Confinement oblige, de grands chefs de Marseille, dans le Sud-Est de la France, ont adopté le camion de restauration, tel Alexandre Mazzia, doublement étoilé au guide Michelin, désormais au volant de son propre véhicule, où il se voit comme « un marchand de bijoux » culinaires.
Nectar de betterave fumé déglacé au balsamique blanc et courge rôtie à la pommade de citron, en entrée. « Kefté » d’agneau au sumac, chou rouge en ragoût, navet au miel et patates douces comme plat. Et enfin texture de madeleine fondante aux graines de pavot en dessert: à 11h30, mardi, la file d’attente était déjà longue pour ce panier-repas à 24 euros.
« Ca fait deux ans que j’avais ce projet de +food-truck+ en moi », explique Alexandre Mazzia à l’AFP.
Son camion se gare, sur le Prado
Et c’est avec le nouveau confinement pour lutter contre l’épidémie de coronavirus que son camion se gare, début novembre, sur le Prado, un des plus célèbres boulevards de Marseille, à quelques encablures de son restaurant.
Il le nomme « Michel », en hommage à son grand-père, pêcheur de l’Ile-de-Ré (Ouest). Le succès est immédiat, avec jusqu’à 200 repas servis par jour.
Il sont neuf à travailler dans quelques mètres carrés, sur une chorégraphie millimétrée. Plancha, barbecue, salamandre (poêle à combustion lente), cuisson vapeur, espace pour les brûlés-fumés: « Toutes les cuissons sont faites sur place », explique le chef, en calant tant bien que mal ses 195 cm de basketteur dans cet espace minuscule.
Les allers-retours avec le restaurant
Trois employés font les allers-retours avec le restaurant, où sont faites les préparations. Pour deux heures de service, tout le monde est sur le pont dès 08h00: « On est des besogneux », dit en souriant le chef d’orchestre.
Certes, « Michel n’est pas encore rentable ». « L’idée c’est de ne pas subir ce confinement, de garder la tête hors de l’eau, d’entretenir la passion, comme un entraînement, même si le match est différent », insiste Alexandre Mazzia.
Après le Covid, ce projet continuera dans une ville déjà connue pour ses très populaires camions-pizza.
Le food-truck restera
« Il y aura à nouveau le restaurant, mais le food-truck restera ». De quoi rassurer Denise, cette mamy du quartier, venue « tester ces saveurs dont lui ont parlé ses enfants ». Ou ces deux étudiants « à la découverte d’une cuisine qu’ils ne pourraient pas s’offrir ».
Au cœur de la ville, sur un parvis en bas du quartier historique du Panier et face au Vieux-Port, un autre camion met à l’honneur la gastronomie de la deuxième ville de France. Mais, dans « La boîte à sardines », le chef est différent chaque soir.
Depuis mi-novembre, plusieurs grandes toques se sont illustrées: Lionel Levy, étoilé avec « L’Alcyone », le restaurant gastronomique de l’Intercontinental, Ludovic Turac, d’« Une table au sud », autre étoilé de la ville. Ou encore la jeune Coline Faulquier, du « Signature », top chef 2016.
Food-truck d’abord un point de vente
Mais ce food-truck est d’abord un point de vente. Chaque chef cuisine dans son propre restaurant. « C’est un +drive+ solidaire pour filer un coup de main aux copains dans la mouise », explique Lionel Levy, à l’origine de cette initiative avec l’association Gour-méditerranée, qui regroupe une soixantaine de chefs.
? Les chefs marseillais se sont mobilisés pour continuer à travailler malgré le #confinement ! Ils proposent ainsi aux Marseillais la possibilité d’ »un confinement gourmand » grâce à un #drivesolidaire ? Une belle initiative ⤵ pic.twitter.com/Uq1Rs2qncD
— La Provence (@laprovence) November 12, 2020
Lors du premier confinement au printemps, Gour-méditerranée avait servi 25.000 repas aux SDF et au personnel hospitalier marseillais depuis les cuisines de l’hôpital militaire de Laveran.
« Cette fois, ce sont les restaurants qui sont dans le besoin », insiste Philippe Zerah, trésorier de Gour-méditerranée et patron du « 1860 le palais ». A Marseille, les restaurants et bars ont été fermés quelques jours de plus que dans d’autres villes de France, en septembre en raison du nombre de cas positifs au Covid-19.
« C’est plus un soutien moral que financier, mais ça fait revivre leur cuisine. Et pour certains, en une soirée, c’est quand même la moitié du loyer qu’ils peuvent payer ».
« 3.000 ou 4.000 euros de chiffre d’affaires au moins chaque soir, c’est une bouffée d’oxygène », insiste Lionel Levy. « Ce que j’ai gagné ce soir, ça va me faire vivre un mois », lui a avoué un des chefs invités.
Ailleurs en France, d’autres chefs ont imaginé des solutions palliatives, comme des services de livraison.
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