaire avec des haches de combat, 19e au milieu du 20e siècles. Gravure sur bois et dessin à la main ; 25 5/8 x 16 1/8 pouces. Yangwanfa, Liangping, Chongqing. (Musée royal de l’Ontario, 2013)
Dieu de la porte militaire avec des haches de combat, 19ème au milieu du 20ème siècle. Gravure sur bois et dessin à la main ; 25 5/8 pouces par 16 1/8 pouces. Yangwanfa, Liangping, Chongqing. (Musée royal de l’Ontario 2013)

Honorer les Ancêtres

Les portraits d’ancêtres peuvent sembler similaires à la tradition portraitiste occidentale , quand des portraits étaient accrochés dans un château ou une demeure seigneuriale. Cheng a souligné que contrairement aux portraits occidentaux, les portraits chinois n’étaient pas exposés toute l’année. Ils étaient sortis pendant certaines périodes pour être vénérés, tels que le Nouvel An et ensuite rangés avec précaution.

Portrait d’ancêtre d’une femme âgée, dynastie Qing (1644—1911), par un artiste inconnu. Rouleau suspendu, encre et couleur sur soie ; 67 7/8 pouces par 38 pouces. (Musée royal de l’Ontario 2013)

Les familles aisées commandaient leurs propres portraits de leur vivant pour préparer l’image à vénérer après leur mort. Les familles plus pauvres achetaient des tirages génériques d’un couple et ajoutaient le nom de famille. Sur ces images, une tablette spirituelle était généralement représentée.

La tablette spirituelle est une structure en bois qui porte le nom d’un ancêtre et donne à l’âme errante un lieu pour séjourner ; la tablette représente l’esprit du défunt. Ces tablettes étaient installées sur un meuble spécial dans l’entrée de la maison ou le sanctuaire familial.

Parfois, les tablettes spirituelles représentent des divinités. Il y en a une dans la collection du musée royal de l’Ontario qui représente le dieu de la richesse, a précisé Mme Cheng.

Sanctuaire portable pour abriter des tablettes spirituelles, fin du 18ème siècle début du 20ème. Bois peint doré ; 45 ¼ pouces par 37 3/8 pouces par 23 5/8 pouces. Shanxi. (Musée royal de l’Ontario 2013)

Ce sanctuaire miniature est une pièce unique et c’est la première fois que le sanctuaire est exposé depuis son acquisition en 2009. Des miniatures étaient commandées par les riches pour abriter leurs tablettes spirituelles et ces sanctuaires imitaient la véritable architecture des sanctuaires familiaux.

Cheng a expliqué que la tablette spirituelle représente une ancienne croyance chinoise, selon laquelle lorsqu’une personne meurt, il y a deux âmes différentes —l’une monte au ciel et l’autre descend sous terre. Cheng évoque une bannière d’une tombe de la dynastie Han (206 av J.-C. – 220), bien que cette croyance ne date pas de cette époque. La bannière montre un moine terrestre qui abrite l’âme terrestre ainsi que des images de la seconde âme montant au ciel.

Le pouvoir de la vénération

Parmi les images les plus simples de l’exposition, on trouve des dieux de papier, qui forment un ensemble appelé “100 images” représentant les dieux de l’univers. “Ce sont des images très simples mais très puissantes que les gens vénèrent”, a expliqué Cheng.

 

Dieu roi-dragon, 19ème au milieu du 20ème siècle). Gravure sur bois, encre et couleur sur papier ; 12 ¼ pouces par 11 pouces. Pékin. (Musée royal de l’Ontario 2013)

L’exposition présente 78 dieux de papier de Pékin, dans le style caractéristique pékinois : un contour simple imprimé sur papier brossé légèrement à la couleur, un peu de rouge et parfois du vert, pour achever l’image. L’accent est mis sur le visage de la divinité, comme on peut le voir dans l’image du “Roi-Dragon”.

Les “100 images” faisaient partie de la célébration du Nouvel An chinois. Il n’était pas forcément nécessaire d’avoir un ensemble complet. Les familles les plus pauvres avaient l’image d’un dieu sur une pile de papier vierge. “L’accent était mis sur le fait que tant que vous étiez vraiment sincère et croyiez en l’image, comme représentant réellement les dieux, cela… représenterait les dieux”, a déclaré Cheng.

Les Chinois croyaient que les divinités descendaient sur terre au moment du Nouvel An. Généralement la veille du Nouvel An chinois, un autel était dressé avec ces dieux de papier. A l’approche de la première heure du Nouvel An chinois, on allumait de l’encens et des pétards et après avoir vénérés les divinités de papier, les images étaient brulées afin de renvoyer les divinités dans les cieux. Cette tradition continue encore dans certains petits villages de Chine.

Certaines des traditions mentionnées ici se perpétuent dans des endroits comme Taiwan. Et même si le PCC a banni la culture traditionnelle en Chine, les Chinois de Hong Kong et de certains villages reculés de Chine continuent d’honorer leur véritable héritage et perpétuent également ces traditions.

Pour en savoir plus sur « Gods in My Home : Le Nouvel An chinois avec des portraits d’ancêtres et des gravures de divinités », co-dirigé par Wen-chien Cheng et Yanwen Jiang (le J.S. Lee Memorial Fellow, 2017-2018), visitez ROM.on.ca

 

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