Les super-héros de l’histoire de France : les héros antiques

Par Ludovic Genin
24 février 2022 14:36 Mis à jour: 25 avril 2024 16:19

La France a cette particularité unique au monde d’avoir le mieux préservé son histoire, ses arts et sa littérature. Il est ainsi possible, à qui s’y intéresse, d’y trouver des trésors de culture et d’humanité. Les récits de nos innombrables héros y dépassent sans forcer les scénarios des plus grandes productions américaines. Les héros antiques français ont joué un rôle déterminant dans la fondation de la France, et plus de mille ans plus tard, leurs histoires continuent de nous inspirer.

LIRE : Les super‑héros de l’histoire de France : introduction

Les héros français légendaires

Nos héros légendaires remontent à des temps où les hommes côtoyaient des demi‑dieux et des créatures mythologiques. Jusqu’au début de la Renaissance, le peuple franc était considéré comme descendant du peuple troyen. Après leur défaite lors de la guerre de Troie, nos ancêtres ont fondé une nouvelle cité sur les bords du Danube, la Sicambrie. D’après cette légende, Francion ou Francus (« homme libre ») est un descendant du mythique roi Priam. Suite à une victoire brillante contre les Goths au début du millénaire, il a donné son nom au peuple sicambre, devenant le peuple franc.

Une partie de ses exploits est romancée dans l’épopée inachevée de la « Franciade » de Pierre de Ronsard : « Mais ce Francion, par hauteur de cœur, des ennemis sera toujours vainqueur. (…) Chef des Français, qui, pour la souvenance, d’un si grand prince, aura le nom de France. »

Un autre personnage antique a contribué à la fondation de la France, le roi légendaire Mérovée. Ancêtre des rois francs, grand‑père de Clovis, Mérovée est mi‑homme, mi‑divinité, né de la rencontre de sa mère avec une créature marine du dieu des océans. En 451, il contribue de manière décisive à la victoire des Champs Catalauniques contre Attila. Rien n’arrêtait pourtant le Fléau de Dieu qui ne laissait derrière lui que désordre et chaos et derrière qui « l’herbe ne repoussait pas ». Cette victoire réunit militairement pour la première fois les peuples de Gaule et les Romains et cet exploit de Mérovée restera dans l’histoire, donnant son nom à la première dynastie française, les Mérovingiens.

Les super‑pouvoirs des saints
Aux alentours du 3e siècle, un nouveau type de héros fait son apparition en France : le saint. Il coche toutes les cases du super‑héros: il défend le bien contre le mal, sauve les hommes et possède des pouvoirs surnaturels. Vivant à la fois dans la solitude et parmi les hommes, on fait appel à lui dans les situations les plus désespérées.

Le nombre de saints en France et leurs accomplissements sont tout simplement époustouflants et leurs histoires sont pour la plupart méconnues du grand public. Il fut pourtant un temps où le peuple français leur demandait assistance dans les moments difficiles et leur dévotion permettait une aide divine en retour.

« Saint Martin partageant son manteau avec un mendiant », huile sur toile de Louis Galloche (v. 1737, musée d’Art du comté de Los Angeles). (Domaine public) Selon la légende, le mendiant se révèle être Jésus dans un songe.

Parmi eux, saint Martin de Tours (316‑397) fut l’un des plus connus. Il est, avec l’Archange saint Michel, le saint patron de la France. Si l’on en croit les récits de Sulpice Sévère, écrits il y a 1700 ans, Martin avait des capacités extraordinaires sans rien avoir à envier aux héros des superproductions américaines. Selon sa légende, il pouvait commander aux bêtes les plus féroces, contrôler le feu et les tempêtes ainsi que faire revenir les morts parmi les vivants. Au cours de ses périples en Gaule, il aurait anéanti une quantité d’esprits démoniaques qui pullulaient alors en Europe. Saint Martin tenait ses capacités extraordinaires de la conviction que le bien est toujours plus grand que le mal et que la foi en Dieu sort toujours victorieuse de Satan.

Il a mené une vie d’ascèse spirituelle jusqu’à sa mort à 80 ans, passant son temps à veiller et prier dans la solitude. Il ne s’autorisait aucun confort matériel et dormait à même le sol sur une cilice. D’après Sulpice Sévère, Martin ne pouvait accepter plus de confort alors que son maître avait tant souffert pour apporter le salut aux êtres. « Tout son temps, en un mot, dont pas un instant n’était donné au repos ou aux affaires de ce monde, était entièrement consacré à l’œuvre de Dieu » peut‑on lire dans « La vie de saint Martin ».

Il est décrit comme quelqu’un de toujours calme, ne se mettant jamais en colère, d’une humeur égale en toutes circonstances, le visage toujours serein et bienveillant. Par son œuvre, il permit la transition de la Gaule des anciennes idoles barbares à une nouvelle civilisation française basée sur le catholicisme et la croyance en un dieu bienveillant.

Portrait de Geneviève, sainte patronne de Paris, devant l’hôtel de ville et l’île de la Cité, peint au 17e siècle. (Domaine public)

Dans l’antiquité tardive, les femmes ont aussi un destin extraordinaire. Comme saint Martin, sainte Geneviève (420‑512) a consacré sa vie aux êtres et au divin. Sainte protectrice de Paris, elle a contribué à la conversion du roi Clovis qui marqua le début de la civilisation française.

Dans le manuscrit biographique la « Vita », écrit quelques années après sa mort, on apprend que la sainte passait ses nuits à méditer et à prier et ses jours à servir les pauvres avec les revenus de ses terres, qu’elle administrait elle‑même. Elle avait comme saint Martin un régime alimentaire très frugal ponctué de périodes de jeûne. En 451, sa clairvoyance sauva Paris des hordes d’Attila qui préféra éviter la cité parisienne pour aller envahir Troyes et Orléans. Il y sera arrêté par les Romains aidés des Francs.

À plusieurs reprises, elle sut braver les éléments naturels de la Seine pour empêcher des bateaux chargés de nourritures de sombrer au fond des eaux. Sa foi faisait fuir les créatures abominables qui habitaient alors les eaux du fleuve et avait le pouvoir de calmer les tempêtes. La devise de Paris « Fluctuat Nec Mergitur » viendrait de ce don de la sainte à maîtriser les eaux tumultueuses de la Seine.

Les innombrables guérisons obtenues par Geneviève au cours de sa vie se poursuivront après sa mort autour de ses reliques. Jusqu’au 18e siècle, aussitôt qu’une épidémie frappe Paris, on sort en procession la châsse où repose son corps. Le Panthéon de Paris fut construit en son nom par Louis XV à la suite d’une guérison miraculeuse, église maintenant destinée aux grands hommes de la nation.

« Clovis et Clotilde », vue d’artiste d’Antoine-Jean Gros, Paris, Petit Palais, 1811. (Domaine public)

La naissance de la France : l’union d’un héros guerrier et d’une sainte

À la fin du 5e siècle, le jeune Clovis, descendant de Francion et de Mérovée, rencontre la très pieuse Clotilde. Cette rencontre changera le destin de la France. Sa foi, sa détermination et sa gentillesse impressionnent le jeune Clovis qui ira jusqu’à renoncer à ses coutumes barbares. Clotilde, reine des Francs, devint sainte quelques années après sa mort. Elle fait partie des saintes, telles Jeanne d’Arc et Geneviève, indissociables des fondations historiques de la France.

En 496, au cours de la difficile bataille de Tolbiac contre les Alamans, après avoir invoqué plusieurs fois ses anciens dieux, Clovis se souvient des paroles de sa femme et demande la victoire au « Dieu de Clothilde ». Aussitôt, la victoire lui revient. Le jeune roi n’oubliera jamais cette aide divine. Passant devant le tombeau de saint Martin à Tours, il sera le témoin d’une série de miracles inexplicables, il abandonnera alors définitivement ses anciennes coutumes barbares et devient le premier roi de France chrétien.

« Courbe‑toi, fier Sicambre, adore ce que tu as brûlé, brûle ce qui tu as adoré » lui dira saint Rémi lors de son baptême. Selon la légende, une colombe blanche, représentant l’Esprit Saint, serait descendue du ciel pour apporter une huile sacrée utilisée depuis lors pour le baptême des rois de France. Elle symbolisera le lien intrinsèque de la France avec sa mission divine et le début des premières dynasties françaises.

À ce moment clé de l’histoire de France, saint Rémi donne pour mission au roi Clovis de protéger le faible et le sacré, de repousser les tyrans. Des valeurs profondément inscrites dans l’héroïsme français. Clovis unifiera les différents royaumes chrétiens et barbares de la Gaule autour de l’héritage de Rome et de l’Église et marquera pour la France la transition entre le temps des légendes et des demi‑dieux, et le temps des rois et des chevaliers.

Les aspirations plus grandes du peuple français

Plus on s’intéresse aux 1500 ans de l’histoire française, plus on y trouve de nouveaux exemples de héros, de rois, de saints et de chevaliers qui ont donné un sens plus élevé à notre conception de l’humanité et de la civilisation. Ces héros ont un socle commun, une promesse millénaire caractéristique de la culture française et de toutes les cultures traditionnelles. Elle montre la grandeur et le destin d’un pays incarnés par un homme ou par une femme, comme il pourrait l’être par chacun.

À chaque nouvelle époque, de nouveaux héros apparaissent pour défendre ce lien sacré de la France avec le divin et l’humanité. Ces héros n’ont pas disparu, ils font partie de notre héritage matériel et immatériel et nous donnent encore aujourd’hui des aspirations plus profondes pour comprendre notre humanité.

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