Pour le nouveau président chilien Gabriel Boric, le réveil après les festivités de la victoire s’annonce difficile avec une économie qui va connaître un fort ralentissement et des promesses sociales complexes à tenir face à un Parlement qui n’est pas entièrement acquis à sa cause.
Lundi, la Bourse de Santiago a sanctionné le triomphe de la gauche sur l’extrême droite en ouvrant sur une baisse de 6,83% du principal indice. L’IPSA a clôturé sur une baisse de 6,18%.
Le peso chilien a lui été déprécié de 3,4%, à 876 pesos par dollar, son plus bas niveau depuis le 18 mars 2020.
« Le marché s’attendait à une baisse plus importante », tempère cependant le directeur de l’Ecole de commerce de l’Université Mayor de Santiago, Francisco Castaneda. Selon lui, « la modération vers le centre du programme de Boric a atténué la chute », même si « les entreprises opérant sur des marchés réglementés ont connu une baisse importante ».
Après avoir rencontré le président Pinera lundi au palais présidentiel de La Moneda, le président élu a annoncé qu’il allait accélérer l’annonce de son gouvernement afin de « fournir des certitudes », notamment aux marchés.
Ces mêmes marchés avaient salué l’arrivée en tête au 1er tour fin novembre de l’ultra-libéral José Antonio Kast par une hausse de +9,25%.
Pour M. Castaneda, « l’essentiel sera de savoir qui sera son ministre des Finances afin de donner confiance aux marchés » et « qu’il soit capable de comprendre que le rôle du secteur privé est vital pour mener à bien ses programmes sociaux ».
Une grande réforme fiscale
Il a promis une grande réforme fiscale pour faire participer les plus riches à son programme de meilleur accès à la santé, à l’éducation et à la création d’un nouveau système de retraite, aujourd’hui entièrement privé.
Dimanche soir lors de son premier discours il a promis « plus de droits sociaux tout en restant fiscalement responsables ».
Mais ses désirs de changements radicaux au modèle économique néolibéral du Chili vont se heurter à un Parlement qui n’est pas entièrement acquis à sa cause.
« Il lui sera difficile de satisfaire l’agenda social (…) avec un Parlement à l’équilibre, une situation économique qui se dégrade et un endettement public sans précédent », estime Claudia Heiss, politologue à l’université du Chili. « Et cela va être très difficile à expliquer aux citoyens », prédit-elle.
« Il ne pourra pas réaliser l’intégralité de son programme si de larges accords ne sont pas conclus », prévient aussi Maria Jaraquemada, de l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA).
« Gouverner va être très, très difficile »
« Gouverner va être très, très difficile », renchérit Michael Shifter, du groupe de réflexion Inter-American Dialogue, estimant lui aussi que le nouveau président « devra négocier et conclure des accords et des alliances ».
Cela pourrait même ouvrir un front dans son propre camp.
« Il y a beaucoup de gens dans sa coalition qui attendent des changements radicaux rapidement » et « ils pourraient être frustrés ». Donc « ce n’est pas seulement la méfiance de la droite mais aussi la déception au sein de sa propre base » que M. Boric devra affronter.
De plus, « le gouvernement sera confronté à des difficultés en raison de la situation économique qui prévoit un fort ralentissement dans les prochaines années », ajoute Maria Jaraquemada.
Si l’économie chilienne a rebondi en 2021 avec une croissance de 11,5%, les prévisions pour 2022 sont moins encourageantes (de 1,5 à 2,5%).
Des subventions gouvernementales
Une grande partie de la croissance a été alimentée par des subventions gouvernementales (3 milliards de dollars) pour stimuler une économie ravagée par la pandémie, et par des retraits individuels dans les fonds de pension privés (50 milliards de dollars).
Dans un contexte d’inflation, la Banque centrale devrait en 2022 relever encore son taux directeur, passé de 1,5 à 4% en deux augmentations depuis octobre, pour passer à 6%, soit plus du double de la fourchette cible.
Le nouveau président « devra faire face à un scénario macroéconomique complexe, dans lequel il devra intégrer le retrait des mesures de relance budgétaire », a déclaré Juan Ortiz, de la faculté d’économie de l’université Diego Portales.
De plus, M. Boric s’est engagé à contenir le déficit public, qui a atteint en juin un tiers du PIB.
« Et sans discipline budgétaire, l’économie chilienne connaîtra des temps plus difficiles que prévu en 2022 », alerte l’analyste Francisco Castaneda.
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