Comment quitter un conjoint violent quand on dépend de lui financièrement : des banques et assurances aident leurs clientes victimes mais communiquent a minima sur ces dispositifs, qui ont donc peu de bénéficiaires.
« J’ai dépensé beaucoup pour partir » il y a un an, raconte à l’AFP une ancienne victime souhaitant rester anonyme, « surtout que je payais encore le crédit de la maison » achetée en couple.
Un tiers des femmes (32%) n’ont d’autre revenu que ceux de leur conjoint et un quart (23%) n’ont pas de compte bancaire personnel, selon une étude Ifop pour le Crédit mutuel et la Fédération nationale solidarité femmes (qui gère le numéro d’urgence 3919) en novembre 2024. Quatre femmes sur dix déclarent ne pas pouvoir payer seules un loyer.
« J’étais leur premier dossier »
L’ancienne victime, cadre administratif de 42 ans et mère de deux enfants, a découvert « par hasard » avoir droit à une aide, dans un mail d’information de son assurance emprunteur, April, sur la prise en charge de certains frais liés au départ du domicile pour les victimes de violences intrafamiliales. « J’étais leur premier dossier », se souvient-elle.
L’assureur lui a remboursé 2.400 euros sur 5.000 euros de dépenses, sur présentation des factures du réfrigérateur, d’un matelas et du déménageur. On lui a aussi payé le dépôt de garantie pour la location de son appartement et les frais au pénal (un avocat facturant entre 150 et 250 euros hors taxes en moyenne de l’heure).
April a accepté les enregistrements de violences de la victime, transcrits par un huissier, comme justificatif – sinon, il faut une plainte.
« C’est dommage qu’ils ne communiquent pas plus » sur ce dispositif, s’étonne l’ancienne victime.
Contacté par l’AFP, l’assureur a indiqué ne pas s’exprimer sur le sujet.
Des comptes spécifiques pour les victimes
Le Crédit Mutuel-CIC et plusieurs caisses régionales de la Caisse d’épargne (Bretagne Pays de Loire, Grand Est, Hauts de France, Normandie) proposent eux des comptes spécifiques aux victimes: personnels, gratuits, non rattachés au domicile familial, avec découvert autorisé…
Ces initiatives sont nées dans le sillage de la loi Létard qui, depuis novembre 2023, permet à toute victime de violences conjugales de demander une aide à la Caisse d’allocations familiales (CAF) ou à la MSA, la Sécurité sociale agricole.
La Caisse d’épargne Bretagne Pays de Loire a reçu depuis fin 2023 une centaine d’appels et une vingtaine de comptes ont été ouverts. La banque demande de présenter une plainte ou le témoignage d’un travailleur social.
Au Crédit mutuel-CIC, il faut être accompagné par l’une des 81 associations de la Fédération nationale solidarité femmes.
« C’est difficile de faire connaître le dispositif », reconnaît la Caisse d’épargne Bretagne Pays de Loire. « On ne va pas faire de publicité sur un sujet comme ça… »
Au Crédit Mutuel, une centaine de comptes ont été ouverts. Là non plus, pas de communication grand public.
Axa, au contraire, a lancé une vaste campagne. C’est une des premières fois qu’apparaît une femme le cou marqué de bleus dans un spot télévisé non gouvernemental.
Le sujet est « sur tous les abribus », se félicite Sarah Barukh, présidente de l’association de lutte contre les violences conjugales 125, estimant indispensable de communiquer de façon « méga claire », car une victime « sidérée, épuisée » ne va pas rechercher ces informations.
Des victimes relogées
Depuis le 1er avril, l’assureur reloge provisoirement, en urgence, les victimes de violences conjugales ayant une assurance habitation (2,5 millions de contrats).
Il prend en charge sept nuits d’hôtel ou en appart’hôtel. « Une femme qui s’est enfuie avec ses enfants en bas âge doit pouvoir leur préparer des pâtes, faire des lessives, avoir un endroit où changer les couches… », explique Sarah Barukh, elle-même ancienne victime et qui a conseillé Axa pour cette campagne.
Pour en bénéficier, il faut présenter une plainte dans les 24 heures et un avocat peut accompagner la victime au commissariat ou à la gendarmerie, puisque l’assureur propose une prise en charge juridique.
« Le foyer est l’endroit le plus dangereux » pour ces victimes, souligne pour l’AFP Alice Holzman, directrice clients chez Axa: 79% des féminicides sont commis au domicile.
Or, « dans nos missions d’assureur, on reloge les occupants d’un foyer inhabitable », que ce soit à cause d’un incendie, d’inondations ou, désormais, de violences, poursuit Alice Holzman.
Axa indique avoir pris en charge plus de 2.000 femmes et versé 1,4 million d’euros pour leurs procédures judiciaires.
En 2023, 271.000 plaintes pour violences conjugales ont été déposées, dont 85% par des femmes, selon le ministère de l’Intérieur.
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