Le géant automobile Volkswagen a indiqué mercredi être en discussion sur l’avenir de ses activités dans la région chinoise du Xinjiang après de nouvelles allégations d’atteintes aux droits humains sur un site du groupe.
Volkswagen « est actuellement en pourparlers avec la coentreprise SAIC-Volkswagen sur l’orientation future des activités commerciales dans la province du Xinjiang », selon une déclaration du groupe à l’AFP. « Différents scénarios font actuellement l’objet d’un examen approfondi », ajoute-t-il. L’usine dépend de la filiale chinoise de Volkswagen, une coentreprise entre le groupe allemand et le groupe automobile chinois SAIC.
La Chine est de loin le premier marché mondial de Volkswagen, où le groupe a réalisé 40% de ses ventes d’automobiles sur les trois premiers mois de 2022.
Une usine mise en cause depuis des années
Ce groupe, premier constructeur européen, est mis en cause depuis des années pour son usine d’Urumqi ouverte en 2013 dans la capitale du Xinjiang, région où, selon les défenseurs des droits, plus d’un million de musulmans de la minorité ouighoure seraient détenus dans ce que Pékin présente comme des « centres de formation professionnelle ».
Le quotidien allemand Handelsblatt a affirmé que le constructeur aurait également bénéficié du travail forcé de Ouighours, lors de la construction d’une piste d’essai pour ses véhicules au Xinjiang, sur la commune de Turpan. Selon l’ONG américaine Memorial Foundation for the Victims of Communism [“Fondation pour la mémoire des victimes du communisme”], la “gigantesque piste d’essai” de Turpan (ou Tourfan), au Xinjiang, utilisée par une filiale de Volkswagen, qui est associé en Chine à la Shanghai Automotive Industry Corporation (SAIC), l’un des plus importants constructeurs automobiles du pays, aurait été construite grâce au travail forcé d’ouvriers ouïgours.
« Les employés des organisations impliquées dans la construction de la piste d’essai ont participé activement aux mesures visant à contrôler et à réprimer les Ouïghours », a déclaré, de son côté, l’universitaire allemand Adrian Zenz au Handelsblatt.
Par ailleurs, le ministère allemand de l’Économie a décidé en mai de ne plus accorder de garanties pour les investissements de Volkswagen au Xinjiang, une province chinoise où Pékin est accusé de mener une répression contre la minorité musulmane.
Un audit remis en question à l’intérieur même de la société de conseil allemande
Après le résultat d’un audit mené dans l’usine d’Urumqi, sous pression d’investisseurs, Volkswagen avait pu affirmer en décembre n’avoir trouvé aucune preuve de travail forcé parmi les employés. Cependant plusieurs cadres supérieurs de la société de conseil allemande Loening GmbH ont pris leurs distances, par rapport à cet audit réalisé par leur société sur une coentreprise de Volkswagen dans la province chinoise du Xinjiang.
Sur cette question, Loening GmbH a publié sur sa page LinkedIn une déclaration indiquant qu’en dehors de Markus Loening et du conseiller stratégique principal Christian Ewert, ainsi que de deux avocats chinois, « aucun autre membre de l’équipe n’a participé à ce projet, ne l’a soutenu ou ne l’a appuyé ». Après que Reuters a fait état de cette déclaration , Markus Loening a précisé à cette agence de presse que l’équipe avait « un éventail de points de vue » et que les projets étaient toujours menés par de petites équipes d’experts – dans ce cas, lui-même et Ewert, soutenus par deux avocats chinois…
Mais d’après le groupe, l’audit n’a pas été mené sur le site d’essai de Turpan. Toutefois Volkswagen dit n’avoir reçu « aucune preuve de violations des droits de l’homme » concernant Turpan. « Nous sommes en contact avec notre partenaire de coentreprise SAIC sur la manière de procéder en ce qui concerne le site d’essai », a ajouté le constructeur et de son côté M. Loening a déclaré : « Mon évaluation en tant que directeur de projet et directeur général est publique et inchangée. »
Le passé trouble de Volkswagen en matière de travail forcé
Pour se rattraper et s’excuser d’avoir utilisé, en le détournant, un slogan nazi pour évoquer les résultats de l’entreprise, Herbert Diess, le précédent patron du groupe Volkswagen avait en 2019 évoqué « la responsabilité historique particulière de Volkswagen pendant le Troisième Reich », en rappelant le passé trouble de Volkswagen, qui a eu recours au travail forcé de prisonniers de guerre et de détenus de camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est qu’à la fin des années 90 que l’entreprise a accepté de dédommager les prisonniers employés durant le conflit.
D’autres entreprises sous le feu des projecteurs
Le groupe Volkswagen n’est toutefois pas seul sous les projecteurs. Le partenariat entre Siemens et China Electronics Technology Group corporation (CETC), détenu par une structure étatique militaire, est également mis en question. Selon l’ONG Human Rights Watch, il a permis à CETC de développer des plates-formes de surveillance des Ouïgours qui incluent leurs relations interpersonnelles, données de smartphones, consommation d’énergie etc. Interrogé par la presse, Siemens a expliqué que ses technologies étaient utilisées uniquement dans les installations de production et non dans les produits finis de CETC…
Danone, Essilor, Engie, Veolia… feraient partie des nombreuses entreprises françaises qui détiennent des parts d’entreprises du Xinjiang ou ont conclu des partenariats dans la région.
A contrario, le chimiste BASF, l’un des plus gros groupes allemands, a jeté un pavé dans la mare vendredi en annonçant accélérer la vente de ses participations dans deux coentreprises installées au Xinjiang, où le pouvoir chinois est accusé de répression.
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