Le 21 janvier, le Parlement européen débattait sur « la nécessité de faire respecter la loi sur les services numériques (DSA) pour protéger la démocratie contre l’ingérence étrangère et la manipulation algorithmique ». Deux visions s’opposent au sommet de l’Europe : d’un côté les partis socialistes, écologistes, progressistes et libéraux demandent plus de régulation et de contrôle de l’information – notamment à travers le DSA ; de l’autre, les groupes conservateurs, populaires et patriotes demandent à défendre la liberté d’expression et la pluralité des opinions sur le continent européen. À cette occasion, la députée européenne Les Patriotes pour l’Europe, Virginie Joron, a répondu aux questions d’Epoch Times.
Epoch Times – Virginie Joron, quelle était la raison de votre intervention au Parlement européen concernant la liberté d’expression et l’application du DSA ? Pouvez-vous expliquer pourquoi Elon Musk et le réseau X sont la cible d’une partie de la classe politique européenne ?
Virginie Joron – C’était au sujet du règlement sur le numérique, une législation qui a été établie sous le mandat précédent.
Pourquoi le DSA revient en force ? Parce que c’est un outil que la Commission est en train d’utiliser à des fins politiques. Au départ, c’était pour réguler les plateformes du numérique, pour contrôler leur méthode de contrôle des contenus qui étaient illicites.
Nous soutenions cette approche à l’origine, mais au fur et à mesure de la mise en œuvre de cette réglementation, et surtout depuis le rachat de Twitter par Elon Musk, il y a eu un engouement au sein de la Commission européenne, poussé par une poignée de députés qui étaient en perte de vitesse au niveau électoral, pour demander à la Commission de renforcer le DSA pour sanctionner et contraindre certaines plateformes de médias sociaux.
Elles ne sont pas toutes dans le viseur, il y a surtout TikTok et la plateforme X depuis qu’elle a été rachetée par Musk. C’est toujours le même noyau de députés venant d’un axe « libéral et de gauche », c’est-à-dire Renew, les écologistes et les socialistes et une partie du PPE qui soutient la politique d’Ursula von der Leyen.
Quand Trump en 2020 a perdu les élections, il y a eu cet assaut du Capitole, et Jack Dorsey, l’ancien patron de Twitter, a fermé le compte de l’ancien président des États-Unis. Beaucoup se sont demandés comment une plateforme numérique pouvait couper la parole d’un président des États-Unis.
À partir de ce moment, ils ont voulu réguler les plateformes. Le DSA, le Digital Service Act que j’appelle moi-même le « Digital Surveillance Act », était à l’origine pour protéger les consommateurs européens des produits défectueux ou les contrefaçons qui viennent de l’autre bout du monde et qui ne respectent pas nos normes. C’était aussi pour protéger les mineurs d’un ciblage publicitaire qui était effectivement très flou.
Puis, au fur et à mesure des élections qui ont été gagnées par le camp des patriotes, il y a eu une panique à bord chez les libéraux et la gauche, pour finalement utiliser cet outil contre la démocratie. Je dis « contre la démocratie » parce qu’on l’a vu récemment avec l’utilisation de TikTok pour justifier l’annulation des élections en Roumanie. On le voit là avec les élections de Donald Trump, où tout le monde critique le soutien d’Elon Musk à Trump mais aussi pour avoir donné la parole à l’AfD en Allemagne.
Ils se disent : ‘Comment peut-on laisser propager toutes ces opinions qui ne correspondent pas aux nôtres’. C’est le seul moyen qu’ils ont trouvé aujourd’hui, parce qu’il n’est pas question de parler de leur bilan politique et que les résultats des dernières élections montrent qu’il y a une montée en force des patriotes, que ça soit en Europe, mais maintenant aussi aux États-Unis ou en Inde.
Tous ces pays sont finalement dans le viseur des libéraux et de la gauche qui ne comprennent pas que l’on remette en question leur politique. Ils pensent que les électeurs sont trop infantilisés, qu’il faut les protéger des plateformes, parce que c’est l’axe du mal, selon eux. Il faut les protéger de ces informations, parce qu’ils considèrent détenir la vérité et pas le camp des patriotes, et en tout cas pas le camp qui permettrait de continuer à propager la liberté d’expression et la liberté d’opinion.
Un de vos collègues au Parlement européen, M. Tom Vandendriessche, expliquait que durant l’interview entre Musk et la présidente de l’AfD, Alice Wiedel, il y a eu 150 fonctionnaires européens qui ont écouté et surveillé leur conversation dans le cadre du DSA. Pourquoi une telle pression autour d’Elon Musk et de sa plateforme X ?
Le sujet de l’année est celui du DSA et de la maîtrise de l’information. Effectivement, comme Tom Vandendriessche l’a déclaré, 150 fonctionnaires ont été mis sur le pont pour vérifier les propos pendant l’interview entre Musk et Wiedel.
La Commission et les fonctionnaires qui mettent en œuvre ces règlements sont effectivement très sollicités par ce groupe de députés de gauche et du centre qui le demandent. Je laisse encore du crédit à cette Commission qui n’est plus dirigée par Thierry Breton mais par Mme Henna Virkkunen, qui me paraît beaucoup plus équilibrée et qui a compris que le DSA est d’abord un outil pour protéger les consommateurs européens et pour protéger les libertés fondamentales – dont la liberté d’expression
On ne remet pas en question la responsabilité et la compétence des plateformes et la préservation de la liberté d’expression, de la liberté de pensée et de la liberté d’opinion qu’elles doivent défendre. La liberté d’opinion ne fait pas partie des sanctions ou des domaines que le DSA doit regarder. Mais il y a une dérive qui est mise en marche par la pression de certains députés.
En France, depuis des années, la presse et les médias mainstream sont majoritairement avec les pouvoirs en place, et à chaque fois des tribunes leur sont données durant les campagnes présidentielles pour dire pour qui il faut voter. Cela ne leur a pas posé de problèmes. Donc, on voit bien que, dans ce double discours, il y a une hypocrisie, alors qu’Elon Musk a tout de suite annoncé son camp et pour qui il souhaitait voter.
Parmi les députés, il y a de « grands chevaliers blancs » qui veulent quitter X, c’est la grande tendance du moment, ils communiquent et font même des vidéos pour dire qu’ils quittent X. Cette hypocrisie est vraiment très visible au Parlement et ça ne m’étonne pas qu’on mette beaucoup d’argent avec 150 personnes pour surveiller une conversation sur ce réseau social.
J’étais en commission Olaf (Office européen de lutte antifraude, ndlr) la semaine dernière, c’est l’organe de contrôle des fraudes. On m’a dit que pour l’instant la priorité par rapport au DSA n’était pas les fraudes, mais plutôt les élections à venir, pour protéger la “dite” démocratie mais pas les produits défectueux.
Des députés européens veulent lancer une investigation sur la censure de la liberté d’expression au sein de l’Union européenne, qu’est-ce que vous pouvez nous en dire ?
Il y a beaucoup d’initiatives de parlementaires en ce moment qui réagissent à ces attaques contre la liberté d’expression, parce que c’est notre démocratie qui est en jeu. Je crois qu’un tremblement de terre s’est déclaré avec l’annulation de l’élection en Roumanie. C’est un précédent très dangereux qu’il faut vraiment regarder de près et garder en mémoire, parce que cette année est une nouvelle année d’élections. En Allemagne, en Hongrie, en Pologne, au Danemark, etc., il y a encore d’autres élections importantes, mais celles-là sont les plus importantes, ces élections sont capitales pour l’Europe.
C’est pourquoi il y a toutes ces effervescences autour de l’application du DSA et des députés montent au créneau pour combattre finalement… la démocratie. De mon côté, je m’associe à toutes les initiatives de défense de la liberté d’expression.
Je viens à l’instant de co-signer une initiative d’un autre député qui propose de décerner le prix Nobel de la Paix à Elon Musk. C’est un député qui ne fait pas partie de mon groupe. Il y a aussi à l’étude la mise en œuvre d’une commission spéciale pour enquêter sur la nouvelle censure que la commission voudrait mettre en œuvre. Il y a plein d’initiatives.
J’ai co-signé la semaine dernière une proposition visant à inviter Elon Musk à venir ici au Parlement, pas pour nous parler de la censure mais du numérique, car en Europe, nous sommes les perdants du numérique, entre la Chine et les États-Unis. On n’arrive pas à garder nos start-up en France ni à produire de l’innovation, ni à monter un géant numérique si ce n’est national, au moins européen. Donc on voulait l’inviter pour qu’il nous donne des conseils, pour nous dire comment on peut faire pour créer un géant numérique dans l’Union européenne.
Est-ce que vous avez d’autres initiatives que vous êtes en train de lancer au Parlement ?
Oui, il y a un dossier clé qu’on est en train de mettre en œuvre, une nouvelle commission spéciale dite « Bouclier démocratique », comme celle que nous avions mise en place avec la commission Covid en 2019. Les libéraux et la gauche, comme ils sont en perte du pouvoir de manière très visible, sont en train de mettre en place un « bouclier démocratique », une boîte à outils pour lutter contre la volonté des peuples. Le DSA fait partie de cette boîte à outils de lutte contre la volonté des peuples. Il faut suivre ce dossier avec beaucoup d’attention, parce qu’encore une fois, on l’a vu durant la crise Covid, il y a beaucoup de désinformation.
Aujourd’hui, on voit que nous avions eu raison sur le Covid, avec la publication des Twitter files ou encore les déclarations de Mark Zuckerberg comme quoi, pendant la crise Covid, le gouvernement américain l’avait contraint à censurer les informations sur les vaccins, l’origine du virus et les effets secondaires, etc. C’est important pour nous de continuer ce combat pour nos libertés.
Parce qu’en face, ils ne sont pas prêts à accepter la diversité des opinions, ils ne sont pas prêts à accepter le rejet par les peuples de leur politique. C’est effrayant, car d’un côté ils critiquent les ingérences, mais finalement ils font pire que les autres qui, eux, avancent à visage découvert.
Alors qu’ils font croire que ce sont eux les démocrates, que c’est pour protéger le peuple – c’est d’ailleurs le mot qui revient à chaque fois : « Protéger les Européens » , mais les protéger de quoi ? En fait, les protéger selon eux de penser librement. C’est pour cela que nous continuons à souligner ces points, parce que leur machine continue toujours à tourner, même si ils sont moins puissants.
Propos recueillis par David Vives, NTD. NTD est un partenaire média d’Epoch Times et partie du groupe Epoch Media Group.
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