Le grand désavantage de la marine de l’Armée populaire de libération (APL) chinoise a toujours été l’absence d’accès illimité à l’océan Pacifique. Toutefois, les relations plus étroites de la Chine avec la Russie ont modifié la situation à l’avantage de Pékin.
Les forces navales de l’APL connaissent une forte croissance, ayant déjà environ 350 navires en service. Elles ont dépassé la marine américaine, qui compte moins de 300 navires, mais sa capacité d’accès libre et rapide aux différents endroits du monde fait toujours face à des contraintes.
L’Allemagne, l’Union soviétique et la Russie ont été soumises à des contraintes historiques et géographiques similaires, qui ont limité leur capacité à défier les marines britannique, américaine et autres pays alliés.
La disparité de la structure des forces navales entre l’APL et la marine américaine va s’aggraver, car la marine américaine fait face à une tendance à la baisse de sa taille. Dans la proposition de budget pour 2025, elle perd plus de navires qu’il n’en a été coulé lors de l’attaque japonaise de Pearl Harbor, en 1941. Avec la croissance de la marine chinoise, une nouvelle base est nécessaire pour maintenir une flotte plus importante et fournir des alternatives pour sa sortie dans l’océan Pacifique.
La marine chinoise
Pour atteindre les eaux profondes du Pacifique, la marine chinoise doit franchir les eaux proches des territoires et des forces des pays alliés opposés à Pékin.
La structure actuelle de la marine chinoise est répartie entre trois commandements. La marine du commandement du théâtre sud est basée à Zhanjiang, dans la province du Guangdong. Elle dispose de plusieurs bases clés, dont la base souterraine de sous-marins à Yulin, sur l’île de Hainan. Ces bases permettent un accès rapide à la mer des Philippines occidentale (aussi appelée mer de Chine méridionale). Toutefois, l’accès au Pacifique profond depuis les bases du théâtre naval du Sud est compliqué et précaire. La voie la plus rapide est le passage entre Taïwan et les Philippines, qui est actuellement fortifié par les forces américaines et philippines.
Le commandement du théâtre oriental est basé à Ningbo, dans la province du Zhejiang, qui se trouve en dessous de Shanghai et au-dessus de Taïwan. La flotte orientale doit se diriger vers le sud en passant par le détroit de Taïwan, peu profond, puis passer par le sud de l’archipel japonais face aux forces navales unifiées japonaises et américaines.
L’actuel commandement de la marine du théâtre nord est basé à Qingdao, dans la province du Shandong. La mer Jaune dans cette zone est relativement peu profonde, ce qui fait compromet les opérations sous-marines. Il est possible que les Chinois aient perdu l’un de leurs sous-marins nucléaires d’attaque dans cette zone lors d’un événement mystérieux survenu en 2023. De plus, la mer Jaune est un terrain vulnérable pour les forces navales chinoises qui, pour atteindre le Pacifique, doivent passer devant les marines sud-coréenne et japonaise en pleine expansion, soutenues par la marine américaine.
Accord du partenariat « sans limites »
La dernière mise à jour de l’accord du partenariat « sans limites » entre Pékin et Moscou concrétise les efforts déployés par Pékin pour obtenir un accès à la mer du Japon.
Le dirigeant chinois Xi Jinping et le président russe Vladimir Poutine ont récemment signé ce qui pourrait être considéré comme un addendum au partenariat « sans limites » entre les deux pays annoncé en février 2022, à la veille de l’invasion de l’Ukraine par les forces russes. Le nouvel accord conclu en mai 2024 codifie plusieurs points, dont un cadre d’accord permettant à la Chine d’utiliser le fleuve Tumen pour accéder à la mer du Japon. Le fleuve Tumen sépare la Corée du Nord de la Russie, et en amont, seulement à quelque 17 km, se trouve la Chine. La Chine avait accès à la mer du Japon dans cette zone mais, dans le cadre du « traité inégal » signé avec l’empire russe en 1860, elle a renoncé à ce territoire et à l’accès à la mer du Japon au profit de la Russie.
Cette intersection oubliée de trois États totalitaires présente soudain un intérêt particulier pour la Chine dans son Grand Jeu géopolitique. L’aménagement du fleuve Tumen avec de nouveaux ports et ponts constituerait une manne économique pour la Chine, la Russie et la Corée du Nord.
L’accord de l’accès à l’océan Pacifique par le biais de ce fleuve a été un point de discussion constant entre la Chine et la Russie, sans grand progrès. Alors que la guerre entre la Russie et l’Ukraine s’éternise, la dynamique a changé. Selon le professeur de sciences politiques et expert sur la Russie, Alexander Motyl, « on dit souvent que Poutine a effectivement transformé son pays en vassal de la Chine. C’est vrai, mais la relation de la Russie avec son voisin du Sud, beaucoup plus puissant, serait plus justement qualifiée de coloniale ».
L’OTAN, dont le sommet annuel vient de s’achever, a pris conscience du lien indissociable entre la fourniture du matériel de guerre chinois et le maintien de la capacité de la Russie à mener la guerre en Ukraine.
Nouvelle base navale chinoise
Une nouvelle base navale chinoise sur le fleuve Tumen offrirait un accès sans préavis aux eaux profondes du Pacifique et de l’Arctique en passant autour de l’extrémité nord du Japon.
Le fleuve Tumen se jette dans la mer du Japon et un navire de guerre ou une flottille navale sortant d’une nouvelle base chinoise construite sur ce fleuve pourrait tourner vers le nord, restant à l’intérieur des eaux territoriales russes, puis se diriger vers les profondeurs du Pacifique ou de l’Arctique. Cela rend plus difficile la surveillance ou la détection par les Japonais, les Américains ou leurs alliés. Avec la Russie en tant que partenaire subordonné, voire « colonie », comme l’a qualifié le professeur Motyl, la Chine aurait un accès illimité à l’océan Pacifique.
Une nouvelle flotte chinoise devrait être formée et le désavantage de longue date des flottes actuelles du Sud, de l’Est et du Nord serait grandement atténué – l’APL disposerait d’un quatrième point d’accès décisif non seulement au Pacifique, mais aussi à l’Arctique. Il faudra des années pour développer le fleuve Tumen, mais comme la Chine l’a montré avec son expansion militaire, un tel développement peut être réalisé plus rapidement que prévu.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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