Yanhuang Chunqiu, le magazine mensuel réformiste créé en 1991 suite aux manifestations de la place Tiananmen, était unique en son genre. Non seulement il publiait des articles soutenant les réformes politiques, mais il le faisait au sein même de l’establishment chinois.
Aujourd’hui le magazine parrainé par l’Académie nationale des Beaux-Arts de Chine, met la clé sous la porte après que son rédacteur-en-chef, Du Daozheng, âgé de 93 ans, ait été écarté et que l’Académie ait ordonné une réaffectation précipitée du personnel.
L’annonce du 17 juillet dernier, publiée par l’équipe éditoriale du magazine, a informé qu’à l’avenir, tout périodique arborant le titre de Yanhuang Chunqiu devrait être considéré comme faux.
Pour autant, cela n’a pas empêché le personnel de l’Académie de pénétrer de force dans les locaux du magazine, de changer les mots de passe sur les comptes des ordinateurs et de prendre le contrôle des finances.
« Nos finances sont indépendantes », a déclaré Du Daozheng dans une interview pour RFI. « Nous avons environ 8 millions de yuans (environ 1,1 M€ ) … Maintenant, tout cet argent leur appartient. C’est carrément du vol! C’est exactement comme pendant la Révolution culturelle », a-t-il précisé.
Dans une interview exclusive, Du Li, professeure de français à l’Université Sun Yat-sen dans le sud de la Chine et l’une des filles de Du Daozheng, a confié à la chaîne de télévision New Tang Dynasty (NTD) que l’Académie avait rompu son accord initial avec le magazine. Elle pense que les réaffectations précipitées du personnel n’étaient qu’une tentative pour prendre le contrôle du magazine et usurper sa position éditoriale indépendante.
« Ils avaient un accord dans trois domaines », a-t-elle expliqué. « Le personnel, les finances et la publication. L’Académie pouvait donner des suggestions et était autorisée à faire une révision des parutions, mais c’est le magazine qui avait le dernier mot sur le contenu. »
Le lien qu’entretenait le magazine avec l’Académie est un phénomène unique de l’environnement médiatique chinois, où chaque éditeur doit avoir un « organe de supervision » qui doit veiller à la « rectitude politique » des publications et affirmer l’autorité du Parti lorsqu’il est appelé à le faire.
L’histoire du magazine est remplie des défiances et des pressions de la propagande chinoise. Par exemple, en 2013, le site web avait été temporairement fermé par la censure d’Internet chinoise, après avoir publié un article appelant à la garantie des droits constitutionnels.
Le nom « Yanhuang Chunqiu » peut être traduit littéralement par « Chroniques des empereurs Yan et Huang ».
Selon sa fille, Du Daozheng a été brusquement démit de ses fonctions début juillet. Il était à l’hôpital quand le personnel du bureau de la propagande chinoise – l’Administration générale de la presse, des publications, de la radio, des films et de la télévision – a fait irruption pour lui parler et le menacer.
« Au début, ils ont affiché leur soutien et bonne volonté », a précisé Mme Du. « Ils ont apporté des fruits et ont parlé de toutes sortes de choses. À la fin, ils ont montré leurs vrais visages et ont sorti un document. »
Ce document datait de 2007 et expliquait que les hauts fonctionnaires du Parti devraient démissionner avec l’âge (sans préciser lequel) et ne devraient pas garder leur position dirigeante indéfiniment.
Cependant Yanhuang Chunqiu, a souligné Du Li, n’était pas une publication de l’État puisqu’il était indépendant financièrement. Les autorités, selon elle, « ont émis un avis spécial qui permettait d’effectuer des opérations en continu ».
Juste derrière le personnel du bureau de la propagande, un groupe de l’Académie nationale des Beaux-Arts est arrivé et a sorti une liste des nouvelles affectations dans le magazine. Ce document a été lu à haute voix pour que Du Daozheng en soit bien informé. En fait, a expliqué Du Li, ils s’étaient déjà rendus aux locaux du magazine et l’avaient mis physiquement sous leur contrôle.
« Les rédacteurs n’ont pas eu l’occasion de parler à mon père avant que cela ne se passe », a-t-elle déclaré.
Hu Dehua, rédacteur adjoint de Yanhuang Chunqiu et fils du défunt réformiste chinois Hu Yaobang, était à l’époque au Japon et n’a pas été informé des événements.
Selon Du Li, l’Académie et les gens de la propagande d’État voulait avoir un « personnel plus soumis » dans le Yanhuang Chunqiu : « Ils voulaient apaiser le reste des membres du personnel du magazine. Ils ont offert à certains d’entre eux des postes dans le gouvernement, car ils ne voulaient pas qu’ils partent. Ils ont également proposé à ma sœur cadette de devenir éditrice adjointe.»
Huang Jinqiu, ancien journaliste et dissident politique, déjà condamné à 12 ans de prison pour « subversion » après avoir écrit des articles appelant à la fin du règne du Parti et à une réforme politique, commente le sort de Yanhuang Chunqiu sur la chaîne NTD :
« Je pense que cet incident montre qu’au sein du Parti communiste chinois, en particulier du système de la propagande, il y a une faction d’extrême gauche qui essaye d’interférer avec les réformes dans les médias », a-t-il déclaré.
« Yanhuang Chunqiu est un produit de la réforme et de l’ouverture de la Chine. Il est soutenu par de nombreux dirigeants du Parti et cadres supérieurs, dont le général Xiao Ke et Xi Zhongxun, le père de Xi Jinping », a-t-il poursuivi.
Xiao Ke était un général chinois haut gradé qui a appelé l’Armée populaire de libération à ne pas utiliser la force lors des manifestations de la place Tiananmen. Plus tard, en 1991, il a créé Yanhuang Chunqiu.
Dans son édition de janvier 2001, le magazine avait publié une photo du père de Xi Jinping, accompagnée d’une dédicace qu’il avait écrite : « Yanhuang Chunqiu est un magazine bien décent. »
Version anglaise : Long-Time Oasis of Reason in Chinese Media, Yanhuang Chunqiu, Shuts Down After Attempted State Takeover
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