Directrice générale de la fondation Université Grenoble Alpes, Anne-Catherine Ohlmann nous apporte des précisions sur ce projet, dont la première phase se déroule au Col du Dôme à Chamonix.
Vous gérez la partie financière du projet ?
Oui, j’assure la coordination du projet et l’ensemble des partenaires, je gère la partie du financement des différents organismes scientifiques qui contribuent au projet en nature par l’apport de scientifiques, de matériel, de logistique, etc. C’est un projet qui est extrêmement coûteux, il est financé par de l’argent privé via du mécénat et la fondation se doit de coordonner et de chercher du mécénat.
Quel est le coût d’une telle opération ?
Pour cette première opération, sur une phase de quatre ans, l’opération Mont-Blanc, l’opération l’année prochaine en Bolivie et la création des caves en Antarctique, nous recherchons 2 millions d’euros, sur un budget global de 3 millions d’euros. Cette première opération au Col du Dôme est financée par les organismes sous forme de dons en nature et financée par des mécènes qui sont la Fondation Albert II de Monaco, la société de surgelés Findus France et la fondation de l’équipement de montagne Petzl.
Vous êtes allée sur place ?
Je reviens de Chamonix. Une douzaine de chercheurs vont se relayer sur la montagne : cinq chercheurs français, cinq chercheurs italiens, un russe et un américain : ils sont en permanence sur la montagne cinq à six à chaque fois. Pendant la première semaine, ils ont monté tout le carottier, c’est-à-dire le dispositif qui va effectivement creuser et forer. Ils ont aussi monté tout le matériel nécessaire là-haut : il y a quand même une tonne d’équipement, toutes les tentes et les dômes de forage, etc. Ils ont creusé la cave dans la neige qui va recevoir les boîtes qui contiennent les carottes avant qu’elles soient descendues dans des chambres froides. Ils ont aussi monté les 100 caisses isothermes qui vont ensuite contenir les carottes. Tout cela a été fait jusqu’au lundi 15 août. À partir du mardi 16, ils ont commencé à carotter.
Ils ont sorti 80 mètres de carottes de glace. En tout, cela a duré jusqu’à la fin du mois d’août. Leur objectif est de forer et d’extraire 3 carottes de 130 mètres de long. C’est long ! Ce sont des cylindres de glace qui font entre 10 et 12 centimètres de diamètre. On les sort par petits morceaux d’un mètre, évidemment les premiers qui sont à la surface sont plus faciles à extraire. On fore jusqu’à ce que l’on arrive au roc.
Quelle est l’urgence pour cette conservation ?
L’urgence n’est pas tant pour les glaciers. Par exemple celui du col du Dôme ne va pas disparaître dans les dix ans. En revanche, on estime que les glaciers qui sont en dessous de 3 500 mètres d’altitude risquent de disparaître à la fin du siècle.
L’urgence n’est pas forcément sur ces glaciers de haute montagne, voire de très haute montagne. Ce n’est pas la disparition, mais c’est l’altération de la qualité de la glace, par exemple là sur le Mont Blanc l’année dernière, l’été 2015 a été extrêmement chaud : pour la première fois, on a eu une température de 0 °C au sommet du Mont-Blanc.
La superficie du glacier fond, ensuite l’eau percole et coule à l’intérieur du glacier. Cela abime la qualité des glaces et la qualité des enregistrements isotopiques. Ainsi les enregistrements chimiques en profondeur seront modifiés, donc l’urgence d’aujourd’hui concerne la qualité et le risque d’altération des enregistrements scientifiques contenus dans la glace et non pas une disparition des glaciers dans les années à venir.
Pourquoi commencer cette recherche en France ?
Nous avons d’abord choisi le massif du Mont-Blanc parce que nous le connaissons bien, étant donné que nous avons un laboratoire et une université à Grenoble. Cela nous permet de roder les équipes, le matériel, etc. Le massif alpin fait partie des massifs que l’on a identifiés comme étant 1/ scientifiquement intéressants et 2/ effectivement en danger d’altération.
Au printemps de l’année prochaine, ce sera au tour du glacier de l’Illimani en Bolivie à 6 300 mètres d’altitude, l’un des rares en Amérique latine qui permette de remonter au dernier maximum glaciaire, il y a plus de 20 000 ans. Ensuite, nous avons des projets avec d’autres équipes internationales, dans l’Himalaya, dans le Caucase, notamment en Chine où il y a beaucoup de glaciers très intéressants.
Comment s’articule un projet d’une telle ampleur ?
Oui, nous coordonnons, mais l’initiative était franco-italienne. Nous montons le projet et coordonnons les différents acteurs. Nous travaillons également avec l’UNESCO, nous avons des contacts avec les Nations unies, enfin nous gérons le suivi avec l’Institut français polaire Paul Émile Victor pour creuser la cave en Antarctique. On s’emploie à monter une gouvernance mondiale qui va ensuite s’occuper de l’ensemble du projet dans le temps. Nous sommes les leaders, ensuite nous offrirons cette possibilité aux autres équipes de glaciologues au niveau mondial : il y a des Russes, des Américains, des Chinois, des Autrichiens, des Suisses, etc. pour qu’eux aussi aillent forer leurs propres glaciers et puissent stocker les carottes au niveau mondial.
L’ensemble du projet et des équipes est déjà engagé, le projet a été approuvé par la IPICS (International Partnerships In Ice Core Sciences), les 24 nations qui ont des équipes de glaciologues sont partie-prenante. Donc ensuite nous livrons le projet, l’idée c’est que d’ici à une dizaine d’années, lorsque le projet sera mature et que l’on aura foré un certain nombre de glaciers qu’on en fasse donation à une organisation internationale qui ait à la fois l’envergure internationale et la pérennité dans le temps pour effectivement pouvoir assurer la continuité du projet. Voilà pour les 10 à 20 prochaines années, nous sommes en charge du pilotage du projet, l’idée étant d’en faire donation à une organisation d’une plus grande envergure que la nôtre.
« Les glaces peuvent reconstituer le climat de la Terre » Claude Lorius.
Claude Lorius, glaciologue pionnier des forages glaciaires, mécène du projet soutient la Fondation : « Quand j’ai découvert il y a 50 ans qu’en analysant les glaces de l’Antarctique l’on pouvait reconstruire le climat de la Terre et la composition de l’atmosphère à partir des bulles d’air qu’elles contiennent, je n’imaginais pas alors la rapide et inéluctable disparition des glaciers. Je remercie l’équipe de Grenoble de prendre la responsabilité de créer ce sanctuaire de carottes de glace pour les générations futures. »
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