Le Voyage de Fanny ou le triomphe de l’enfance

juin 3, 2016 18:26, Last Updated: juin 3, 2016 18:26
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Le voyage de Fanny, troisième long métrage de Lola Doillon – basé sur une histoire vraie, celle de Fanny Ben-Amy qui a fêté ses 86 ans cette année, – est un bon film bien rythmé avec de beaux plans et de bons sentiments. D’excellents acteurs dans ce long métrage sans prétention ni sophistication, avec les justes dosages d’émotion, de suspens et d’action. 

Synopsis

Du haut de ses 12 ans, Fanny a « la tête dure ! » Mais c’est surtout une jeune fille courageuse qui, cachée dans un foyer loin de ses parents, s’occupe de ses deux petites sœurs.

Devant fuir précipitamment, Fanny prend alors la tête d’un groupe de huit enfants, et s’engage dans un dangereux périple à travers la France occupée pour rejoindre la frontière suisse.

Entre les peurs, les fous rires partagés et les rencontres inattendues, le petit groupe fait l’apprentissage de l’indépendance et découvre la solidarité et l’amitié…

L’aventure dans la nature

Le Voyage de Fanny nous parle du courage des enfants, de leur force, de leur innocence, de leur énergie et de leur joie toujours présents même aux heures les plus obscures de l’Histoire.

Dans ce film, présenté plutôt comme un film d’aventure qu’un film de guerre, le paysage pastoral – entre la campagne française et les Alpes italiennes et suisses – tient un rôle de premier plan. Les images douces de nature nous éloignent des ravages de la guerre, des rafles et des déportations, des violences, comme l’ont voulu les parents de ces enfants en les plaçant loin de la ville.

Menacés constamment par les policiers français qui sont à leur poursuite, les enfants arrivent à trouver des moments de détente, de joie et de plaisir dans cette nature abondante. Ils courent dans les prairies, s’éclaboussent ou encore jouent au football. Un jeune homme qui les accompagne à leur cachette se sert de leur nature enfantine pour les aider à surmonter la fatigue et gravir les collines. Entre jeu et survie, les enfants passent leur temps à grimper aux arbres ou à dévaler les prés.

Yoram Friedman, sur qui est basé le film Cours sans te retourner, qui traite de la survie extraordinaire d’un enfant juif polonais de huit ans, raconte qu’effectivement, s’il n’y avait pas eu la menace permanente de la mort, la faim, le froid, les dénonciateurs et les nazis, ses jours passés dans la forêt auraient été, paradoxalement, tout à fait comme cette aventure pastorale, à laquelle il rêvait en écoutant des histoires dans sa petite enfance.

Ce sont ces images qui permettent aux plus jeunes d’adhérer aux destins des enfants cachés.

Un jeu sublime des enfants

Cécile de France est excellente dans le rôle de Madame Forman : courageuse, sévère et sensible. Mais c’est, dans une large mesure, le jeu des enfants qui contribue au charme irrésistible de ce film. Souriant, grognant ou pleurant, ils inspirent l’empathie. La réussite du film repose sur le sentiment qu’ils éveillent, chacun avec son caractère. Lola Doillon a interviewé des milliers d’enfants pour choisir ses jeunes acteurs, avec lesquels elle a passé des heures pour qu’ils donnent lui donner le meilleur d’eux-mêmes et arrivent finalement à un jeu totalement fluide et « naturel ».

C’est cet esprit enfantin que Lola Doillon a su capter et faire jaillir qui est si captivant. Certains des enfants sont typés, avec des yeux charbon et des cheveux noirs, d’autres sont blonds avec un nez retroussé mais il s’agit d’abord d’enfants, avant toute considération ethnique ou d’appartenance religieuse.

Des enfants qui sont obligés de devenir adultes en une seule nuit.

Obligation de la mémoire

Ce n’est que dans les années 90 que les enfants cachés de la Shoa commencent à témoigner de façon plus massive. Eux qui avaient la chance de survivre, d’échapper aux camps se sentaient coupables et n’osaient pas raconter leur histoire, le traumatisme de la séparation, l’oubli forcé de leur identité et l’adaptation à une nouvelle vie.

Lola Doillon a bien réussi à transmettre l’importance de l’art dans la transmission.

Des moments puissants et poétiques comme par exemple, quand Fanny et Victor regardent à travers l’appareil photo. Visant les nuages, ils font surgir de leur mémoire leurs parents avec des moments heureux ou douloureux comme ceux de la séparation. L’appareil vide ne permet pas seulement un passage fluide et cohérent aux flash-back, il est la métaphore du pouvoir de l’art à vaincre l’oubli.

Un très beau film, à voir en famille.

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