Ludovic Le Moan, gérant de la société toulousaine Sigfox, a déclaré offrir ses services au gouvernement dans la lutte contre le coronavirus, en proposant de tracer les personnes infectées à l’aide d’un bracelet connecté. Un projet qui inquiète quant aux problèmes de cybersécurité et de liberté.
Depuis plusieurs jours, le projet de traçage numérique des personnes positives au coronavirus par le gouvernement (via l’application StopCovid) suscite de nombreuses inquiétudes, notamment sur l’exploitation des données personnelles.
De plus, l’entreprise toulousaine Sigfox, avec son réseau mondial d’objets connectés, vient de proposer au gouvernement français une solution visant à mettre en place un système de bracelet connecté à son réseau. Une initiative dénoncée à Toulouse par des spécialistes de la cybersécurité. Face aux critiques, le gérant de Sigfox, Ludovic Le Moan, s’est exprimé.
Les malades du coronavirus vont-ils être obligés de porter le bracelet électronique de la société toulousaine Sigfox ? – France 3 Occitanie https://t.co/j1JN2CMK4f
— Sylvain Duchampt (@duchampt) April 24, 2020
« L’idée est d’avoir un bracelet, ou un autre objet connecté, qui ne soit pas relié au smartphone et permettrait de connaître les personnes croisées par son porteur durant la journée et celles qui se sont rendues dans différents lieux », précise Ludovic Le Moan à RTL.
Il ajoute ensuite que : « Le but n’est pas de traquer une personne pour savoir si elle est allée à la Poste ou au supermarché mais d’aider les autorités à gérer la circulation du virus. C’est un acte de civisme, comme l’attestation de sortie. Une fois que le bracelet est enlevé, c’est fini. Alors que le téléphone restera dans notre poche après la crise. »
D’après Ludovic Le Moan, l’objectif de Sigfox serait d’avoir un objet indépendant de Google et Apple. Un prototype a également été testé dans les locaux de la société basée à Labège, à côté de Toulouse.
« On va dire que je vends ma soupe […] mais mon point de vue c’est vraiment un problème de vie privée. Si ça passe par le téléphone, ça passe forcément par Google et Apple. Si ça passe par un réseau comme celui de Sigfox, on ne serait que le tuyau, et les équipements pourraient être la propriété de l’État qui les mettraient à disposition de sa population », précise Ludovic Le Moan.
Pour Baptiste Robert, un chercheur en cybersécurité, cette offre de service au gouvernement n’a qu’une visée commerciale : « De la même manière qu’Orange, SigFox utilise cette crise afin de mettre en avant son produit. Ils ne sont pas là pour la beauté du geste. Il y a des intérêts commerciaux énormes derrière. »
« Disons que si le gouvernement accepte ce projet, ce qui n’est absolument pas le cas pour l’instant, Sigfox va gagner un contrat astronomique. La possibilité d’équiper tous les Français potentiellement d’un bracelet électronique, utilisant leur réseau, représente plusieurs millions d’euros à la clef. On voit bien que certains industriels français n’ont aucun mal à mettre l’éthique de côté lorsque ça les arrange », explique-t-il, d’après France3-région.
Un problème d’éthique également partagé par Xavier Mouton-Dubosc, développeur informatique : « Ce qui me dérange particulièrement dans ce projet, c’est de faire croire que le ‘contact tracing’ est anonyme. Il est prouvé grâce au site risques-tracage.fr, créé par plusieurs chercheurs, que toutes ces données peuvent être désanonymisées. »
Hello @sigfox @kernelKing . Vous allez vraiment bien dans votre tête ?
Vous vous rendez compte qu’une telle déclaration opportuniste va marquer votre entreprise à vie comme liberticide, et à raison ? https://t.co/SHJGS81eg0— CryptoParty Toulouse (@CryptoPartyTls) April 24, 2020
Un internaute appelé Solarus, expert en cybersécurité, pose également un problème qui dépasse le cadre technologique : « Cela touche directement des questions philosophiques et démocratiques. Nous sommes partis sur une application pour une autre solution qui n’est pas plus sécurisée ou anonymisée. Ce bracelet implique de l’imposer à des personnes qui sont trop pauvres ou trop âgées pour utiliser un smartphone. Ne pas laisser le choix à ces personnes de porter un tel bracelet électronique, cela évoque directement des solutions de détention, imposée à des personnes, immorales et criminelles. »
Un avis partagé par Baptiste Robert, qui a déclaré : « On est en train de présenter aux gens des bracelets électroniques en leur expliquant que c’est pour leur bien. Veut-on tous devenir des détenus ? »
Pour conclure, Solarus estime que « pour tous, la solution pour résoudre cette crise n’est pas d’aller chercher une solution purement technologique mais avant tout d’avoir des tests et des masques pour l’ensemble des Français.
« À travers ces initiatives (technologiques), le gouvernement veut montrer que la France est une ‘start-up nation’ et qu’elle agit donc avec les startup. Mais pour moi, c’est aussi une façon de masquer les manquements qu’il y a eu lors de cette crise : le manque de masques, le manque de tests, tout en essayant de rassurer les Français en donnant l’impression d’agir », explique-t-il.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.