La scène aurait paru incongrue il y a quelques mois encore. A Caracas, Rosmary vend des crêpes fourrées à « 1 $ » l’unité. Proscrit pendant 15 ans, le dollar fait un retour fracassant au Venezuela avec la bénédiction de Nicolas Maduro qui met son pays à la diète budgétaire.
Le Venezuela, qui tire 96% de ses revenus du pétrole, fait face à la quadrature du cercle. Sa production de brut est en chute libre et il subit des sanctions américaines qui visent non seulement son secteur pétrolier, mais aussi le président socialiste et son entourage.
A cours de liquidités, Nicolas Maduro a flexibilisé le contrôle des changes et des prix qui prévalaient à l’époque de son prédécesseur Hugo Chavez (1999-2013). Tant que les prix du baril étaient élevés, le défunt chef de l’Etat pouvait sortir le carnet de chèques pour importer à tout-va sans se soucier de la production nationale.
Mais avec la chute des prix du brut et la dégringolade de la production vénézuélienne, passée de 3,2 millions de barils par jour il y a dix ans à 700.000 aujourd’hui, le modèle est devenu intenable.
L’inflation a explosé et la devise locale a perdu en valeur
Et les Vénézuéliens en paient le prix: les pénuries de denrées alimentaires et de médicaments se sont multipliées, l’inflation a explosé et la devise locale – le bolivar – a vu sa valeur fondre.
Alors le gouvernement s’est engagé sur la voie du « laissez-faire ». « Je ne vais t’imposer aucun contrôle, je ne vais pas te mettre à l’amende pour les prix que tu pratiques, mais c’est à toi d’apporter le capital » pour faire fonctionner une affaire, résume l’économiste Luis Arturo Barcenas.
#Venezuela fini le Bolivar vive le dollar https://t.co/QlS7k4TunS
— agnese (@acamagnoni) November 30, 2019
Parallèlement, Caracas, critiqué pendant des années pour son manque de rigueur fiscale, a décidé d’opérer des coupes budgétaires draconiennes et de fortement restreindre l’accès au crédit.
Résultat: l’inflation galopante a décéléré, mais devrait tout de même atteindre 200.000% en 2019 selon le FMI et les pénuries commencent à se résorber.
Malgré tout, le PIB devrait se contracter cette année de 35% , selon le FMI.
Les Vénézuéliens cherchent refuge dans le dollar
« On a finalement saisi quelle était l’origine de l’hyperinflation: le financement monétaire du déficit », explique Luis Arturo Barcenas. En clair: la surchauffe de la planche à billets.
Face à l’hyperinflation et à la dépréciation du bolivar, les Vénézuéliens cherchent refuge dans le dollar.
« C’est une manière de se défendre », avance Rosmary Paz qui vend des « hallacas » (crêpes fourrées) à Caracas.
C’est aussi un retournement de l’histoire. Depuis 2013 et son accession à la présidence, Nicolas Maduro n’avait de cesse de dénoncer le « dollar criminel », affirmant que les prix affichés dans la monnaie américaine étaient « manipulés ».
Récemment Maduro, a opéré un virage à 180 degrés
Dans une récente interview, il a dit n’avoir rien contre la dollarisation de fait de l’économie, affirmant même y voir une « soupape » pour adoucir le « blocus économique » de Washington qui a mis en place un embargo sur le pétrole vénézuélien en avril.
C’est surtout la reconnaissance d’un état de fait. A Caracas, les boutiques qui vendent fromages français et steaks américains en dollars pullulent.
Mais, fait nouveau, dans les quartiers populaires aussi, le billet vert a ses entrées. « Les gens viennent et ils paient en dollars », indique Junior Nieves, épicier dans le quartier d’El Valle.
Le #bitcoin : valeur refuge? #Venezuela #dollar pic.twitter.com/DO0ytPPnUi
— TV5MONDE Info (@TV5MONDEINFO) December 16, 2017
« J’aimerais avoir des dollars, mais je n’en ai pas »
Le dollar confère un statut social a celui qui en possède, dans un pays où le salaire minimum équivaut à environ 9 dollars. « J’aimerais avoir des dollars, mais je n’en ai pas », se lamente Eloy Rivas, un laveur de voitures de 57 ans.
Selon le cabinet Ecoanalitica, seuls 15% des Vénézuéliens ont des rentrées d’argent en devises étrangères de manière régulière et 35% de manière occasionnelle.
Et pour « avoir » des dollars, souvent les « remesas », l’envoi d’argent par des proches installés à l’étranger, sont la solution. C’est d’ailleurs pour faciliter leur flux que le gouvernement a flexibilisé le contrôle des changes.
A en croire Ecoanalitica, les « remesas » envoyées cette année au Venezuela devraient dépasser les 3,5 milliards de dollars.
Selon l’ONU, 3,6 millions de Vénézuéliens ont fui le pays en crise ces quatre dernières années.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.