Le 14 janvier, en réponse à la dernière vague de coupures de câbles sous-marins qui seraient liées à des actes de sabotage russes et chinois, les responsables de l’OTAN se sont rencontrés avec ceux des États baltes et ont lancé une opération multidomaine baptisée Baltic Sentry. Des frégates, des avions de patrouille maritime et une flotte de drones navals doivent renforcer la surveillance et la dissuasion dans la zone de la mer Baltique. Aussi louable que soit cette initiative, il ne sera pas facile d’attraper les saboteurs.
Le jour de Noël 2024, la marine finlandaise a pris en flagrant délit Eagle S, un pétrolier délabré immatriculé dans les îles Cook, grâce à une combinaison de compétence et réaction rapide. L’ancre du navire a été trouvée au bout d’une très longue trace qu’il a laissée sur le fond marin. Les huit membres d’équipage ont été mis sous enquête et interdits de quitter la Finlande.
Le pétrolier ferait partie de la flotte fantôme de navires transportant du pétrole et des produits pétroliers russes soumis à un embargo depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Le cas de Eagle S est inhabituel car, dans la plupart des cas, les dommages causés aux câbles ne sont découverts que lorsque l’auteur de l’infraction a déjà quitté les lieux. La question de savoir qui est responsable de la série d’explosions et de fuites qui a rendu le gazoduc Nord Stream inopérant en 2022 n’est toujours pas résolue. Toutefois, il est bien connu que la Russie a cartographié des infrastructures occidentales vitales pour l’approvisionnement énergétique et de télécommunications.
Lors d’un incident survenu en 2023, le porte-conteneurs Newnew Polar Bear, immatriculé à Hong Kong, a été accusé d’avoir endommagé le gazoduc Baltic Connector, reliant l’Estonie avec la Finlande, ainsi que deux câbles sous-marins entre l’Estonie, la Finlande et la Suède – et ce, en traînant son ancre sur le fond marin dans le golfe de Finlande. Le navire est reparti immédiatement pour la Chine sans avoir fait l’objet d’une enquête.
Comme l’a fait remarquer à ce sujet avec ironie Anders Adlercreuz, ministre finlandais des Affaires européennes, il est difficile de croire qu’un capitaine de navire n’ait pas remarqué que son navire traînait derrière lui une ancre de 600 kg « sur des centaines de kilomètres ». L’ancre a été découverte à quelques mètres du lieu du délit.
Quant à savoir si cet acte a été approuvé par Pékin, le ministre a ajouté que si, en tant que capitaine, il faisait quelque chose que le régime chinois n’approuvait pas, il se serait bien inquiété avant de retourner avec son bateau en Chine.
Lors d’un incident ultérieur, survenu en novembre dernier, un cargo chinois a coupé deux câbles sous-marins à fibre optique reliant la Lituanie à la Suède et la Finlande à l’Allemagne. Pékin a retardé l’émission de l’autorisation nécessaire aux enquêteurs européens pour monter à bord du navire, ne les autorisant finalement à le faire que s’ils étaient accompagnés par des fonctionnaires chinois.
L’opération Baltic Sentry ne concerne actuellement que les huit pays riverains de la mer Baltique. Le secrétaire général de l’OTAN, Mark Rutte, est toutefois conscient que la vulnérabilité de câbles est un problème mondial et que, par conséquent, d’autres États devraient également être impliqués. En effet, ces incidents peuvent être considérés comme une variante moderne de la piraterie sponsorisée par l’État, ainsi que comme une forme de guerre hybride capable de faire beaucoup de dégâts sans recourir à des moyens cinétiques provoquant des dégâts matériels ou humains.
Les dégâts potentiels sont considérables : plus de 95 % du trafic sur Internet est assuré par des câbles sous-marins – ces 1,3 million de kilomètres de câbles transmettent quotidiennement des transactions financières d’une valeur estimée à 10.000 milliards d’euros. S’il est possible de rediriger le trafic et de réparer les pipelines, cela est compliqué et peut coûter des millions d’euros.
Dans le cas de 2023, la société finlandaise Gasgrid Finland et l’opérateur du système gazier estonien Elering ont été contraints d’interrompre leurs activités, déconnectant ainsi un lien crucial entre les marchés gaziers nordique et balte pendant plusieurs mois. Six mois plus tard, après plusieurs millions d’euros de réparations, la connexion a été rétablie.
Bien que la Chine et la Russie aient toutes deux nié être impliquées, des navires des deux pays ont été aperçus en train de sillonner les lieux avant que ces incidents ne surviennent, créant au moins l’apparence d’une relation de cause à effet.
Un examen des demandes de brevets en langue chinoise par le magazine Newsweek a révélé que des ingénieurs chinois ont créé des appareils permettant de sectionner les câbles rapidement et à peu de frais. L’explication donnée que de tels appareils étaient nécessaires pour retirer les câbles illégaux en Chine a été qualifiée « d’absurde » par un expert norvégien qui a requis l’anonymat en raison du caractère « sensible » de la question. « Parce que ces appareils fonctionnent d’une manière aléatoire et pourraient également endommager des câbles utiles », a-t-il précisé.
Interrogé sur ces incidents, Liu Pengyu, porte-parole de l’ambassade de Chine à Washington, a répondu que la « position de principe de la Chine sur les câbles sous-marins » était de « les protéger communément et de travailler ensemble sur la construction d’une communauté d’avenir commun dans le cyberespace ».
Taïwan, qui subit des pressions de plus en plus fortes pour être rattachée à la Chine communiste et à quoi déclarent s’opposer plus de 90 % de ses citoyens, est une cible fréquente de ce genre de sabotage.
En 2023, à quelques jours d’intervalle, deux câbles Internet sous-marins reliant à Taïwan ses îles périphériques de Matsu ont été coupés. L’un a été coupé par un bateau de pêche chinois et l’autre par un cargo chinois, ce qui a fait craindre qu’il s’agisse d’un avertissement aux autorités taïwanaises quant à la vulnérabilité du pays. Bien que la communication ait été rétablie par la suite, la perturbation temporaire de l’industrie de la pêche des îles a été bien coûteuse : les clients n’ont pas pu passer de commandes pour leurs produits hautement périssables. Plus inquiétant encore, les experts ont estimé que cette interruption avait fourni à Pékin des renseignements très importants.
Au début de l’année 2025, les garde-côtes taïwanais ont découvert le cargo battant pavillon camerounais mais appartenant à la Chine – dénommé à ce moment Shunxing 39 – en train de traîner son ancre en endommageant un câble sous-marin international au nord-est de Taïwan. Le signal du système d’identification automatique du navire, qui sert à indiquer sa position, avait été désactivé. Il est difficile à dire si c’était la mer agitée ou un excès de prudence qui a empêché les garde-côtes taïwanais de monter à bord du cargo qui a pu quitter les lieux et poursuivre sa route jusqu’à Busan, en Corée du Sud.
S’il arrive que des câbles sous-marins soient sectionnés accidentellement, il est très peu probable que ce soit le cas lors de ce dernier incident. Selon le directeur adjoint du ministère taïwanais du Numérique, il aurait fallu qu’un navire jette accidentellement son ancre sur le câble, puis mette accidentellement le moteur en marche en étant ancré et puis, même en s’étant rendu compte qu’il était ancré, continue à faire tourner son moteur jusqu’à ce que le câble soit coupé. Shunxing 39 a navigué au cours des six derniers mois sous au moins deux noms, deux pavillons différents et six numéros d’identification différents.
À part une surveillance étroite, on ne voit pas bien ce qu’il est possible de faire pour empêcher le sabotage des câbles sous-marins. En vertu des règles maritimes internationales, à moins que le navire ne se trouve dans les eaux territoriales d’un pays et que les dommages se produisent également dans les eaux territoriales, les options d’un pays se limitent essentiellement à des protestations. Dans ce cas, l’auteur présumé du sabotage est susceptible de nier toute implication.
Modifier les lois internationales pour permettre l’embarquement des enquêteurs dans les eaux internationales serait difficile en toutes circonstances, d’autant plus que les deux principaux auteurs des délits – la Chine et la Russie – détiennent un droit de veto au sein du Conseil de sécurité des Nations unies. En outre, les câbles peuvent également être coupés par des sous-marins sans équipage. Taïwan serait en train de considérer des moyens de détection alternatifs du sabotage allant des satellites en orbite basse aux micro-ondes.
Même si tous les câbles sous-marins pouvaient être sécurisés, les infrastructures terrestres ne le sont pas. La Chine et la Russie disposent de moyens de saboter ces infrastructures dans de nombreux pays, ciblant tout d’abord l’Amérique en tant que première puissance occidentale. Par exemple, dans une interview accordée en janvier 2025 à l’émission 60 Minutes, le directeur du FBI américain Christopher Wray a qualifié la Chine de menace déterminante pour notre génération en constatant que le régime chinois avait infiltré les infrastructures critiques des États-Unis, y compris les pipelines. Le régime s’est déjà procuré des moyens lui permettant de saboter les systèmes de transport et du traitement de l’eau, le réseau électrique et des télécommunications, et n’attend que le moment opportun pour agir.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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