Près de 40 ans après le meurtre du petit Grégory Villemin, la justice a ordonné des expertises complémentaires en matière d’ADN et de reconnaissance vocale, pour tirer partie des progrès de la science et tenter de résoudre, enfin, cette affaire emblématique.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Dijon a accordé « essentiellement » « des vérifications techniques et des expertises scientifiques complémentaires aux actes déjà ordonnés » auparavant, a déclaré jeudi le procureur Thierry Pocquet du Haut-Jussé, confirmant des informations de la radio RTL.
Le magistrat a également confirmé que cette décision répondait « à des demandes d’actes de la partie civile », les parents du petit Grégory, Christine et Jean-Marie Villemin.
Rappel des faits
Le 16 octobre 1984, le corps de leur fils, âgé de quatre ans, était retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne (Vosges). Les enquêteurs s’étaient orientés d’abord vers un cousin du père, Bernard Laroche. Inculpé d’assassinat et écroué, il avait été remis en liberté mais assassiné peu après par Jean-Marie Villemin.
L’affaire qui a passionné le pays s’est ensuite concentrée sur un « corbeau » auteur de nombreuses lettres anonymes menaçantes envers les Villemin, sans parvenir à lever le mystère. Des membres de la famille Villemin avaient également reçu des appels téléphoniques anonymes.
En 2017, des expertises en graphologie avaient attribué une lettre de 1983 à Jacqueline Jacob, grand-tante de Grégory. Elle et son mari Marcel avaient été mis en examen mais l’acte a été annulé en mai 2018 pour vice de procédure. Les époux ont toujours nié être mêlés à l’affaire.
« Tenter d’arriver à la vérité »
Même 40 ans après, « on est satisfaits » d’avoir obtenu de nouvelles analyses, a réagi auprès de l’AFP Me Marie-Christine Chastant-Morand, l’une des avocates des parents. « Ça montre qu’en définitive, la justice se donne les moyens de (…) tenter d’arriver à la vérité ».
Selon elle, la famille a demandé des analyses d’ADN supplémentaires « pour faire des rapprochements entre certaines personnes de la famille et les profils et les mélanges ADN que l’on a au dossier ».
Ces analyses seront faites « sur des échantillons d’ADN qui soit n’avaient pas été répertoriés, soit n’avaient pas été attribués à une identité particulière, soit n’avaient pas été croisés avec d’autres éléments de la procédure », a précisé à l’AFP un autre avocat des parents, Me François Saint-Pierre.
Ces demandes « ne révèlent pas l’identité d’un ou de suspects », a-t-il ajouté. Pour autant, elles sont essentielles à l’enquête car « il faut que le dossier soit complet », a insisté Me Saint-Pierre.
Les nouvelles expertises porteront notamment sur des comparaisons des ADN retrouvés sur les cordelettes qui entouraient le corps de l’enfant, son anorak, son menton et certains courriers du « corbeau », a indiqué l’avocat.
Les comparaisons seront faites avec les ADN de Michel Villemin, l’oncle du garçon, et de plusieurs membres de la famille élargie, a-t-il encore confirmé.
Une nouvelle technologie pour faire avancer l’enquête
Autre volet, « l’audiométrie vocale », a fait savoir Me Marie-Christine Chastant-Morand, pour tenter de tirer partie « des progrès de la science ».
Il s’agit d’« identifier les fréquences vocales d’une personne, comme une personne laisse une empreinte digitale », a expliqué Me François Saint-Pierre. S’agissant d’une nouvelle technologie, la cour d’appel de Dijon a demandé à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) « son avis pour savoir si c’est faisable en l’état de cette technologie », a développé l’avocat.
« C’est la raison pour laquelle la justice continue d’instruire cette affaire criminelle, des nouvelles technologies permettent d’espérer une solution », a-t-il souligné.
Me Stéphane Giuranna, l’un des avocats des époux Jacob, s’est montré plus dubitatif. « Depuis 2000, des expertises, il y en a eu par dizaines. Prudence : ce n’est pas parce qu’on fait des expertises qu’on va trouver l’assassin », a-t-il déclaré à l’AFP. Concernant les expertises vocales, « ce n’est pas fiable », a-t-il encore estimé. Même en cas de succès, cela permettrait d’identifier « un des multiples corbeaux », mais « pas l’assassin », a-t-il fait valoir.
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