Affaire Bétharram : deux surveillants laïcs restent en garde à vue, le prêtre nonagénaire relâché

Par Epoch Times avec AFP
20 février 2025 16:30 Mis à jour: 20 février 2025 16:38

La garde à vue se poursuit jeudi à Pau pour deux des trois hommes interpellés dans l’enquête sur les violences physiques et sexuelles dénoncées par plus d’une centaine d’anciens élèves, sur un demi-siècle, au sein de l’établissement catholique Notre-Dame-de-Bétharram (Pyrénées-Atlantiques).

Le parquet a mis un terme à celle du troisième, nonagénaire, sans en dire davantage à ce stade de la procédure.

Les gendarmes enquêtent depuis un an sur cette institution longtemps réservée aux garçons. Les victimes, enfants ou adolescents à l’époque des faits, décrivent des masturbations et fellations imposées ou subies plusieurs fois par semaine, des châtiments corporels, menaces et humiliations.

Les trois hommes, nés en 1931, 1955 et 1965, avaient été interpellés mercredi pour des « viols aggravés, agressions sexuelles aggravées et/ou violences aggravées », sur une période comprise « entre 1957 et 2004 » selon le parquet.

D’après une source proche du dossier, il s’agit respectivement d’un prêtre et de deux laïcs, employés comme surveillant d’après les information du parquet citées par France 3. L’un deux avait été démis de ses fonctions en février 2024, peu après l’ouverture de l’enquête, alors qu’il était visé par au moins huit plaintes. L’autre est un ancien surveillant général.

Le prêtre relâché âgé de 94 ans, serait Henri L., selon France 3. L’homme d’Église était notamment la cible d’une manifestation devant l’établissement de l’association de lutte contre la pédocriminalité Mouv’Enfants à laquelle participait un groupe de victime le 12 février 2025, précise la Chaîne de télévision.

Des membres de l’association Mouv’Enfants manifestent contre les abus présumés devant « Le beau Rameau », le collège et lycée catholique à Lestelle-Betharram, le 12 février 2025. (Photo PHILIPPE LOPEZ/AFP via Getty Images)

« Personne ne disait rien, on avait 9 ans ! »

« J’ai subi des punitions, des violences, on nous caressait à la sortie des douches, personne ne disait rien, on avait 9 ans ! », enrage Brice Ducos, 49 ans, interne à Bétharram entre 1984 et 1991, ciblant l’un des suspects, surnommé « Cheval » à l’époque.

Allusion à la chevalière qu’il portait à une main et qu’il retournait avant de gifler un élève, en lui disant : « Regarde ce que tu m’obliges à faire », témoigne auprès de l’AFP un autre ancien, scolarisé de 1973 à 1980, qui a requis l’anonymat.

Antoine (prénom modifié), 48 ans, incrimine, lui, le surveillant écarté l’an dernier. « J’ai été son protégé », dit-il, évoquant des agressions sexuelles sous la tente lors de sorties scouts, puis des masturbations hebdomadaires, quatre ans durant, quand il habitait chez lui.

« Pourquoi je n’ai rien dit ? Il avait une sacrée emprise sur moi, j’étais un bébé et il avait le rôle du père que je n’avais pas eu. Il voulait m’avoir que pour lui », confie celui dont une première plainte, en 1999, fut classée sans suite. « J’étais dégoûté qu’on me croie pas. »

Celle déposée en 2010 par Jean-Marie Delbos, 78 ans aujourd’hui, fut aussi vaine mais il a été indemnisé en 2022 par la Commission Reconnaissance et Réparation après une enquête canonique.

Lui met en cause le nonagénaire, « jeune ecclésiastique » quand il le vit arriver au dortoir en 1957. Il « venait la nuit, soutane ouverte, s’accroupir au pied du lit pour faire des attouchements et des fellations », alors qu’il était « terrorisé et incapable de la moindre réaction », raconte-t-il.

Une poignée de plaintes ne sont pas frappées par la prescription

Parmi les 132 plaintes recensées par le collectif des victimes, une poignée ne sont pas frappées par la prescription, estime son porte-parole Alain Esquerre, lui-même ancien pensionnaire.

Le Premier ministre François Bayrou s’adresse à la presse après une réunion avec les membres du collectif des victimes de violence de Notre-Dame-de-Bétharram et son porte-parole Alain Esquerre (à dr.). (Photo PHILIPPE LOPEZ/AFP via Getty Images)

Pour Me Jean-François Blanco, avocat en 1996 d’un élève victime d’une violente claque, la période évoquée par le procureur, longue de presque un demi-siècle, situe cependant « les crimes dans leur sérialité », « un critère fondamental pour l’appréciation sur la prescription ».

La loi de 2021 sur la protection des mineurs contre les crimes et délits sexuels permet de prolonger le délai de prescription d’un premier viol si la même personne récidive sur un autre mineur.

Ces interpellations sont intervenues quatre jours après une réunion entre des victimes et François Bayrou, mis en cause depuis début février par plusieurs témoignages affirmant qu’il était au courant de premières accusations entourant l’établissement dans les années 1990, ce qu’il dément.

Le chef du gouvernement, ministre de l’Éducation de 1993 à 1997, répète n’avoir « jamais été informé » dans le passé des violences sexuelles dans cet établissement qu’ont fréquenté plusieurs de ses enfants et où son épouse a enseigné le catéchisme.

Le collège et lycée catholique « Le beau rameau » à Lestelle-Betharram, le 12 février 2025. (Photo PHILIPPE LOPEZ/AFP via Getty Images)

Alors que le scandale a poussé le gouvernement à annoncer un renforcement des contrôles sur les établissements privés sous contrat, le secrétaire général de l’enseignement catholique, Philippe Delorme, a appelé jeudi à ne pas faire de Bétharram « une affaire d’opposition » entre « public et privé ».

La commission des affaires culturelles et de l’éducation à l’Assemblée nationale a voté mercredi, à l’unanimité, la création d’une commission d’enquête « sur les modalités du contrôle de l’État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires ».

La Commission indépendante sur les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) a, elle, demandé un audit global sur les dispositifs d’alerte existants dans les établissements accueillant des enfants, estimant que « Bétharram n’est pas un cas unique ».

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