Metteuse en scène et comédienne, la Norvégienne Yngvild Aspeli manie avec magie l’art de la marionnette, pour créer dans ses pièces qui traversent les frontières des univers oniriques, intimes, et troublants, repoussant « les limites » du théâtre.
Avec ses marionnettes à taille humaine, l’artiste présente jusqu’au 2 février « Une maison de poupée » (1879), d’après son compatriote Henrik Ibsen, au Théâtre du Rond-Point à Paris, avant une tournée.
Trois autres spectacles de sa compagnie sont en tournée en France et à l’étranger ce semestre, comme « Moby Dick » actuellement à Londres et « Trust me for a while », en mai à Paris.
« Quelque chose qu’un acteur ne peut pas exprimer »
« La marionnette est une force quand elle est utilisée de la bonne manière, quand on ne remplace pas les acteurs par des marionnettes, mais quand on les met ensemble pour que la marionnette puisse raconter quelque chose qu’un acteur ne peut pas exprimer », confie l’artiste, rencontrée par l’AFP lors d’une répétition. « Ce jeu entre les deux ajoute un niveau de narration ».
Il faut voir, sur le plateau d’ « Une maison de poupée », comment son personnage, Nora, en quête d’émancipation, se débat avec ses angoisses, sous les pattes tentaculaires d’une araignée géante. Ou encore la douceur qu’elle déploie à réconforter son double-marionnette, qui porte les mêmes vêtements, après la colère de son mari Thorvald.
« La rencontre parfaite entre l’art plastique et l’art visuel »
A 41 ans, Yngvild Aspeli a passé la première moitié de sa vie en Norvège, puis est venue en France, notamment pour ses études supérieures : d’abord l’École internationale de théâtre Jacques-Lecoq à Paris, puis l’École nationale supérieure des arts de la marionnette à Charleville-Mézières (est).
La marionnette était « la rencontre parfaite entre l’art plastique et l’art visuel », dit-elle. Et, avec l’association de la musique et de la scénographie, une manière d' »agrandir le théâtre », d’en « repousser ses limites ».
Avec sa compagnie Plexus solaire aux quatre coins du monde
Aujourd’hui associée au Centre dramatique national Dijon-Bourgogne, sa vie est faite de « ponts artistiques » et d' »allers-retours » avec son pays natal, notamment les îles Lofoten où elle dirige le Théâtre d’art visuel Figur de Stamsund. Dans ce lieu où « il n’y a rien d’autre à faire que pêcher ou faire du théâtre », elle accueille des artistes le temps de leur création.
Sa compagnie Plexus solaire, qui a tourné l’an dernier aux États-Unis, en Asie, en Amérique du Sud, a elle aussi un « ADN international ».
Des spectacles réservés aux adultes
Cette femme aux yeux clairs et cheveux longs châtain, fille d’instituteurs, a grandi dans un petit village au centre de la Norvège, entouré « de grandes forêts » et marqué par de « grands hivers ». Avec son père, également écrivain pour enfants et musicien, « la littérature, les livres, les histoires et la poésie étaient très présents », rembobine-t-elle.
Les spectacles de la Norvégienne, aux personnages extrêmes et aux ambiances parfois terrifiantes, qui explorent « la complexité de l’être humain », ne s’adressent cependant pas aux enfants.
Tout un art de façonnage et de manipulation des marionnettes
L’artiste façonne elle-même les visages de ses compagnons de scène: « ils sont sculptés. Après je fais un moulage en plâtre, ensuite un tirage en papier et colle ». Son équipe s’occupe du « squelette, en bois, couvert de mousse pour faire la chair », des vêtements et des mécanismes permettant la manipulation.
Fils, tiges… La manipulation est « un savoir-faire », « un art en soi qui n’est pas une sous-forme » de théâtre, affirme-t-elle.
Dans « Une maison de poupée », elle réalise la performance de jouer son propre rôle tout en donnant la réplique de certains autres personnages et en les faisant se mouvoir. Ce sont « deux cerveaux qui travaillent en même temps, entre technique et émotion, entre le chorégraphique et le jeu ».
Parfois, confie-t-elle, « les marionnettes vous échappent et font ce qu’elles veulent ». « Il faut aussi jongler avec ça… »
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