La commission des Finances de l’Assemblée nationale pourra-t-elle enquêter sur le dérapage des finances publiques et d’éventuelles dissimulations ? Son président Eric Coquerel a renouvelé son intention de solliciter une enquête, « afin d’étudier les causes de la variabilité des prévisions fiscales et budgétaires et de l’évolution des déficits publics ces dernières années ».
Le déficit public devrait atteindre 6,1 % du PIB cette année, selon les derniers chiffres officiels de Bercy, après avoir initialement été prévu à 4,4 %, puis à 5,2 % et bien sûr largement supérieur au seuil des 3 % fixé par l’Union européenne. Les taux auxquels la France emprunte sur les marchés ont dépassé ceux de plusieurs pays voisins du sud de l’Europe.
Des notes internes de Bercy avaient pourtant alerté sur ce dérapage des comptes publics dès l’automne 2023. Interrogé par la rédaction de France 2, Bruno Le Maire a répondu dans un SMS énigmatique : « La vérité apparaîtra plus tard ».
Des députés vont plancher sur la mise en place d’une commission d’enquête
Les commissaires aux Finances sont invités à se prononcer le 16 octobre (juste avant d’entamer l’examen du projet de budget 2025) pour décider s’ils transforment leur commission parlementaire en commission d’enquête.
Philippe Brun, vice-président PS de la commission des Finances, plaide pour qu’une commission d’enquête puisse être ouverte, et se pencher sur un glissement du déficit, selon lui, « volontairement caché » par l’ancien gouvernement.
« J’appelle à ce que la commission des finances se transforme en commission d’enquête, […] pour pouvoir mener les auditions nécessaires des ministres », a expliqué le député socialiste, précisant vouloir entendre l’ancien ministre de l’Économie Bruno Le Maire, « car un tel dérapage budgétaire, c’est du jamais vu dans notre histoire ». « Je crois qu’on nous a volontairement caché » le glissement des finances publiques, a poursuivi M. Brun.
Eric Ciotti et son groupe parlementaire de l’Union des droites pour la République (UDR) ont également annoncé vouloir lancer une commission d’enquête sur la « dérive des finances publiques », afin de savoir si des « dissimulations » pouvaient être imputables aux gouvernements macronistes précédents.
Eric Ciotti a annoncé vouloir utiliser son « droit de tirage » annuel permettant la création quasi-automatique d’une commission d’enquête par un groupe, après un examen de recevabilité.
Le dérapage du déficit public en 2024 est « absolument considérable et inédit »
Le « dérapage » du déficit public de la France en 2024 est « absolument considérable et inédit », a estimé le président du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) Pierre Moscovici, rappelant qu’il risquait de s’afficher à 6,1 % du PIB après avoir initialement été prévu à 4,4 %.
« Entre ce que vous avez voté et ce qui sera en principe réalisé, il y a 1,7 point de PIB, soit 52 milliards d’euros d’écart, a affirmé M. Moscovici, auditionné à l’Assemblée nationale sur le cadrage macroéconomique du budget 2025. Le président de la Cour des comptes a assuré qu’il souhaitait « que l’on sache pourquoi et comment cela s’est produit ».
« Une telle erreur de prévision des recettes c’est du jamais vu, la situation des finances publiques est inédite », note un ancien ministre de Bercy qui s’interroge sur la fin du septennat de Bruno Le Maire parti enseigner à Lausanne.
« Le budget voté fin 2023 pour 2024 était tout sauf sincère », répète de son côté le rapporteur général du Budget Charles de Courson. Une accusation dont s’est constamment défendu Bruno Le Maire devant les parlementaires, assurant avoir « toujours fait preuve de sincérité, d’honnêteté et de sens de la vérité ».
Laurent Wauquiez charge ses nouveaux alliés macronistes
« On hérite d’une situation catastrophique. Pendant sept ans, il a été fait n’importe quoi ». Le chef de file de la droite à l’Assemblée, Laurent Wauquiez, rend responsable ses nouveaux alliés macronistes du dérapage budgétaire. Absent du gouvernement, Laurent Wauquiez n’a pas pris de gants contrairement au Premier ministre Michel Barnier, qui a répété « avoir découvert une situation budgétaire très grave » sans mettre en cause ouvertement le camp présidentiel.
Wauquiez a aussi attaqué l’ancien ministre Gérald Darmanin qui a affirmé « ne pas pouvoir soutenir un gouvernement qui augmenterait les impôts ».
« Il y a un côté assez choquant à voir des personnalités politiques, ministres qui ont exercé des responsabilités pendant sept ans, qui ont largement contribué à la situation budgétaire catastrophique dans laquelle on est aujourd’hui, donner des leçons à un Premier ministre qui vient d’arriver », a-t-il déclaré.
La défense des macronistes est connue : « Les gouvernements successifs ont été confrontés à des crises majeures. Gilets jaunes, la crise du Covid, la crise inflationniste, la crise énergétique. On a déployé des moyens exceptionnels, qui ont permis de protéger les Français », a répété la nouvelle porte-parole du gouvernement Maud Bregeon. Mais l’explication a ses limites car le ‘quoi qu’il en coûte’ s’est arrêté en 2022.
Michel Barnier, lui, préfère ne pas « taper sur le Président et la majorité sortante sinon la majorité sortante va lui taper dessus », résume un allié du camp présidentiel.
Laurent Saint-Martin a, quant à lui, justifié le dérapage massif en 2024 par des recettes fiscales « moins importantes » qu’attendu du fait que la croissance ait été davantage tirée par les exportations que par la consommation, engendrant moins de TVA.
Le Maire réfute toute dissimulation d’informations
Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s’est vigoureusement défendu d’avoir dissimulé au Parlement des informations sur le dérapage du déficit public en 2023, qui était « brutalement » passé à 5,2 % du PIB contre 4,4 % initialement anticipés – en attendant d’atteindre 6,1 %.
Critiqué par les oppositions pour le dérapage du déficit public, le gouvernement l’a attribué à des recettes fiscales de 21 milliards d’euros plus faibles qu’espéré l’an dernier.
« Toutes les informations ont été données en temps utile au Parlement et aux Français, et toutes les décisions nécessaires ont été prises en temps utile pour corriger les conséquences de recettes fiscales moins élevées que prévu », a soutenu M. Le Maire. Le ministre répondait au rapporteur général Jean-François Husson (LR) qui s’était alarmé d’une « rétention d’informations » du gouvernement.
S’il n’a pas dévoilé les prévisions d’une note de ses services datée du 7 décembre 2023 prévenant d’un risque de déficit à 5,2 % du PIB, alors que l’examen du projet de loi de finances pour 2024 était en cours au Parlement, c’est parce qu’elles étaient « lacunaires » ou « inexactes » sur les dépenses de l’État, s’est justifié Bruno Le Maire, alors qu’un projet de loi rectificative en début d’année aurait fait mauvaise presse au camp présidentiel avant les élections européennes.
Ce n’est qu’en février 2024 que différentes données, concernant la fiscalité, les dépenses des collectivités locales ou la conjoncture se sont précisées, selon M. Le Maire. Peu après, début mars, il avait prévenu que le déficit dépasserait « significativement » l’objectif de 4,4 %.
Arrivé à la tête du gouvernement en septembre, le Premier ministre Michel Barnier a hérité de la situation budgétaire et s’est donné pour objectif de « ramener le déficit à 5 % » du PIB en 2025. Les mesures de redressement prévues par son budget représentent « 60 milliards » d’euros, dont « 40 milliards » grâce à des économies sur les dépenses et environ 20 milliards d’euros d’impôts supplémentaires, selon le gouvernement.
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