De nos jours, la plupart des démocraties parlementaires du monde s’interrogent sur la façon de maintenir au fil des ans une véritable discipline budgétaire
On distingue en particulier trois préoccupations majeures qui pèsent sur cet exercice : la dépendance à long terme aux déficits ; la capacité de gérer les chocs économiques imprévus ; et le niveau de transparence et de reddition de comptes dans le processus budgétaire.
Quelques assemblées législatives ont tenté d’agir concrètement à l’égard de la discipline et de la transparence budgétaires en les inscrivant dans des chartes ou des lois.
Parmi ces initiatives, la Charte de l’honnêteté budgétaire (« Charter of Budget Honesty ») mise en place en Australie est désormais solidement ancrée dans son contexte budgétaire et législatif local.
Pourrait-on importer une telle procédure dans d’autres pays tels que le Canada et la France ? J’ai examiné cette proposition dans un article récemment publié dans la Revue parlementaire canadienne, qui traitait de la mise en œuvre de ces Chartes.
Les mécanismes de la Charte
Depuis sa promulgation, la Charte occupe un rôle central dans le processus budgétaire national australien, créant un ensemble de procédures qui impliquent entre autres le Parlement, le ministère des Finances, et le public.
La Charte a également a permis d’instaurer une série de « rendez-vous » qui constituent désormais des étapes essentielles du budget annuel et qu’une bonne partie de la population australienne considère désormais comme des pratiques politiques et économiques normalisées.
Les lignes directrices de la Charte forment en effet un cadre de discipline budgétaire cohérent. Collectivement, elles contribuent à accroître la transparence par la création d’un flux régulier de rapports gouvernementaux visant à informer et éclairer le public, l’Assemblée législative et d’autres acteurs politiques sur tous les changements susceptibles de modifier l’équilibre budgétaire national.
La Charte vise à améliorer les résultats de la politique budgétaire en exigeant que la stratégie en la matière se fonde sur les principes de « saine gestion financière » et en facilitant l’examen public de la politique budgétaire et de son efficacité.
La Charte insiste les trois piliers de la politique budgétaire. Celle-ci doit contribuer :
- à dégager une épargne nationale adéquate ;
- à tempérer des fluctuations cycliques de l’activité économique, tout en tenant compte des risques économiques auxquels le pays est confronté ainsi que de leur incidence sur la situation financière du gouvernement ; et
- à adopter des mesures de fiscalité et de dépenses qui offrent un degré raisonnable de stabilité et de prévisibilité quant au niveau des prélèvements, tout en maintenant l’intégrité du régime fiscal.
De plus, ces décisions doivent être prises en gardant à l’esprit leurs effets financiers sur les générations futures.
Les critiques de la Charte
Il faut noter que la Charte fait face à plusieurs critiques.
Une critique virulente, dans la logique du « moins, c’est mieux », estime que l’excès de données produites pour respecter la Charte n’accroît pas la transparence du processus budgétaire de façon significative. Au contraire, cette situation entraînerait une surproduction de données financières qui, de fait, restreignent les capacités de surveillance des responsables de la prise de décisions.
Une deuxième critique estime que le rayon d’action de Charte est limité : elle ne peut influer sur les paramètres définis constitutionnellement en matière de participation des parlementaires au processus budgétaire.
Une troisième critique découle de l’expérience d’autres États ; selon elle, l’obligation réglementaire d’équilibre ou de discipline budgétaire ne peut à elle seule garantir la saine gestion financière.
D’ailleurs, face au niveau élevé d’incertitude des prévisions de croissance économique, due notamment aux chocs économiques imprévus, les gouvernements préfèrent disposer d’une plus grande autonomie et plus de souplesse dans la politique budgétaire ; elles seraient restreintes par des telles Chartes.
En outre, puisque les économistes ne s’entendent pas sur ce qui constitue une cible budgétaire idéale, les objectifs de discipline budgétaire établis peuvent sembler arbitraires.
Enfin, la philosophie budgétaire elle-même défendue par les différents partis politiques diverge : certains mettent l’accent sur l’équilibre tandis que d’autres considèrent que la possibilité de planifier des déficits constitue une bonne politique. Comment leur imposer une seule charte ?
Dans quel cas faut-il une charte ?
Malgré les critiques évoquées ci-dessus, il y a toujours lieu d’envisager la possibilité de Charte d’honnêteté budgétaire pour des pays tels que la France et le Canada. L’argument le plus favorable vient des résultats budgétaires, fiscaux et d’endettement affichés par l’Australie depuis que la Charte a été mise en place.
Le contexte et les hypothèses qui ont prévalu lors de la conception de la Charte – fiscalité restreinte et boom des revenus des ressources naturelles – ont permis au gouvernement australien de résister aux chocs économiques. En fait, en comparaison avec presque toutes les économies développées, l’Australie est restée à l’abri de la crise financière de 2008.
La solide situation fiscale de l’Australie lui a permis de surmonter la récession mondiale et de connaître une période de croissance ininterrompue de 25 ans.
Ces résultats peuvent apparaître comme un fort argument pour que d’autres pays, désirant protéger leur stabilité économique – étudient la mise en place d’instruments du type de la Charte d’honnêteté budgétaire.
Mais une telle charte peut-elle vraiment s’adapter à d’autres États ? La conclusion de mes recherches est nuancée : tout dépend de l’objectif que viserait une telle charte.
Si elle vise à assurer une transparence et une discipline totales et rigoureuses, cette charte (ou tout autre mécanisme « d’honnêteté budgétaire ») constitue une mesure législative insuffisante en soi.
Si, par ailleurs, la charte sur l’honnêteté budgétaire vise à améliorer progressivement l’engagement financier et la rigueur budgétaire du Parlement dans le cadre d’une volonté politique en matière de bonne gestion des finances publiques, elle pourrait constituer la composante clé d’un plus vaste dispositif.
Usman W. Chohan, Economist, UNSW
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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