La cérémonie du couronnement de Maha Vajiralongkorn, monarque imprévisible à la personnalité déroutante, a débuté samedi en Thaïlande, un symbole de stabilité dans un pays qui reste très divisé après les législatives de mars.
Monté sur le trône au décès de son père Bhumibol Adulyadej en 2016, son couronnement avait été retardé afin de pouvoir respecter une période de deuil en l’hommage du roi défunt. Peu avant 10H00 (03H00 GMT), le monarque est arrivé en présence de son épouse, la reine Suthida, une ancienne hôtesse de l’air épousée le 1er mai en quatrième noce.
La cérémonie, retransmise par les télévisions du pays et qui mêle rites bouddhistes et brahmanismes hérités de l’Inde, a débuté à 10H09 (03H09 GMT), une heure choisie avec soin en fonction des astres. Dans l’enceinte du Grand Palais de Bangkok, de l’eau bénite a été versée sur la tête du monarque, qui a troqué son habit militaire pour une tunique blanche. Plusieurs coups de canon ont été tirés.
Un peu, plus tard, assis sous une ombrelle blanche à neuf étages, symbole du caractère sacré de sa fonction, Maha Vajiralongkorn, 66 ans, devrait poser lui-même sur sa tête la « Grande Couronne de la Victoire », de plus de sept kilos, en émail dorée et pierres précieuses.
Aucune tête couronnée étrangère n’a été conviée, « comme le veut la tradition », a-t-on précisé au ministère des Affaires étrangères. De nombreux touristes et Thaïlandais, vêtus de chemise jaune, la couleur de la monarchie, ont afflué dès vendredi autour du palais. « Je suis heureux d’avoir la chance de faire partie de cela. Je suis ici aujourd’hui pour capturer les émotions des gens », a déclaré Jakarin Kerdchok, 16 ans.
Maha Vajiralongkorn, aussi connu sous le nom de Rama X, est le dernier descendant de la dynastie des Chakri, fondée en 1782. Ces cérémonies, qui vont se prolonger jusqu’à lundi, sont un événement inédit dans le royaume depuis le sacre de Bhumibol Adulyadej en 1950. Ce dernier, qui détenait le record de longévité des monarques en exercice après avoir régné 70 ans, a légué à son fils l’une des plus grosses fortunes royales mondiales.
Ce couronnement est l’occasion pour Maha Vajiralongkorn de s’afficher comme le garant de l’unité du royaume, qui a connu douze coups d’Etat depuis 1932, dont deux au 21e siècle. D’autant que la Thaïlande reste politiquement très divisée après les élections législatives du 24 mars, les premières depuis la prise du pouvoir par l’armée en 2014.
Plus d’un mois après le scrutin, les deux camps pro-junte et anti-junte revendiquent la victoire, cherchant à former une coalition pour obtenir une majorité à la chambre basse du Parlement. Et l’opposition dénonce de nombreuses fraudes. Les résultats définitifs ne seront connus qu’après les cérémonies du couronnement d’ici le 9 mai afin de garantir au maximum la stabilité du pays.
Pour Paul Chambers, spécialiste de politique thaïlandaise à l’Université de Naresuan, dans le nord du pays, ce sacre permet au moins momentanément « de détourner l’attention d’une partie de la population ». Maha Vajiralongkorn, monarque d’un pays où royauté et armée sont intrinsèquement liés, n’a pas attendu d’être couronné pour resserrer son emprise sur les affaires royales, prenant de court les observateurs qui le prédestinaient à régner sans beaucoup s’investir.
Le roi, qui a pris l’habitude de séjourner régulièrement en Bavière où il possède plusieurs résidences et aime à piloter son Boeing 737, est intervenu directement pendant la campagne des législatives. Il a opposé une fin de non-recevoir à la candidature de sa sœur aînée au poste de Premier ministre pour un parti dans l’opposition et apporté un soutien subliminal aux militaires.
En 2017, il a pris le contrôle direct du Crown property bureau (CPB), qui gère les dizaines de milliards d’actifs de la fortune royale, et s’est aussi opposé à plusieurs amendements constitutionnels qui auraient pu restreindre ses prérogatives. Les cérémonies se poursuivent jusqu’au 6 mai. Dimanche, un grand défilé sera organisé au cours duquel le roi sera transporté dans un palanquin doré porté par des soldats. Lundi, il paraîtra à l’un des balcons du Grand Palais et recevra en audience les diplomates étrangers.
D.C avec AFP
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