De nos jours, le monde s’organise de plus en plus sous forme de réseaux. Réseaux sociaux mais également routiers, téléphoniques… Qu’en est-il en biologie ? Et plus précisement, pour notre organisme et pour notre cerveau ? La question est de savoir si chaque région de notre cerveau fonctionne de façon isolée ou au contraire forme un réseau cérébral.
Le cerveau est l’organe le plus mystérieux et pourtant l’un des plus importants de notre organisme. Chef d’orchestre du corps, en perpétuelle activité, il dirige et régule tous nos comportements, du contrôle du mouvement à la formation d’une pensée ou d’une émotion. Si le cerveau est si complexe, c’est parce qu’il se compose de nombreuses régions anatomiques différentes appelées aires cérébrales.
On a longtemps pensé que ces zones avaient des fonctions distinctes (vision, audition, olfaction…), et œuvraient de manière isolée pour produire des comportements spécifiques. Mais, avec l’arrivée des nouvelles techniques d’imagerie cérébrale (Imagerie à résonance magnétique (IRM) et tomographie par émission de positon (TEP), etc.) les scientifiques ont mis en évidence une réelle communication entre ces différentes aires. Du coup, on peut facilement faire l’analogie entre ces réseaux cérébraux et les réseaux sociaux. Par exemple, les réseaux sociaux sont composés de sous-groupes de personnes partageant des centres d’intérêt communs (cuisine, lecture, genres ou artistes musicaux). De même, les aires cérébrales se regroupent pour former des comportements complexes tels qu’observer un paysage, réfléchir à une partie d’échecs, ou décider de traverser une rue.
Facebook dans notre cerveau…
Le parallèle entre le réseau social Facebook et le réseau cérébral n’a pas échappé aux scientifiques ! Le cerveau est comme un immense réseau social avec un même ordre de grandeur en terme d’intersection et de connexions :
- 100 milliards de neurones ; environ 1,5 milliard d’utilisateurs Facebook
- 1 neurone peut établir jusqu’à 10 000 connexions ; 1 utilisateur Facebook possède plusieurs centaines d’amis.
Mais comment les aires cérébrales communiquent-elles ? À petite échelle, elles sont constituées de neurones qui sont considérés comme l’unité élémentaire de notre cerveau. On dénombre environ 100 milliards dans le cerveau humain contre presque 800 millions chez nos amis les chats. Les neurones se connectent entre eux par une toile dense de câbles connecteurs, appelés axones, pour former une architecture hiérarchisée et dynamique. Les plus gros points de connexion sont appelés des hubs, ou « plaques tournantes » en anglais. Ces hubs sont des endroits stratégiques dans la circulation de l’information.
Lors de la création d’un mouvement, certains neurones des aires cérébrales motrices vont communiquer ou discuter par le biais des axones pour former un réseau neuronal – on parle de connectivité anatomique. Mais ces neurones peuvent également établir des connexions à plus grande distance avec des neurones appartenant à d’autres aires cérébrales – on parle ici de connectivité fonctionnelle. Par exemple, si le mouvement est destiné à rattraper un ballon de foot en plein vol, les connexions se feront avec des neurones des aires cérébrales visuelles. La communication s’établit donc à l’échelle neuronale et plus largement à l’échelle macroscopique des aires cérébrales.
Un réseau sans coupure de courant
Même lorsque nous nous reposons, notre cerveau est en ébullition. C’est ce qu’a découvert, par hasard, le neuroscientifique Bharat Biswal en 1992. En observant le cerveau d’une personne totalement immobile allongée dans un scanner IRM, il a remarqué que l’activité du cortex moteur droit et celle du cortex moteur gauche se synchronisaient. Cette activité spontanée et synchronisée du cerveau est appelée activité de repos. Elle a été comparée par le neurologue Marcus Raichle à « l’énergie noire » du cosmos qui représente la plus grande partie de la masse de l’univers tout en étant invisible. De la même manière, l’activité de repos de notre cerveau représente plus de 80 % de l’énergie qu’il consomme. Cette activité s’organise également en réseau qu’on appelle les réseaux de repos. Certains chercheurs pensent que ces réseaux serviraient à garantir à chaque instant une adaptabilité, quasi instantanée, aux changements de l’environnement auxquels nous sommes confrontés.
Une topologie « petit monde »
Notre cerveau est donc un organe très dynamique qui nous permet de réaliser des comportements complexes sans même en avoir conscience. Cette efficacité est permise grâce aux propriétés des réseaux cérébraux qui peuvent être étudiées par la théorie des graphes, une méthode couramment utilisée pour représenter des réseaux (réseau de protéine, réseau social, etc.). Ces réseaux « ou graphes » se composent d’un ensemble de sommets, appelés nœuds, reliés par des traits, appelés arêtes.
Nous savons maintenant que le « graphe » de notre cerveau est un tissu dense de nœuds connectés par des arêtes dont certains peuvent être qualifiés de hubs. La théorie des graphes va encore plus loin dans l’exploration de ces réseaux cérébraux, car elle permet de décrire son organisation. Ainsi, selon E. Bullmore et O. Sporns, notre cerveau posséderait une topologie type « petit monde » (small world en anglais) qui lui garantie à la fois efficacité et économie d’énergie.
Ce type d’organisation est un compromis entre une organisation aléatoire, à haute efficacité globale, et une organisation régulière, à haute efficacité locale. En effet, une structure petit monde est un graphe dans lequel la distance moyenne entre les noeuds est faible et les voisins d’un nœud sont fortement connectés entre eux, formant ainsi des sous-réseaux. L’efficacité du transfert d’information passe donc par le fait que très peu d’intermédiaires sont nécessaires pour aller d’un neurone ou d’une aire cérébrale à l’autre grâce à la présence des hubs.
Efficacité d’un réseau selon la théorie des graphes
La proportion de hubs étant faible, dans la majorité des situations cette structure permet le maintien du transfert de l’information face aux perturbations extérieures (vieillissement, lésion). En effet, lorsque les régions les plus connectées sont atteintes – les hubs – le réseau se déstructure rapidement ce qui pourrait expliquer certaines maladies cérébrales.
Ainsi, connaître et comprendre la structure des réseaux cérébraux permet d’envisager de nouveaux outils diagnostiques et/ou thérapeutiques. David Meunier, membre du Centre de Recherche en Neuroscience de Lyon, et spécialiste de la théorie des graphes, nous explique que la topologie petit monde est altérée chez un patient schizophrène : « Au cours de mes recherches, j’ai été frappé par le fait que j’étais capable de distinguer en quelques secondes un réseau cérébral d’un sujet sain de celui d’un patient schizophrène par l’absence totale de hubs ».
Carole Guedj, Doctorante équipe Impact, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, Université Lyon 1, CNRS-INSERM, Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et Amélie Reynaud, Doctorante équipe Impact, Centre de Recherche en Neurosciences de Lyon, CNRS-INSERM, université Lyon 1, Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm)
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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