Cuba : les indélébiles cicatrices du régime de Castro

Jesús de León ne décolère pas quand les gens font de Cuba un pays romantique

Par Charlotte Cuthbertson
16 novembre 2020 11:55 Mis à jour: 16 novembre 2020 11:55

Jesús de León se souvient bien du moment de sa vie où son esprit a reçu un terrible choc. Il avait 13 ans. Ce n’était pas une blessure évidente comme une jambe cassée, mais plutôt une profonde déchirure de l’âme. Celle-ci faisait suite à des années d’endoctrinement et de violence qui avaient graduellement enveloppé sa pensée.

Jesús est né à Cuba en 1966, près d’une décennie après que Fidel Castro a pris le pouvoir et purgé ses opposants.

« J’ai été au cœur de la révolution », confie Jesús, à son domicile de Brooklyn, le 16 mars dernier. « J’ai été élevé en étant endoctriné au sein du système communiste. »

Dès ses premiers jours de l’école primaire, Jesús devait quotidiennement saluer et prêter serment d’allégeance à Castro. « Nous devions répéter : ‘ Nous sommes des pionniers du Parti communiste comme Che [Guevara] », explique-t-il en précisant : « Maintenant que je suis adulte, je me rends compte qu’après l’avoir répété chaque jour pendant mon enfance, cela est devenu une partie de moi-même – de mon corps, de mon esprit et de mon sang. »

Quand il était jeune, Jesús a fréquenté l’école supérieure de Lénine à La Havane. Ce lycée, pionnier des internats professionnels, était considéré comme le plus prestigieux du pays il a été officiellement inauguré par Leonid Brezhnev, Secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique. Au cours de son éducation, Jesús a appris que Castro prévoyait que ce lycée devait former de « purs étudiants communistes ».

Les six années passés au lycée étaient « traumatisantes » et « horribles » pour Jesús. Le pire moment pour lui est survenu en 1980, lors de « l’exode de Mariel » le départ pendant six mois vers les États-Unis de 125 000 Cubains considérés comme « contre-révolutionnaires » dans leur propre pays.

Détruire l’amitié

À l’époque de « l’exode de Mariel », toute personne voulant quitter Cuba devait obtenir une permission spéciale par le biais de leur lieu de travail. Comme tous les emplois étaient offerts par l’État, cela signifiait que tout l’appareil gouvernemental en était immédiatement alerté. Il était impossible de partir sans que le gouvernement ne le sache bien à l’avance.

Les familles qui voulaient partir avaient été étiquetées comme des « traîtres » ou des « asticots », et une punition devait rapidement leur être infligée, avant que leurs membres ne puissent effectivement partir.

Jesús et ses camarades de classe avaient été désignés pour faire partie de l’équipe des punisseurs. Il n’avait que 13 ans lorsque, pour la première fois, il a été mis dans un bus scolaire et conduit au domicile d’une famille qui était sur le point d’émigrer, afin de devenir leur bourreau.

Jesús de León, sur une photo prise lorsqu’il était au Lycée de Lénine. Il a été contraint de se retourner contre ses amis s’ils avaient l’intention de quitter Cuba. (Samira Bouaou/Epoch Times)

« Nous avons jeté des pierres sur la maison en voulant la démolir. Le but était de pénétrer dans la maison », explique Jesús, ajoutant : « Parfois nous le faisions plusieurs fois par jour. »

« Une fois, nous sommes grimpés sur le toit et avons commencé à jeter des pierres sur les gens qui étaient en train de manger à l’intérieur », a-t-il poursuivi, en mentionnant que même les voisins y ont pris part.

Il n’y avait aucun moyen d’éviter de participer à ces expéditions. Jesús précise : « Ils empoisonnent votre esprit dès le premier jour, alors tu fais ce que tout le monde fait. On a tellement peur. On ne le remet même pas en question ».

Ses camarades de classe et ses amis ne faisaient pas exception il a parfois été forcé de se retourner contre eux. « Ce qui est m’est arrivé a complètement changé ma vie. A partir de ce moment-là, je ne croyais plus en l’amitié. Cela vous rend inhumain. Tout devient normal : tabasser les gens et démolir leurs maisons – c’est légal », souligne Jesús de Léon en ajoutant que lorsque les parents venaient à l’école pour aviser les autorités du départ de leur enfant, ils étaient tabassés par les élèves.

Je crois que le manque de confiance est l’aspect le plus néfaste du communisme. En conséquent, on se sent toujours seul.

– Jesús de León

« Une fois, plusieurs d’entre nous avons jeté des pierres sur le père d’un élève et une pierre lui a fracassé la tête », confie-t-il en baissant ses yeux. « Je me souviens qu’une autre fois ils ont mis une élève sur scène et tout le monde lui criait dessus. Puis ils se sont jetés sur elle, ont déchiré ses vêtements, et elle a couru avec ses parents vers la voiture pour se sauver. Les enseignants nous ont encouragés à le faire et y ont également participé, y compris le directeur et le doyen du lycée. »

Jesús souligne que c’est à cette époque là qu’il a abandonné ses principes de confiance et d’amitié.

Jesús de León sur le balcon de sa tante à La Havane, au début des années 1970, quand il était jeune garçon. (Photo de Jesús de León)

« Bien que Ruben était mon meilleur ami aujourd’hui, il pouvait devenir mon ennemi demain », dit-il, avant d’ajouter : « Je ne tenais pas à tout cela, mais je me sentais très seul. »

Chaque quartier avait son propre Comité de défense de la révolution (CDR) – un organe local d’espionnage du régime cubain. « Le CDR sait tout sur tous les ménages : leur emploi du temps, à quelle école vont les enfants, où travaillent les parents, ce qu’ils pensent – le CDR sait tout », poursuit Jesús de León.

Chaque ménage recevait un livret de rations pour acheter de la nourriture et des vêtements – le régime indiquait exactement ce que les familles pouvaient obtenir : des haricots, des œufs, des vêtements, et ainsi de suite. « Il était très difficile d’obtenir de la nourriture à Cuba », explique Jesús, précisant : « Nous devions toujours choisir quoi acheter – de la nourriture ou des vêtements ; nous ne pouvions jamais nous vêtir correctement ». Son père faisait souvent des petits boulots pour gagner de l’argent et faire les achats au marché noir.

Partir sans dire adieu

Jesús a obtenu son diplôme d’avocat en 1995 et a travaillé à l’Office cubain de la propriété intellectuelle. Il était un coureur de jupons et un ivrogne, et son travail ne pouvait pas être considéré comme un travail honnête.

« Je me suis rendu compte que je devenais de plus en plus dégénéré en tant qu’être humain », fait-il remarquer. « Je pouvais encore distinguer le bien du mal, mais je ne pouvais pas agir autrement. Je voulais changer ma vie. Je ne voulais pas vivre dans un État communiste. »

LIRE AUSSI: La doctrine communiste, à l’origine du massacre d’au moins 100 millions d’innocents, idéalisée dans le New York Times

Son travail prévoyait de fréquents voyages à l’étranger, il était ainsi l’un des très rares Cubains à posséder un passeport – celui-ci lui a servi de billet de sortie pour cette vie qu’il détestait.

En 2004, juste avant son voyage de travail au Brésil, Jesús a pris la décision de faire défection. Il était sous une grande pression pour joindre le Parti communiste – il était très rare pour quelqu’un occupant son poste de ne pas être membre du Parti.

Il ne pouvait pas dire adieu à sa famille parce qu’il savait qu’il pourrait être retrouvé plus tard. « Je me souviens du moment précis de mon départ. Il était très douloureux », a-t-il confié, ajoutant : « Ce n’était pas normal, ce n’était pas humain. »

Jesús de León chez lui à New York le 16 mars. Jesús a quitté Cuba en 2004 et s’est installé aux États-Unis en 2012 après avoir gagné une carte verte à la loterie. (Samira Bouaou/The Epoch Times)

Essayer de reconstruire sa vie

À Rio de Janeiro, Jesús a quitté son hôtel chic pour commencer à vivre dans la rue. Il a rencontré une Argentine et est parti avec elle dans son pays. Ils se sont mariés plus tard. Il était content d’avoir quitté le Brésil, car son gouvernement avait conclu un accord d’extradition avec Cuba, et il avait peur d’être traqué. Il pouvait aussi parler espagnol en Argentine et il a suivi une voie spirituelle.

« Après avoir quitté Cuba, j’ai complètement abandonné l’alcool et la promiscuité sexuelle. J’ai subi beaucoup de changements », constate Jesús. Mais il ne pouvait pas balayer d’un coup tout son passé – certaines choses fondamentales étaient trop profondément ancrées dans son esprit.

« Je ne pouvais pas aller de l’avant. Je n’avais pas d’espoir », se souvient-il, évoquant les neuf ans vécus en Argentine durant lesquels il était souvent malade et déprimé. « J’ai tout perdu : mon pays, ma famille, mes amis, ma carrière. »

Il souffre toujours de la difficulté d’établir des relations humaines normales et conserve de l’apathie envers la vie. « Même maintenant, je ne peux pas faire confiance à qui que se soit », explique-t-il, en ajoutant : « Je crois que le manque de confiance est l’aspect le plus néfaste du communisme. En conséquent, on se sent toujours seul. »

En 2012, Jesús a gagné à la loterie une green card de résident américain et a déménagé aux États-Unis. Aujourd’hui, il est irrité quand des personnes qui n’ont jamais mis les pieds à Cuba, idéalisent son régime.

« Ces gens n’ont jamais vécu à Cuba. Ils vivent dans des sociétés très libres où ils peuvent donner libre cours à leurs fantasmes. Cela fait partie de la liberté : ils ont un choix. Et ils ne sont pas prêts à tout perdre et aller vivre à Cuba. Je suis né à Cuba et le régime m’a imposé son système. Et lorsque j’ai essayé de choisir, j’ai tout perdu. »

Jesús adresse une question à tous ceux qui ont toujours des idées romantiques envers Cuba : « Pourquoi les Cubains se jettent-ils à la mer pour quitter leur pays ? »

Et malgré tout ce qu’il a perdu dans la vie, il n’y a aucune hésitation dans la voix de Jesús quand il dit qu’il ne reviendra jamais à Cuba, « peu importe s’ils me rendent ou non tout ce que j’avais avant ».

On estime que le communisme a tué au moins 100 millions de personnes, bien que ses crimes ne soient pas recensés et que cette idéologie persiste toujours. Epoch Times tâche d’exposer l’histoire et les croyances de cette doctrine, qui a servi de base à la tyrannie et à la destruction des peuples depuis son émergence. On peut trouver la série complète de ces articles dans la rubrique « Histoire cachée du communisme ».

Version anglaise : Fidel’s Cuba Leaves Indelible Scars

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