ÉTATS-UNIS

Climat, l’inconnue américaine

novembre 10, 2016 7:48, Last Updated: novembre 10, 2016 7:48
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C’était le scénario catastrophe des défenseurs du climat et la grande inquiétude des négociateurs du climat réunis actuellement à Marrakech pour la COP22 : la victoire de Donald Trump à la présidence des États-Unis.

Donald Trump qui, durant sa campagne, a qualifié les changements climatiques de « canular » et évoqué une possible « annulation » de l’Accord de Paris. Il a également promis de supprimer les mesures rendant obsolètes les vieilles centrales au charbon et de relancer l’extraction offshore de pétrole et de gaz.

Les États-Unis ne peuvent, bien évidemment, à eux seuls « annuler » ce traité tout récemment entré en vigueur et ratifié par 102 pays et l’Union européenne. C’est donc avec raison que Ségolène Royal a affirmé ce matin que Donald Trump « ne pourra pas empêcher la mise en œuvre de l’accord sur le climat ».

Washington engagé jusqu’à fin 2019

En revanche, comme le Canada a par le passé dénoncé le Protocole de Kyoto, les États-Unis peuvent dénoncer l’Accord. Ce dernier leur en laisse entièrement le droit, à condition toutefois de suivre la procédure prévue (article 28). Cette dénonciation, par laquelle ils « sortiraient » du traité, ne peut intervenir qu’à l’expiration d’un délai de trois ans à compter de la date d’entrée en vigueur de l’Accord, soit pas avant le 5 novembre 2019.

En outre, elle ne prendrait effet qu’à l’expiration d’un nouveau délai d’un an, soit… à la fin du mandat de Donald Trump. Que ce dernier le veuille ou non, les États-Unis sont donc bel et bien engagés internationalement pour la durée de son mandat. Ils devront prendre des « mesures internes pour l’atténuation en vue de réaliser les objectifs » de la contribution nationale qu’ils ont communiquée (soit réduire leurs émissions de 26 à 28 % en 2025 par rapport au niveau de 2005).

Juridiquement, ils ne peuvent par ailleurs revoir cette contribution nationale qu’à la hausse (article 4). Ils doivent également se conformer aux autres obligations que prévoit l’Accord.

Comment on estime les émissions de gaz à effet de serre (WMO, 2016).

18 % des émissions de gaz à effet de serre

Bien évidemment, ils pourraient toujours décider d’ignorer et de violer délibérément l’Accord, qui ne prévoit pas de sanction en ce cas.

L’Accord de Paris est en effet plus incitatif que réellement contraignant. Un mécanisme de contrôle est bien à créer – c’est au menu des négociateurs lors de la COP22 – mais il sera « axé sur la facilitation, et fonctionne[ra] d’une manière […] transparente, non accusatoire et non punitive » (article 15).

Peu de choses à craindre donc de ce côté de là, à part des conséquences politiques. S’ils choisissaient de ne pas mettre en œuvre l’Accord, les États-Unis ne seraient pas le premier État à s’asseoir sur un engagement international… Mais une telle attitude pourrait évidemment avoir des conséquences désastreuses.

Elle risquerait de saper la fragile dynamique portée par l’Accord de Paris, voire l’effectivité de ce dernier : les États-Unis représentent encore 18 % des émissions mondiales et sans eux les objectifs de l’Accord de Paris sont tout simplement hors d’atteinte.

Les yeux se tournent vers Pékin

Faudrait-il craindre pour autant un effet domino ? La position de la Chine sera fondamentale à cet égard. Or, son négociateur climat a donné récemment des signes très positifs en affirmant à propos des positions de Donald Trump que si les dirigeants américains « résistent à cette tendance, je ne pense pas qu’ils auront le soutien de leur population et leurs progrès économiques et sociaux en seront affectés » et « qu’un responsable politique avisé doit prendre des décisions conformes aux tendances mondiales ».

À la différence de Donald Trump, les Chinois semblent avoir compris le sens de l’histoire… et l’intérêt aussi bien environnemental que sanitaire et même économique de ne pas prendre de retard dans la marche vers la décarbonation de nos économies.

Sandrine Maljean-Dubois, Directrice de recherche CNRS au Centre d’études et de recherches internationales et communautaires (CERIC), Université Aix-Marseille

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

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