Des pommes « de la taille d’une prune », des poires brunies par les coups de soleil: les vergers de Guillaume Seguin, arboriculteur dans le nord de la France, souffrent du manque d’eau et de l’excès de chaleur, en cette année bouleversée par les calamités climatiques.
Auparavant, ses arbres situés aux alentours du village de Dampleux, à une centaine de kilomètres de la frontière belge, dans le département de l’Aisne, souffraient de la sécheresse « une fois tous les dix ans ». Mais sur la décennie écoulée, « c’est la cinquième fois que ce verger est en stress hydrique, avec une récolte de plus en plus aléatoire, et de petits fruits que je ne suis même pas sûr de récolter », constate-t-il.
L’agriculteur mesure le calibre d’une petite pomme vert clair: 52 millimètres au lieu de 70 à cette époque de l’année, « la taille d’une belle prune, mais certainement pas d’une pomme ».
N’a jamais vu aussi peu de pluie
La déshydratation a bloqué la croissance de ses fruits, qui « n’ont pratiquement pas grossi depuis deux mois ». Ils risquent de ne même pas être suffisamment charnus pour faire de la compote – ce qui permettrait de sauver une partie de la récolte, à un prix de vente moins élevé.
Cet arboriculteur « de père en fils, sur trois générations », n’a jamais vu aussi peu de pluie, environ 70 millimètres depuis le mois d’avril, trois fois moins que d’habitude dans le département.
Il irrigue le soir les pieds de ses arbres, au goutte-à-goutte
Face à la pire sécheresse qu’ait connue la France depuis 1959, des agriculteurs, du nord au sud du pays, ont interdiction d’arroser leurs cultures. Le bassin où se trouve Guillaume Seguin n’est pas concerné, donc il irrigue le soir les pieds de ses arbres, au goutte-à-goutte. Le long tuyau noir percé, qui serpente seulement sur certaines de ses parcelles, apporte environ 50.000 litres d’eau par jour.
Un terrain voisin de 4,5 hectares au sol sableux, calcaire, n’a pas pu être raccordé au réseau d’eau. S’y ajoute l’effet de la chaleur: les pommes aux couleurs encore claires y ont la peau brunie par les coups de soleil, malgré la fine pellicule blanchâtre de calcium pulvérisée et censée les protéger.
Une « demi-récolte » cette année
L’arboriculteur, qui enregistre autour d’un million d’euros de ventes chaque année avec ses 27 hectares de fruits et 300 hectares de céréales, n’espère pas plus qu’une « demi-récolte » cette année sur cette parcelle desséchée.
Quelques centaines de mètres plus loin, là où poussent les poires, les feuilles ont aussi commencé à noircir, à se recroqueviller et à joncher le sol, les arbres s’en délestant pour limiter l’évaporation.
Quand il manque d’eau ou « qu’il fait très chaud, l’arbre ne s’alimente plus, il ferme ses stomates – qui lui permettent de respirer et de faire la photosynthèse », et cesse de nourrir ses fruits, explique Guillaume Seguin.
Le printemps précoce a rendu son verger vulnérable aux coups de froid
La récolte fera aussi les frais d’une année marquée par une succession de calamités climatiques, dont le gel.
Arrivé avec trois semaines d’avance, le printemps précoce a rendu son verger vulnérable aux coups de froid, et les fleurs ont subi les gelées de la mi-avril, ce qui a perturbé la pollinisation.
Il montre ses poires Conférence déformées, allongées « en forme de bananes » et sans pépins à cause de la mauvaise pollinisation, que peu de primeurs voudront acheter.
L’arboriculteur ne sait pas s’il ne devra pas planter d’ici dix ans des pommes Pink Lady et Royal Gala, traditionnelles du Sud et mieux adaptées aux climats secs.
Creuser « de petits forages qui alimenteraient un bassin » en hiver
La sécheresse risque également de dégrader la floraison de l’année prochaine, car les arbres profitent de l’été pour emmagasiner des réserves pour leurs futurs boutons.
Sur #VillageSemence avec les @FruitsLegumesFR retrouvez Guillaume Seguin avec @lucieetkoi autour d’une belle corbeille de pommes ! pic.twitter.com/1xrVUNhTmh
— Valérie SENE (@SENEValerie) February 24, 2019
Pour poursuivre son activité, l’agriculteur envisage notamment de creuser « de petits forages qui alimenteraient un bassin » en hiver, en puisant dans les nappes phréatiques, une méthode de stockage de l’eau plébiscitée par les agriculteurs mais très critiquée par les associations de défense de l’environnement.
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