Candidat à la Palme d’or pour les uns, désastre pour les autres, « Les filles du soleil« , premier film d’une des trois femmes de la compétition à Cannes, est également le premier à diviser les critiques, entre ceux louant un regard neuf sur la guerre et ceux déplorant une mise en scène naïve. « Tous les films que j’ai adorés sont clivants. Un film qui a un point de vue fort, c’est presque nécessaire qu’il soit clivant, sinon c’est consensuel », a répliqué dimanche la réalisatrice Eva Husson à l’AFP. Son film évoque un sujet fort, quasiment jamais traité à l’écran: le sort des femmes yézidies (jamais identifiées comme telles dans le long métrage) capturées par des jihadistes, transformées en esclaves sexuelles et devenues, pour certaines, des combattantes armées.
Une histoire de courage et de combat pour la liberté, basée sur des faits réels qui ont inspiré une cinéaste française revendiquant une approche féministe. En s’attaquant au film de guerre, après avoir raconté dans son premier long métrage des jeunes participant à des orgies sexuelles (« Bang gang »), Eva Husson s’intéresse uniquement aux personnages féminins — combattantes et journaliste de guerre — et privilégie leur parcours plutôt que les combats. Son film suit les traces de la sergente Bahar, incarnée par l’actrice d’origine iranienne Golshifteh Farahani, lors d’une offensive de quelques jours contre les islamistes quelque part au Kurdistan en novembre 2015, le mois où Paris était frappé par les attentats.
Au travers de flash-backs et de confessions auprès d’une reporter, Mathilde (Emmanuelle Bercot), le spectateur découvre qu’avant de porter un treillis, Bahar était avocate, mariée et mère de famille. Sa vie a été transformée par l’arrivée soudaine d’« hommes en noir » qui ont tué son mari, kidnappé son enfant et fait d’elle une esclave sexuelle. Une réalité terrible que traite avec pudeur la réalisatrice, qui ne montre pas certaines atrocités.
« Dans l »histoire du cinéma, la représentation de la violence envers les femmes est souvent proche du voyeurisme, avec parfois une grande victimisation », soulignait Eva Husson dans les notes d’intention du film. Elle préfère construire une ode à ces combattantes, filmant leur ténacité, comme celle de cette femme, à deux doigts d’accoucher, fuyant les islamistes. Croyant au regard de femme, Eva Husson estime qu’une telle scène serait « beaucoup plus mise à distance par les cinéastes hommes ». « Gageons que vous direz que c’est un film de femme », avait lancé Thierry Frémaux, le délégué général de Cannes en annonçant la sélection du film en compétition, vantant un « point de vue assez nouveau ».
Réflexion sur la maternité, le combat, la place des femmes, le tout surligné d’une musique très présente, le film capte ses héroïnes au plus près, au point de faire oublier l’offensive qui se déroule. « D’un côté, elle braque les projecteurs sur une histoire terrible et importante (…), de l’autre, elle le fait avec une approche si poussive qu’on a l’impression que son film est une bataille perdue », écrit le Hollywood Reporter. « Eva Husson est une sacrée réalisatrice. Et une prétendante à la Palme d’or », estime en revanche le journaliste du site Indie Wire, David Ehrlich. Le film a été projeté samedi soir après une montée des marches historique de 82 femmes de cinéma pour réclamer l’égalité salariale dans le 7e art. Un temps fort du 71e Festival de Cannes, le premier depuis l’affaire Weinstein et les révélations sur le traitement des femmes dans cette industrie. Dimanche entrait en compétition la deuxième des trois réalisatrices en lice pour la Palme d’or, l’Italienne Alice Rohrwacher avec « Heureux comme Lazzaro ».
DC avec L’AFP
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