L’ouverture potentielle d’une « route de la soie arctique », à cause de la fonte des glaces de l’océan entre l’Asie et le nord de l’Europe, intensifie la rivalité géopolitique entre la Chine et les États-Unis.
Aucune des côtes ou des possessions insulaires de la Chine ne borde l’océan Arctique. Ce pays ne cherche pas à établir sa souveraineté sur les plateaux continentaux ou les eaux de l’Arctique. Cependant, le dirigeant chinois Xi Jinping a déclaré en 2014 que la Chine était une « puissance polaire » en tant « qu’État proche de l’Arctique ».
Les observations météorologiques par satellite de ces quarante dernières années révèlent que les glaces de l’océan Austral (de l’Antarctique) se sont agrandies, tandis que celles de l’Arctique se sont contractées. La combinaison de la diminution de l’étendue de la glace de l’océan Arctique à ses niveaux les plus bas depuis 1850 et de l’amélioration des technologies maritimes en eaux froides pourrait conduire à l’ouverture d’une route maritime du Nord – reliant Shanghai à Rotterdam – qui serait 40 % plus courte que la route maritime traditionnelle du Sud.
La route maritime du Nord réduirait pour la Chine de moitié le temps de transit moyen de 37 jours, ce qui permettrait d’économiser des centaines de milliers de dollars par trajet. De plus, cela permettrait également à la Chine de transformer radicalement les conditions géopolitiques – ceci en évitant le transit par les détroits de Malacca et le canal de Suez, qui sont aujourd’hui les points d’étranglement de grande importance dominés par l’Occident.
La zone située au-dessus du cercle arctique ne représente que 6 % de la surface de la Terre mais, selon l’United States Geological Survey, ses bassins sédimentaires et ses plateaux continentaux peu explorés pourraient contenir 13 % du pétrole non découvert de la Terre et environ 30 % de son gaz naturel non découvert.
Le Canada, le Danemark (en son nom propre, ainsi qu’au nom des îles Féroé et du Groenland), la Finlande, l’Islande, la Norvège, la Russie, la Suède et les États-Unis ont signé, en 1996, la déclaration d’Ottawa pour établir le Conseil de l’Arctique en tant que forum intergouvernemental de haut niveau destiné à promouvoir la coopération dans l’Arctique dans la protection de l’environnement et le développement durable. Peu après l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, en 2013, la Chine a été approuvée en tant « qu’observateur » au Conseil de l’Arctique.
En janvier 2018, la Chine a publié son livre blanc intitulé Politique arctique qui stipule : « L’utilisation des routes maritimes et l’exploration et le développement des ressources de l’Arctique peuvent avoir un impact énorme sur la stratégie énergétique et le développement économique de la Chine. »
Afin d’exercer une plus grande influence sur ce qu’elle appelle la « Route de la soie polaire » de 4 000 miles, la Chine s’est engagée à y financer d’importantes infrastructures portuaires et de développement énergétique dans le cadre de l’extension de son titanesque programme « Belt and Road Initiative – BRI », souvent qualifié de « nouvelle route de la soie. Pékin a déclaré que ses investissements sont destinés à des fins économiques, mais que ses infrastructures pourront également accueillir des navires de la marine chinoise si nécessaire.
Le lancement de la BRI arctique a provoqué une confrontation diplomatique majeure avec les États-Unis l’été dernier lorsque la société d’État chinoise China Communications Construction Company, qui était autrefois mise sur la liste noire de la Banque mondiale, a proposé au territoire autonome danois du Groenland de construire trois aéroports.
Lorsque Donald Trump a répondu à cette démarche chinoise en proposant d’acheter le Groenland au Danemark, le Wall Street Journal s’est opposé à cette idée, la considérant comme la dernière initiative de Trump en matière de développement immobilier. Cependant, l’ouest du Groenland accueille la base aérienne américaine de Thulé qui est une pierre angulaire de la défense du territoire américain. La base abrite la 21e escadre spatiale de l’armée de l’air américaine qui exploite le radar d’alerte précoce des missiles balistiques et assure la surveillance spatiale et le contrôle des satellites.
En décembre dernier, Pékin et Moscou ont proclamé une « nouvelle ère » de relations bilatérales, indiquant l’énergie, le commerce, la technologie, la diplomatie et la défense comme des domaines ciblés pour une coopération plus approfondie et plus large. Cette annonce a suivi l’achèvement et l’ouverture du gazoduc « Force de Sibérie » de 25 000 km financé dans le cadre de la BRI, qui commencera les exportations de la Russie vers la Chine de 5 milliards de mètres cubes de gaz naturel en 2020. Vers 2024, ce gazoduc de 55 milliards de dollars pourrait transporter jusqu’à 38 milliards de mètres cubes de gaz par an.
Bien que Jack Lew, le secrétaire américain au Trésor, ait averti en 2014 que le financement de ce gazoduc saperait les sanctions occidentales imposées à la Russie à la suite de son invasion de la Crimée, le projet a été décrit par la société russe Gazprom comme faisant partie d’une coentreprise de la BRI de 400 milliards de dollars ayant comme but le développement des champs gaziers de Yamal le long de la côte arctique de la Russie.
Le secrétaire d’État américain Mike Pompeo a mis en garde en mai dernier que le « comportement agressif » de la Chine risquait de créer une « nouvelle mer de Chine méridionale » – la région où la Chine construit des bases militaires et harcèle la navigation internationale. « Ce n’est pas parce que l’Arctique est un espace sauvage qu’il doit devenir un espace de non-droit », a-t-il ajouté.
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