Le nucléaire est un espoir pour le monde. Ia Aanstoot, 18 ans, en est convaincue. La jeune Suédoise et son association RePlanet confrontent aujourd’hui Greenpeace, en se rangeant aux côtés de l’Union européenne.. L’ONG a entamé des poursuites envers l’UE pour avoir inscrit le nucléaire sur la liste des financements de la transition climatique. Pour la compatriote de Greta Thunberg, fervente supportrice d’une industrialisation sauvant l’homme et la planète, Greenpeace vit dans le passé. Rencontre.
EPOCH TIMES: Pourquoi avoir pris parti, aux côtés de l’association RePlanet, au contentieux opposant Greenpeace à l’UE ? Pouvez-vous nous expliquer pourquoi est-ce important pour vous et pour l’association ?
IA AANSTOOT: En entrant dans ce procès en tant que partie, nous serons en mesure de fournir des témoignages d’experts et de suivre le procès de manière beaucoup plus détaillée que nous ne pourrions le faire si nous ne le faisions pas.
Également, la raison pour laquelle nous le faisons est que le maintien de l’énergie nucléaire dans la taxonomie décidée par l’UE est vraiment important. Le nucléaire représente plus d’un tiers de l’énergie propre dans l’UE. Il doit vraiment être préservé et un financement orienté vers le renouvelable n’aurait pas seulement un impact sur l’UE, mais aussi sur le soutien que l’UE apporte à d’autres nations, ce qui rendrait la transition pour le monde entier beaucoup plus difficile.
La Suède, championne des énergies renouvelables en Europe, soutient aujourd’hui un programme de construction de centrales nucléaires. Pouvez-vous expliquer la situation de ce pays et le choix expliquant ce tournant?
Actuellement, le gouvernement suédois est pro-nucléaire. Sous le mandat du précédent gouvernement, au cours des deux dernières années, nous avons fermé nos centrales nucléaires de façon prématurée. L’objectif du gouvernement actuel est d’une part d’arrêter cette démarche et d’autre part d’en construire de nouvelles. L’institut suédois de recherche sur la défense a réalisé une étude selon laquelle, pour devenir indépendante du pétrole, du charbon et du gaz russes, la Suède aurait besoin d’une production d’électricité supérieure de plus de 100 térawattheures à ce qu’elle est aujourd’hui. Nous savons donc que nous avons besoin de beaucoup d’électricité. Et nous n’avons pas la capacité de développer l’hydroélectricité parce que nous avons mis en fonctionnement toutes les centrales hydroélectriques qu’il était possible d’installer en Suède.
Nous ne pouvons pas non plus réellement utiliser l’énergie éolienne et solaire, car à partir de 30 % de production, le réseau devient trop instable. Ce qui signifie que nous allons devoir développer l’énergie nucléaire. Je pense que c’est ce que de nombreux gouvernements du monde entier sont en train de réaliser en ce moment.
Quelle est la position actuelle de l’opinion publique suédoise ? Le pays est-il divisé sur la question ?
D’un point de vue statistique, la majorité de la population suédoise est favorable à l’expansion de l’énergie nucléaire. Ce n’est toutefois pas très évident dans le débat public. Le débat public est encore très divisé, en grande partie parce que la faction anti-nucléaire est une minorité très bruyante.
La législation semble pourtant freiner le gouvernement suédois… Y a-t-il des obstacles à la réalisation de ce programme ?
Nous avons des lois très restrictives en raison des précédents gouvernements qui étaient contre le nucléaire. Le deuxième obstacle vient du fait que notre gouvernement actuel a une très faible majorité et que le parlement est encore très divisé sur le sujet. Et au-delà de cela, les réglementations qui autorisent l’expansion de l’énergie nucléaire en Suède sont obsolètes, elles sont faites pour la rendre en principe impossible.
Nous avons eu aussi une très forte perte de main d’œuvre qualifiée dans l’industrie. Durant les années 70, la Suède a développé son industrie nucléaire à grande échelle, mais maintenant cette main d’œuvre commence à partir à la retraite. Nous assistons donc à une perte substantielle de savoir-faire qui doit être résolue dans les années à venir si nous voulons voir une industrie nucléaire florissante… Je pense que c’est aussi le cas pour l’Europe dans son ensemble.
D’après l’auteur français Fabien Bouglé, Greenpeace a engagé une bataille contre le nucléaire Français. D’autres experts en France parlent de cette ONG comme d’un mercenaire anti-nucléaire. Quel est votre regard sur les actions de Greenpeace dans l’UE ?
Je pense que Greenpeace est une très grande organisation qui fait du bon travail en tant qu’organisation environnementale. Elle s’est cependant trompée sur ce point particulier. Je sais que la division allemande de Greenpeace a publié il y a quelque temps une déclaration disant que le charbon était un mal nécessaire, mais qu’elle continuait à se battre pour fermer les centrales nucléaires.
Il y a eu beaucoup de déclarations très bizarres de la part de Greenpeace sur le sujet de l’énergie en général. Je ne comprend pas vraiment où ils veulent en venir, ça me semble être une opposition très dogmatique à l’énergie nucléaire, à rebours de ce que dit la science.
D’après des articles de presse vous concernant, vous avez vécu au Kenya et avez complètement changé de point de vue quand vous étiez là-bas sur le rapport de l’homme à la nature, sur la théorie d’un retour à la nature prôné par beaucoup d’écologistes et sur la question de l’énergie. Pouvez-vous évoquer votre expérience ?
Le fait d’avoir grandi au Kenya m’a beaucoup appris sur les différences de situations de vie. Souvent, lorsque les gens parlent de réduire leur consommation d’énergie, ils donnent l’impression que c’est mal de posséder une deuxième voiture ou une troisième télévision… mais en réalité, la réduction de consommation d’énergie a toujours un impact global.
C’est vraiment un droit pour l’Afrique de pouvoir se développer, de s’industrialiser et de devenir un État jouissant de la qualité de vie moderne, comme les pays européens. Il est vraiment important de noter que ce dont l’Afrique a besoin n’est pas de l’énergie solaire pour l’éclairage nocturne des villes, mais suffisamment d’énergie pour alimenter sa propre industrie, pour raffiner ses propres ressources.
Je pense que c’est fondamentalement une question de solidarité de voir un Sud global prospère et industrialisé. Parce que l’énergie, c’est aussi la liberté: disposer de sources d’énergie, avoir la capacité de disposer d’un système de santé moderne, d’industrialiser et d’automatiser les travaux lourds, d’avoir un lave-vaisselle à la maison ou une machine à laver, etc. Ce n’est pas que la question de leur permettre d’atteindre un bon niveau de vie sans coûter trop cher à la planète, ces droits ne devraient pas être un compromis, ils devraient aller de pair.
Quand j’ai commencé à participer au mouvement pour le climat, il y avait beaucoup de pessimisme et de sentiment de crise, avec cette idée que “nous sommes condamnés”. C’est ce qui a porté mes recherches et mon intérêt sur l’énergie nucléaire. Je pensais qu’il devait exister une solution autre que tous se débrancher et de vivre dans nos petites fermes – parce que ce n’est pas réaliste.
Nous avons en Suède des groupes qui sont en faveur de l’énergie nucléaire et d’autres en faveur de l’énergie renouvelable. Nous avons les groupes qui sont traditionnellement pro-nucléaires dans la plupart des pays d’Europe et qui sont pro-nucléaires en Suède. Mais nous assistons à un changement massif et une grande partie de la gauche – le groupe de jeunes sociaux-démocrates, est récemment devenue pro-nucléaire. Nous assistons donc à un changement rapide qui, je l’espère, se poursuivra parce qu’il est vraiment important d’être unis sur ce sujet. Nous résoudrons la crise climatique si nous le faisons pour le bien de l’humanité et non juste pour celui de la planète.
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