Dans un contexte de forte concentration des médias, la ministre de la Culture et de la Communication, Fleur Pellerin, a fait savoir le 14 octobre qu’elle réfléchissait à renforcer les pouvoirs du CSA pour garantir l’indépendance des médias. En cause, des rachats successifs de médias par des groupes industriels français, dont l’intervention dans les rédactions pourrait servir les intérêts de leur groupe. Le cas le plus récent a été l’intervention de Vincent Bolloré, nouveau patron de Canal+, dans la diffusion d’un documentaire critique sur le Crédit Mutuel, partenaire financier du groupe Bolloré.
Un contexte de concentration excessive des médias
Nous l’avons vu précédemment dans l’article Les médias français à la croisée des chemins, tous les grands médias de la presse, de la radio et de l’audiovisuel en France appartiennent à des grandes fortunes, qui par ailleurs possèdent des intérêts économiques à travers leurs groupes industriels . LVMH possède Les Échos et Radio Classique et compte racheter Le Parisien ; le groupe Bouygues possède TF1 ; Dassault Système, Le Figaro ; Pierre Drahi, patron de SFR-Numéricable a racheté L’Express et bientôt BFMTV ; Xavier Niel, patron de Free, a participé au rachat de Le Monde et du Nouvel Observateur et compte acquérir un grand média (peut être le groupe NRJ) d’ici la fin de l’année ; Europe 1 et le Journal du Dimanche appartiennent au groupe Lagardère et Le Point appartient à l’homme d’affaires François Pinault, etc.
« Aujourd’hui, on voit bien que des intérêts privés peuvent mettre en péril l’indépendance des rédactions. Or le CSA n’a pas les moyens d’agir » – Fleur Pellerin, ministre de la Culture et de la Communication
Tout ceci ne pose aucun problème, car il faut de l’argent pour faire les médias. Mais si l’indépendance des médias est menacée par les intérêts économiques des groupes financiers acquéreurs, le pays peut perdre là ce qui fait le socle de sa démocratie : la liberté de la presse, l’indépendance et le pluralisme des médias. C’est le cas par exemple du groupe LVMH quant il s’agit de la Chine, du groupe Dassault ou de Bouygues quand cela concerne les intérêts de leurs industries, ou encore le groupe Bolloré quand il s’agit d’une enquête de Canal+ sur un système d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent d’un partenaire financier du groupe.
La réponse de la ministre de la Culture et de la Communication a été pour cela assez directe.
Renforcer le pouvoir du Conseil supérieur de l’audiovisuel
Dans ce contexte, le 14 octobre Fleur Pellerin a annoncé vouloir légiférer pour donner au Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) le pouvoir d »assurer l’indépendance des médias. Selon la ministre, « aujourd’hui, on voit bien que des intérêts privés peuvent mettre en péril l’indépendance des rédactions. Or le CSA n’a pas les moyens d’agir ».
C’est pourquoi le gouvernement veut rendre obligatoire des « clauses déontologiques » dans les rédactions des médias français.
Trois mesures sont dans les tiroirs de la ministre : d’abord l’obligation de signer une charte de respect de l’indépendance éditoriale et de la pluralité des opinions dans les conventions entre les chaînes de télévision et le CSA ; ensuite, réformer les comités d’éthique des médias, jugés aujourd’hui inopérants – car sous la coupelle de l’actionnaire ; et enfin, créer un statut de lanceur d’alertes pour protéger les salariés qui dénonceraient des cas de censure.
Trois mesures qui devraient voir le jour en début d’année 2016. Reste bien sûr à savoir si la puissance des lobbys industriels saura comprendre la nécessité de l’indépendance des médias.
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