L’Europe l’a décidé, son futur sera électrique. Le véhicule thermique va bientôt faire partie de notre passé de surproduction de CO2. Pour affronter cette ambition, toute l’économie européenne doit désormais se mettre en ordre de marche, sur l’ensemble de la chaîne de valeur de l’énergie et de la mobilité. Le président Macron a ainsi annoncé la construction de nouveaux réacteurs nucléaires de nouvelle génération sur les vingt prochaines années, sa ministre des Armées Florence Parly un plan pour la maîtrise (et l’exploitation) des grands fonds marins, et le commissaire européen Thierry Breton un « méga » plan européen sur les semi-conducteurs.
Les implications de ces annonces en rafales sont nombreuses, car leur mise en pratique implique d’affronter, de tous côtés, notre dépendance au régime chinois. Quand l’École de guerre économique indique que « l’Occident s’est inféodé volontairement aux produits chinois », il ne s’agit plus des vêtements bon marché, mais du cœur du développement économique : l’énergie et les façons de la produire ou de la conserver. Des éoliennes aux panneaux photovoltaïques, la Chine a mis la main sur le tout avec un temps d’avance stratégique, investissant et subventionnant massivement son industrie pour tuer toute compétition internationale. Sachant que les nouvelles technologies sont gourmandes en matières premières rares, elle a tissé son réseau pour les maîtriser depuis l’extraction jusqu’à la vente des produits finis.
Dans l’attente de batteries nouvelle génération qui restent à inventer, les besoins essentiels sont l’accès au lithium, au nickel, au cobalt et au manganèse. Les deux derniers métaux, rares, sont principalement extraits de pays d’Afrique centrale, Gabon et Congo en première ligne. Depuis vingt ans, la Chine y a exploité la corruption et la faiblesse des gouvernements locaux pour les plonger dans une spirale de dette ; celle-ci est aujourd’hui payée par un accès privilégié aux ressources minières. Pour le lithium par contre, abondant extrait dans de nombreux pays, elle a fait le choix stratégique de devenir numéro 1 de la purification du minerai, étape essentielle avant l’incorporation dans des batteries. Elle dispose aujourd’hui de plus de 90% de la capacité industrielle mondiale.
C’est grâce à ce levier clé que Pékin a pu patiemment construire un outil industriel qui fait aussi de la Chine le numéro 1 mondial de la fabrication de batteries. Les industriels français n’avaient, il y a 20 ans, pas trouvé le sujet « stratégique », alors même que l’invention de la batterie lithium-ion est française. Le régime communiste exploite maintenant le manque de vision française au service de sa balance commerciale et surtout comme levier diplomatique pour promouvoir son modèle social et opérer des chantages dès que nécessaire.
L’Europe se réveille peut-être maintenant de la longue période de délocalisations et de dépendance « à un fournisseur jugé alors gentillet et bon marché », analyse l’École de guerre économique. « La pénurie de masques au printemps 2020 en constitue un parfait exemple. Elle pointa du doigt l’extraordinaire dépendance de notre pays et plus globalement de l’Europe envers les sources d’approvisionnement chinoises. »
Cette époque grise serait aujourd’hui derrière nous : le 30 décembre 2021, l’Union européenne se félicitait de l’ouverture de la première « giga-usine » de batteries pour voitures électriques en Europe, en Suède. Un grand pas affiché vers l’autonomie européenne qui ne sera cependant que le premier d’une longue marche, d’autant que – ceci est moins dit – c’est l’entreprise chinoise Tianqi Lithium qui approvisionnera l’usine en lithium.
Parallèlement, 38 projets différents d’usines de batteries se lancent en Europe pour un total d’investissements de plus de 40 milliards d’euros. Mais seulement 4 ou 5 ont vu le jour pour extraire et purifier le lithium, de quoi déclencher l’inquiétude du leader national en extraction minière, Eramet, qui considère que la France se place elle-même en situation de « double-dépendance ». L’annonce d’un plan pour les grands fonds marins de Florence Parly porte donc en filigrane le possible renouveau de l’exploration minière sous-marine. Parallèlement, la PDG d’Eramet, Christel Bories, considère que l’Europe doit « faire de la diplomatie économique pour se lier aux pays qui ont ces richesses. La Chine fait cela depuis de nombreuses années et donc a mis la main sur beaucoup de ressources. »
Dans son rapport au gouvernement sur la « sécurisation de l’approvisionnement en matières premières minérales », l’ancien dirigeant de PSA Philippe Varin anticipe encore 70% de dépendance européenne pour le lithium, le cobalt et le nickel en 2030. Ce rapport n’a, de façon surprenante, pas été rendu public. Les premières actions, annoncées dans un communiqué conjoint du ministère de l’Industrie et celui de la Transition écologique, sont la création de deux « plateformes industrielles » et d’une « feuille de route » de recherche, ce qui ne donne pas une impression immédiate d’engagement massif.
La question de la production des batteries n’est pourtant que la première d’une longue liste pour le retour à la souveraineté économique. Juste après elle, suit celle des semi-conducteurs qui gèrent, entre autres, l’intelligence embarquée des véhicules. Une étude de début 2021, réalisée par le Boston Consulting Group, montre que 75 % de la capacité mondiale de fabrication de semi-conducteurs est concentrée en Chine et en Asie de l’Est. Les plus avancés venant de Taïwan. Pour le régime chinois, envahir l’île ne serait donc rien d’autre que le dernier mouvement de cette partie de jeu de go qui doit lui permettre de tenir l’économie mondiale dans sa main et d’inféoder celle-ci à Pékin.
L’Union européenne (UE) engage donc aussi un vaste programme européen pour les semi-conducteurs, afin de reconstruire sa souveraineté technologique : elle ambitionne de produire, d’ici 2030, 20 % des semi-conducteurs dans le monde, soit un doublement de sa part actuelle, en se focalisant sur les composants à plus haute valeur ajoutée. Les décisions de l’administration Trump ont été dans ce domaine un véritable déclencheur international, ce que Thierry Breton appelait « la fin de la naïveté ». Avec du retard et avec moins d’énergie, les pays européens réalisent peut-être enfin qu’ils sont déjà un territoire conquis du régime chinois et tentent de reprendre leur liberté. Mais les tentacules posées sur le continent sont si nombreuses qu’il faudra du temps – et de la persistance – pour les décrocher toutes.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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