Le premier ministre du Québec François Legault a annoncé mardi 11 janvier qu’il allait imposer une « contribution santé » aux Québécois qui refusent de se faire vacciner. Le montant de cette taxe n’a pas encore été dévoilé, mais il a évoqué un « montant significatif ».
Après les récompenses aux personnes vaccinées telle qu’une loterie avec une cagnotte de deux millions de dollars (canadiens), c’est au tour des menaces envers les personnes non-vaccinées. La dernière en date ? Un « vaccimpôt » qui s’appliquera uniquement aux personnes qui ont décidé de ne pas recevoir de vaccin contre le Covid-19.
« Je vous annonce qu’on travaille actuellement sur une contribution santé qui va être chargée à tous les adultes au Québec qui refusent de se faire vacciner », a annoncé le premier ministre en conférence de presse, selon Le Soleil. « Pour ce qui est du montant, on veut que ce soit un montant significatif. 50 $ ou 100 $, pour moi, ce n’est pas significatif. Mais on n’a pas encore fixé le montant », a-t-il ajouté.
Concrètement, François Legault étudie encore avec le ministre des Finances comment appliquer cette « taxe santé ». Apparemment, elle sera prélevée directement au moment de faire sa déclaration de revenus.
« Tous les adultes au Québec qui n’accepteront pas dans les prochaines semaines d’aller au moins chercher une première dose auront une facture à payer », a menacé le premier ministre, accusant les personnes non vaccinées d’« engorger nos hôpitaux ».
En date du 13 janvier 2022, 85 % des Québécois ont reçu au moins une dose de vaccin (92 % de la population de plus de 12 ans), et 78 % avaient reçu deux doses (88,9 % parmi les plus de 12 ans). Les données pour la troisième dose, maintenant accessible pour toute la population adulte québécoise, ne sont pas disponibles sur le site de l’Institut national de la santé publique du Québec (INSPQ).
François Legault a répété à plusieurs reprises pendant la conférence de presse que la moitié des lits des unités de soins intensifs des hôpitaux étaient occupés par des patients non-vaccinés contre le Covid-19. Il n’a toutefois pas précisé si ces personnes n’avaient reçu aucun vaccin ou seulement un. L’INSPQ indique qu’il y a un total de 275 personnes hospitalisées aux soins intensifs pour un diagnostic de Covid, pour une population de 8 millions d’habitants.
Les médecins contre cette mesure « discriminatoire »
L’annonce de François Legault a suscité diverses réactions, entre autres celle des Médecins québécois pour le régime public (MQRP), qui juge la mesure « discriminatoire » et « inacceptable ».
« Imputer les problèmes actuels du système de santé à la population non vaccinée est un raccourci bien douteux », remarque ces médecins dans une lettre ouverte. « Plusieurs facteurs mettent les gens à risque de se retrouver malades et de devoir être soignés dans le système de santé public – sédentarité, usage de substance. »
Selon le MQRP, le système de santé québécois était déjà « à bout de souffle » avant que la pandémie ne frappe la province. Ceci était le résultat des « 30 dernières années de gestion erratique et de sous-financement chronique public des soins de santé ».
Cette taxe est-elle légale ?
Le « vaccimpôt » pose aussi des questions d’ordre législatif, ainsi que le remarque Louis-Philippe Lampron, professeur de droit à l’Université Laval en entrevue à La Presse : « La colonne vertébrale du droit de la santé, c’est d’accepter ou de refuser un traitement qui [nous] est offert ». Pour ce juriste, cette taxe, de même que le passeport vaccinal, posent « des enjeux au niveau du respect de la Charte [des droits et libertés de la personne] ». Ces mesures punitives pourront être contestées en Cour, toutefois le processus peut être long et prendre jusqu’à un an et demi avant qu’un juge ne rende sa décision.
À l’Association canadienne des libertés civiles, la directrice du programme des libertés fondamentales et avocate générale par intérim, Cara Zwibel, explique : « Au Canada, nous avons un système de santé publique universel. On n’y inflige pas d’amende aux individus qui font de piètres choix en matière d’alimentation et d’exercice physique, pas plus qu’à ceux qui choisissent un métier ou un loisir à risque élevé. »
De son côté, le Parti Québécois demande un débat et des consultations sur cette « taxe santé », ainsi que, selon un communiqué, pour toutes les « mesures sanitaires qui ont des impacts significatifs sur la population, notamment le couvre-feu, la fermeture des commerces le dimanche et l’étendue de l’application du passeport vaccinal ».
« Presque deux ans après le début de la crise, il est inconcevable qu’on esquive les nécessaires discussions avec les partis d’opposition, et qu’on se prive de l’avis et de l’analyse des experts », remarque le député des Îles-de-la-Madeleine, chef parlementaire et porte-parole du Parti Québécois en matière de santé, Joël Arseneau.
Menaces et restrictions
L’annonce de la nouvelle taxe s’inscrit dans la lignée des dernières mesures mises en place en ce début d’année par le gouvernement du Québec pour restreindre les libertés des personnes refusant le vaccin. En l’espace de quelques jours, les Québécois non vaccinés ont appris qu’ils n’auraient plus le droit d’acheter de l’alcool et du cannabis dans les succursales gérées par la Société des alcools du Québec (SAQ) et sa filiale SQDC. Ils ne peuvent plus avoir accès à certains commerces dits « non essentiels ». Enfin, au 13 janvier, on leur a annoncé qu’ils n’auront plus le droit d’entrer dans les grandes surfaces de plus de 1 500 mètres carrés à partir du 24 janvier prochain.
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