Gérald Darmanin a pris la parole jeudi pour la première fois depuis le début de la crise qui agite la police, disant comprendre la « colère » des policiers, au moment où leurs protestations, liées à l’incarcération de l’un des leurs, ralentissent l’activité judiciaire.
« On les insulte, on les vilipende et se rajoutent à cette fatigue une émotion, une colère, et pour beaucoup d’entre eux (…) une tristesse de ces procès d’intention, ces procès médiatiques », a lancé le ministre. « Je comprends cette émotion, je comprends cette colère, et je comprends cette tristesse », a-t-il insisté, à sa sortie du commissariat du XIXe arrondissement de Paris, juste avant de recevoir en soirée les représentants des syndicats Place Beauvau.
Il a cependant affirmé que « moins de 5% » des policiers s’étaient « mis en arrêt maladie ou ont refusé d’aller au travail », en signe de protestation. Depuis une semaine, la grogne s’est propagée dans les commissariats après être partie de Marseille où un agent de la Bac (Brigade anti-criminalité) a été incarcéré dans le cadre d’une enquête pour violences policières.
M. Darmanin était accompagné du préfet de police de Paris Laurent Nuñez et du patron de la police nationale Frédéric Veaux, dont les propos avaient provoqué un tollé chez les magistrats et la classe politique, quand il avait estimé qu’« avant un éventuel procès, un policier n’a pas sa place en prison ». « C’est un grand policier, un grand flic », a dit M. Darmanin de M. Veaux, « je le soutiens totalement ».
Sur la détention provisoire
M. Darmanin a ensuite eu une réunion d’une heure avec les représentants syndicaux à l’issue de laquelle ces derniers ont indiqué que le ministre avait été « plutôt à l’écoute » et qu’il s’était « engagé à avoir des pistes de réflexion sur la détention provisoire des policiers ».
« Il ne voit pas d’inconvénients en tout cas à travailler sur l’article 144 du code de procédure pénale qui est la détention provisoire afin qu’on mette une clause et que notamment les forces de l’ordre soient exclues de ce dispositif, dans l’exercice de leur mission bien évidemment », a assuré Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d’Alliance.
Cette proposition n’est « pas entendable » pour Anthony Caillé (CGT-Intérieur-Police), qui avait été interrogé jeudi matin sur Franceinfo. « Avoir une justice d’exception à l’endroit des policiers, ça n’est pas acceptable », « ce serait grave dans une république, une démocratie », avait dit ce syndicaliste.
Retour sur les faits
Le déclencheur du mouvement avait été l’incarcération d’un policier de la BAC, soupçonné d’avoir roué de coups un homme de 22 ans, avec trois autres collègues, dans la nuit du 1er au 2 juillet. Ces faits se sont produits lors des émeutes ayant embrasé le pays à la suite de la mort de Nahel, le 27 juin à Nanterre, qui, refusant d’obtempérer à un contrôle routier, a essuyé le tir d’un policier, également placé en détention provisoire.
La victime à Marseille, Hedi, avait expliqué dans La Provence avoir été passée à tabac, après avoir reçu un tir de LBD dans la tempe. Dans un entretien avec Konbini, mercredi, il apparaît avec « une partie du crâne en moins », raconte devoir marcher avec un casque et voir flou de l’œil gauche.
Les quatre policiers ont été mis en examen pour violences en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique avec usage ou menace d’une arme ayant entraîné une ITT (incapacité totale de travail) supérieure à huit jours. L’un d’eux a été incarcéré, ce qui a déclenché des protestations avec l’utilisation du code 562 – un service minimum assuré dans les unités – et des arrêts maladie.
Cela a entraîné un net ralentissement de l’activité dans certains des plus gros tribunaux de France cette semaine, une baisse à pondérer toutefois avec la relative accalmie qui s’est installée après les émeutes urbaines du mois dernier. En Seine-Saint-Denis, l’un des départements les plus pauvres et criminogènes du pays, le nombre de gardes à vue nocturnes tourne autour d’une quinzaine contre 35 à 70 habituellement. « Cela faisait longtemps qu’on n’avait pas vu cela en Seine-Saint-Denis », a déclaré à l’AFP le procureur de Bobigny Éric Mathais. Idem à Marseille où le nombre de défèrements est « historiquement bas », soit « 70-75% d’activité en moins », selon une source judiciaire locale. Et à Paris, ce volume a été divisé par deux à la section de permanence du parquet.
L’appel du policier de la Bac contre son placement en détention provisoire sera examiné le 3 août par la chambre de l’instruction à Aix-en-Provence.
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