Être un bon parent, c’est un peu comme faire un triathlon Ironman tous les jours. Le travail qui consiste à rester conscient de nos propres « fardeaux » émotionnels et à ne pas les laisser s’infiltrer dans notre relation avec nos enfants est énorme.
J’ai récemment été témoin, encore une fois, à quel point la connaissance de soi et le discernement sont essentiels à une bonne éducation des enfants. Je connais mon ami Dan (tous les noms ont été modifiés) depuis longtemps. Parce qu’il fait partie de ma vie depuis des décennies, je connais aussi ses enfants depuis leur naissance et j’ai ma propre relation avec Kim, sa fille adolescente.
Lors d’une récente promenade, Dan m’a fait part d’un incident qui venait de se produire avec Kim et qui l’avait irrité. Plus tôt ce matin-là, Kim avait pris des photos, et Dan, qui connaît bien la photographie, lui avait offert une suggestion pour encadrer ses photos d’une manière plus riche et intéressante. Kim, âgée de 15 ans, s’était énervée contre son père et avait rejeté ses suggestions, lui disant de la laisser tranquille pour qu’elle puisse prendre ses propres photos comme elle le voulait.
Dan était très en colère parce que, selon lui, Kim rejetait tout ce qu’il lui offrait parce qu’elle ne le respectait pas. Dans son récit, sa fille pensait qu’il ne connaissait rien. Elle a ignoré ses suggestions parce qu’elle ne pensait pas que son opinion comptait.
J’ai écouté mon ami avec des sentiments mitigés. Depuis que je connais Dan, il a partagé l’expérience de ne pas être apprécié pour ce qu’il a à offrir. J’étais consciente que mon ami s’était toujours senti invisible, sous-estimé et ignoré dans son travail.
Ce sentiment était l’enchevêtrement émotionnel de Dan, son « truc, son fardeau ». Et ce « truc » avait été déclenché par le besoin sain de sa fille de faire ses propres expériences et de créer à sa façon.
J’étais triste pour mon ami et son désir de vouloir que sa fille l’apprécie pour tout ce qu’il savait.
Tandis que Dan m’exprimait sa colère, je me suis souvenu de conversations que j’avais eues avec sa fille. Elle avait dit qu’elle se sentait contrôlée par son père et qu’il ne pouvait pas la laisser faire les choses à sa façon. Elle m’avait dit qu’il devait constamment lui apprendre quelque chose et lui montrer ce qu’il savait. Elle était profondément frustrée que son père essaie toujours de l’améliorer et ne puisse pas simplement la laisser être elle-même. Elle sentait qu’on ne cessait de lui faire comprendre qu’elle n’était pas assez bien.
Kim pensait que lorsqu’elle acceptait les suggestions de son père, toute l’expérience devenait son expérience à lui. Elle se sentait responsable de faire en sorte que son père se sente valorisé, important et reconnu.
Je savais tout cela, tandis que Dan continuait à parler des crimes de Kim et qu’elle rejetait délibérément sa sagesse et son expertise. Quand il est arrivé à la fin de sa diatribe et qu’il a voulu que je valide ses sentiments, j’étais un peu mal à l’aise. Mais, parce que c’est un ami très cher, et parce que j’aime Kim aussi, j’ai partagé mes propres opinions. J’ai compati avec lui pour sa frustration et sa colère. J’ai essayé de reconnaître les sentiments d’invisibilité et de rejet qu’il exprimait. Puis j’ai donné une autre explication au comportement de Kim qui contredisait son récit à lui, mais qui, je l’espérais, pourrait atténuer la douleur qu’il ressentait du rejet de ses conseils.
J’ai rappelé à mon ami que Kim avait 15 ans et qu’elle avait besoin de la liberté de se débrouiller toute seule. Elle ne pensait pas qu’il était indigne, comme il le croyait. Elle essayait simplement de devenir une personne à part entière et parfois elle sentait que ses suggestions allaient à l’encontre de son propre processus de croissance.
J’ai essayé d’être gentille avec lui et je n’ai pas mentionné à quel point ce récit de ne pas être apprécié était courant dans son dialogue bien avant que Kim n’apparaisse avec sa caméra. J’ai aussi laissé de côté mon impression qu’il accusait sa fille d’intentions qui ne lui appartenaient pas. Je savais que Dan était touché à vif et que sa principale blessure était de ne pas se sentir apprécié.
À la place, j’ai essayé d’ajouter une autre explication au comportement de Kim qui pourrait apporter une perspective plus légère que celle qu’il s’était faite de sa fille.
La vérité est que j’ai de l’empathie pour Dan et pour sa fille, et je ne savais pas trop comment aider autrement que de faire valoir toutes les vérités qui coexistaient.
Je voulais reconnaître les sentiments d’invisibilité de Dan et son désir d’être apprécié et d’enseigner à sa fille, ce qui est un désir sain. Je voulais aussi reconnaître le besoin de Kim d’être valorisée telle qu’elle était, sans amélioration ni besoin de valider ses connaissances auprès de son père. Je ne pouvais pas accepter que mon ami blâme sa fille et ajoute ses propres « trucs et fardeaux » sur elle. Kim avait touché sa blessure au cœur sans avoir cette l’intention. Ça n’avait rien à voir avec lui.
Quand j’ai partagé l’expérience de Kim avec Dan, une expérience radicalement différente de celle qu’il lui avait attribuée, mon fantasme était qu’il allait tout à coup ressentir une vague d’amour paternel pour sa fille. J’espérais qu’il sortirait de sa propre histoire de défendre son ego et qu’il ressentirait de l’empathie pour l’expérience de sa fille qui ne se sentait jamais assez bien, qui devait toujours faire mieux pour que son père puisse se sentir utile et reconnu.
Mais je ne pensais pas vraiment que ce scénario se produirait et, en fait, ce n’était pas le cas. Mon ami est resté coincé dans son propre récit et s’est fâché contre moi. En lui offrant une vérité différente, celle de sa fille, je lui avais demandé de regarder en lui-même, à ses propres « trucs » et j’avais remis en question sa version de la réalité. Je lui ai demandé d’ouvrir son cœur à l’expérience réelle de sa fille plutôt qu’à celle qu’il était en train de construire pour elle. Ce n’était apparemment pas ce qu’il voulait entendre ou ce dont il avait besoin, alors nous avons décidé de nous revoir à nouveau quand il serait plus calme.
Cette expérience m’a fait réfléchir sur l’importance pour nous, parents, de séparer nos « trucs » de ce qui est réellement vrai pour nos enfants. Nous devons comprendre qu’il y a un monde de différence entre notre expérience et la leur. C’est difficile, mais nous devons les laisser coexister avec dignité, aussi différents qu’ils le sont habituellement.
Nous avons tous été Dan à un moment donné et, quand nous étions plus jeunes, nous avons tous été Kim et nos parents nous ont projeté leurs « trucs ». J’ai grandi dans un foyer qui ressemblait parfois à une maison de miroirs, où j’étais rarement dans une conversation qui incluait ma vérité réelle, mais qui était plutôt encadrée par les projections des autres, toujours chargées de quelque chose (un motif ou un point de vue, par exemple) que quelqu’un d’autre m’avait attribué.
Alors quand mon ami Dan a porté à sa fille une intention qui appartenait à son histoire à lui et qui n’était pas sa vérité à elle, j’ai senti ma propre blessure s’embraser.
En tant que parents, nos « trucs » refont souvent surface avec ce que notre enfant dit ou fait. Si nous ne nous reprenons pas dans le moment présent ou peu après, nous pouvons tomber dans cette illusion et nous retrouver avec une vision déformée de nos enfants qui affecte notre relation avec eux. Ils ont le droit de voir et d’honorer leur propre vérité, de faire valider leurs propres intentions. Si nous ne pouvons pas séparer nos propres notions et nos fardeaux de la réalité, nous voyons les choses à travers une lentille teintée qui nous refuse la possibilité d’une relation fraîche et authentique avec nos enfants.
Lorsque nous sommes irrités par quelque chose et que nous ressentons une forte émotion, ou qu’une vieille idée commence à prendre le dessus sur notre pensée, nous pouvons faire une pause, ressentir l’émotion, reconnaître la blessure et profiter de l’expérience comme une occasion d’apporter de l’empathie à notre douleur. Nos enfants nous offrent la possibilité de réfléchir sur nous-mêmes et de nous dépasser. Nous pouvons prêter attention à nos réactions, réfléchir et être empathique à notre propre douleur. Nos enfants nous montrent ce qui est enterré en nous. Si nous regardons, nous pouvons en prendre conscience, abandonner notre attitude combative et notre ignorance, et éviter de souiller accidentellement nos enfants avec notre douleur.
Nous pouvons ressentir quelque chose de réel très fort, mais cela ne signifie pas nécessairement que c’est l’autre personne qui en est la cause. Leurs actions déclenchent quelque chose en nous, cette réaction est la nôtre. Leur expérience est sans doute très différente de la nôtre. Les deux expériences sont vraies et valides.
Chacun de nous construisons chaque instant avec nos idées, nos notions et nos histoires. Nous voyons et soulignons différentes choses.
Nos enfants découvrent qui ils sont. C’est déjà assez difficile sans avoir à leur imposer nos propres histoires.
Notre plus grande responsabilité en tant que parents, et qui est aussi importante que d’assister à toutes les joutes de foot et aux récitals de danse, est de prendre conscience de nous-mêmes et d’assumer la responsabilité de nos propres « trucs et fardeaux » sans les mettre sur les épaules de quiconque, surtout de nos enfants. En faisant ainsi, nous offrons à nos enfants le privilège de décider et de découvrir leur propre vérité et de la partager ouvertement et honnêtement.
Nancy Colier est psychothérapeute, ministre interconfessionnelle, conférencière, animatrice d’ateliers et auteur.
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