La mine soucieuse, ils sont une trentaine à se retrouver autour d’un petit café matinal, dans une brasserie à l’ombre de Notre-Dame. L’incendie qui a ravagé lundi la cathédrale a contraint les petits commerçants des alentours à fermer boutique.
Restaurants, boutiques de souvenirs, fleuristes ou épiceries fines installés dans le « village » qui entoure la cathédrale ont presque tous baissé le rideau. Et leurs propriétaires, réunis ce jeudi au café « Quasimodo » le bossu du célèbre roman que Victor Hugo a consacré à Notre-Dame – ont le moral à zéro.
« D’habitude, on a beaucoup de touristes qui viennent, plus de 500 par jour, mais là rien », s’alarme Virginie Aranda, qui tient un stand au célèbre marché aux fleurs de l’île de la Cité, où trône la cathédrale aux tours noircies. « Depuis mardi tout est fermé, je n’ai même pas pu passer arroser mes fleurs ».
Des barrages policiers filtrent les visiteurs, bloquant la plupart des touristes, son pain quotidien. Seuls les résidents et les propriétaires de commerces peuvent accéder à cette île nichée entre deux bras de la Seine, le fleuve qui traverse Paris. Comme Virginie, les commerçants venus à la réunion craignent que le large périmètre de sécurité établi pour permettre aux enquêteurs et aux experts d’évaluer l’étendue des dégâts ne leur coûte très cher.
« On a déjà eu un hiver dur avec les gilets jaunes, et maintenant ça », soupire Betty Toullier, fleuriste elle aussi, à propos des manifestations qui paralysent le centre de la capitale tous les samedis depuis cinq mois. « On est en train de mourir », avertit Betty, qui tient son stand de fleurs depuis 1971. Pour Patrice Le Jeune, président de l’association des commerçants du quartier de Notre-Dame qui s’est entretenu avec plusieurs responsables de la Mairie, les rues pittoresques de l’île risquent bien de demeurer fermées pendant plusieurs semaines, voire des mois.
« Ils ne vont prendre aucun risque », dit-il au groupe. Pour de nombreux Parisiens, le dédale de ruelles autour de la cathédrale n’abrite guère que des restaurants hors de prix et des boutiques de souvenirs bon marché pour touristes. Un cliché qui irrite la plupart des résidents et des commerçants de l’île, qui y vivent ou y travaillent souvent depuis plusieurs décennies.
« On oublie qu’il y a une église mais aussi un village autour la cathédrale est notre église, nos enfants ont été baptisés là », confie une mère de famille, qui ne souhaite pas donner son nom. Parmi les centaines de personnes évacuées de la rue du Cloître, elle est hébergée chez une amie, sur l’île. « C’est un village », opine Michel Mathieu, dont la grand-mère a ouvert un commerce Rue d’Arcole en 1921.
Sa boutique est toujours là, offrant aux visiteurs d’autres souvenirs que les babioles des vendeurs de rue. Au bout de la rue, le frère de Michel Mathieu en a ouvert une autre. Et sa fille, elle aussi, s’est établie un peu plus loin. Comme d’autres commerçants, ils espèrent que leurs assurances couvriront leur manque à gagner et leurs pertes les fleurs fanées, les produits frais restés dans les réfrigérateurs des restaurants.
Mais pour l’instant le site n’a pas été officiellement déclaré zone sinistrée, préalable indispensable pour faire jouer les assurances. Et les propriétaires de boutiques ne peuvent pas non plus réclamer d’aide pour compenser le chômage forcé de leurs employés. « Il y a des emplois en péril ! », s’exclame Esther, qui dirige un restaurant employant trois salariés sur le Quai des Fleurs. « Mardi et mercredi on était fermé. Aujourd’hui, j’ai ouvert mais je n’ai eu qu’un seul client ce matin. Je ne vois pas comment je vais m’en sortir en servant un seul café à 2,50 euros », dit-elle à l’AFP.
M. Le Jeune, qui doit bientôt rencontrer l’adjoint de la maire Anne Hidalgo en charge du tourisme, entend faire pression pour obtenir un gel des charges sociales sur les salaires et un allègement de TVA pour les commerçants affectés. Mais ce coup de pouce, s’il intervenait, pourrait arriver trop tard pour certains.
« On a ouvert il y a 4 semaines », souligne Francois Monville, qui a choisi d’implanter son épicerie fine dans le quartier de Notre-Dame après avoir vécu 15 ans à l’étranger avec sa femme. « L’idée était à la fois de servir les visiteurs mais aussi les Parisiens, pour réconcilier touristes et résidents », explique-t-il. Mais avec le loyer à payer et l’emprunt à rembourser, « on ne va pas pouvoir tenir comme ça longtemps ».
D.C avec AFP
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