Dans la pinède qui borde le jardin de Jean-Luc Labadie, les cendres s’étendent à perte de vue. Tout juste rentré après avoir été évacué face aux flammes qui menaçaient sa maison, cet habitant de Belin-Béliet en Gironde contemple, amer, un paysage lunaire.
« Je suis né ici, je n’avais jamais vécu ça. C’est l’apocalypse », soupire Jean-Luc Labadie âgé de 53 ans, qui fait partie des 8000 évacués autorisés à regagner leurs domiciles le 14 août après-midi.
Dans la nuit de mardi à mercredi, le feu s’était approché à 50 mètres de sa maison, qu’il a quittée avec les gendarmes « la mort dans l’âme ». En partant, il avait laissé ouvert son portail pour permettre aux pompiers d’accéder à la pinède. « Ils ont fait un boulot formidable. Nous on s’en sort bien, on n’a pas eu de dégâts. Tout le monde n’a pas eu cette chance », explique-t-il.
Dans cette commune de 5700 habitants, neuf habitations et huit dépendances ont été détruites par les flammes, selon le maire, Cyrille Declercq.
7400 hectares de forêt ravagés par les flammes
Le retour de la pluie a permis dimanche à la préfecture de déclarer « fixé » cet incendie surnommé « Landiras 2 », qui a ravagé 7400 hectares de forêt, et de permettre à l’ensemble des évacués du département de rentrer chez eux.
Dans le centre de Belin-Béliet, les volets rouvraient progressivement lundi matin et les habitants retrouvaient leurs habitudes à la terrasse du café, malgré l’odeur de bois brûlé.
« Je suis rentré dès que j’ai pu. Mais voir les dégâts, c’est affreux, ça met un coup. A côté de chez moi, il y a une maison dont il ne reste que les murs », raconte Jean-Pierre Pichon, 52 ans, attablé au bar-tabac.
Un peu plus loin, en bordure de la commune, la maison de François Prioleau, âgé de 75 ans, paraît miraculée, cernée par des pins carbonisés d’où s’échappent encore quelques fumées. Devant sa porte, un générateur ronronne : l’électricité a été coupée et il ne sait pas « quand elle reviendra ».
Sa voisine d’en face, Claudine Gosse, « tombe de fatigue » après être rentrée chez elle tard dans la nuit. « J’ai eu peur de perdre de ma maison. On se dit que c’est fichu. On pense à tout ce que l’on aurait voulu prendre, aux albums photo des enfants », relate l’infirmière de 59 ans, d’une voix encore tremblante.
« On risque de craquer »
Jean-Luc Labadie, lui, a passé la semaine à surveiller ses caméras de vidéo-surveillance. Allers-retours des pompiers, rondes des gendarmes : rien ne lui a échappé. « Tant que ça tournait, ça voulait dire qu’elles n’étaient pas en cendres », sourit-il.
Sa maison est restée immaculée mais derrière, à quelques mètres, le sol de la forêt est noir, parsemé de pommes de pin carbonisées et de quelques troncs effondrés. « Ce paysage, c’est désolant. Pour le moment, on est soulagés de rentrer. Mais d’ici quelques jours, on risque de craquer », ajoute Jean-Luc Labadie.
La vie reprenait aussi son cours lundi matin à Saint-Magne, point de départ de l’incendie, à une dizaine de kilomètres de Belin-Béliet.
Les habitants de la commune avaient été évacués mardi pour la deuxième fois de l’été, après le feu de Landiras mi-juillet. « Au début, je ne voulais pas repartir. Mais ma fille était très inquiète, elle m’a dit qu’elle avertirait la police. Je ne suis pas un rebelle, mais à mon âge, c’est dur pour le moral », souffle Jean-Claude Fourcade, 82 ans.
Le « feu fixé ne veut pas dire feu éteint »
Le directeur des pompiers de Gironde, Marc Vermeulen, a appelé dimanche les évacués à faire preuve de « la plus grande prudence », rappelant que « feu fixé ne veut pas dire feu éteint ».
Si la pluie a humidifié la surface du sol, la terre continue par endroit de se consumer « à 20 ou 30 centimètres de profondeur », détaille le commandant Matthieu Jomain, porte-parole des pompiers.
Le massif forestier reste interdit au public dans l’ensemble du département jusqu’à nouvel ordre.
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