La reine Victoria a décrit Arthur Wellesley, 1er duc de Wellington (1769-1852), comme « le plus grand homme que ce pays ait jamais produit ». Héros militaire, le duc est un élément indélébile de l’identité britannique. Commémoré par la sculpture et la peinture, son portrait le plus célèbre est celui de l’artiste espagnol Francisco de Goya, réalisé à l’huile sur bois. Comme il sied à une icône de l’histoire britannique, Le Duc de Wellington avait rejoint la collection de la Galerie nationale, à Londres, en 1961. Exposé au début du mois d’août de cette année-là, il a été volé 19 jours plus tard.
Ce vol, l’un des plus déroutants du XXe siècle, a passionné la nation. Une image de l’œuvre est même apparue dans l’antre du méchant, dans le film de James Bond, Dr. No. Heureusement, l’œuvre a été retrouvée intacte en 1965, et l’histoire compliquée de sa localisation a fait l’objet d’un film, The Duke, en 2020.
Le duché de Wellesley
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Arthur Wellesley est né à Dublin, sixième des neuf enfants d’une famille aristocratique anglo-irlandaise. Il a fréquenté brièvement la célèbre école d’Eton avant que la mort de son père n’entraîne des difficultés financières. Arthur a terminé sa scolarité sur le continent, mais on lui prêtait un potentiel limité et un avenir peu prometteur.
Sa mère estimait qu’il devait suivre une voie militaire et, en 1787, il s’est donc engagé dans l’armée britannique. Après avoir passé du temps en Europe, il a participé à des batailles militaires en Inde, où il a acquis une expérience de première main en matière de stratégie, de discipline, de diplomatie et de collecte de renseignements, des compétences qui allaient devenir une seconde nature au cours des guerres napoléoniennes.
Malgré des débuts difficiles, la célébrité d’Arthur Wellesley s’est accrue grâce à ses victoires lors de la guerre péninsulaire (1808-1814), une série de batailles visant à déloger les forces d’occupation napoléoniennes de la péninsule ibérique. En récompense, il a reçu un titre de noblesse britannique, devenant d’abord vicomte puis comte au fil des conflits. Napoléon abdique pour la première fois en 1814, et M. Wellesley est promu au rang le plus élevé de la noblesse en recevant un duché. Lorsque Napoléon est revenu au pouvoir après son exil sur l’île d’Elbe, M. Wellesley s’est vu confier le commandement des forces alliées contre les Français.
Ainsi, les guerres napoléoniennes ont pris fin avec la victoire de M. Wellesley à la bataille de Waterloo, qui a définitivement vaincu Napoléon. Par la suite, M. Wellesley a été premier ministre pendant deux mandats et, à sa mort, il a eu droit à des funérailles nationales et a été enterré dans la cathédrale Saint-Paul.
Le profil de trois quarts de M. Wellesley a été peint par Francisco de Goya après la libération de Madrid par le duc au cours de l’été 1812.
Le célèbre peintre de la cour d’Espagne
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Francisco de Goya (1746-1828) est le plus grand peintre espagnol de la fin du XVIIIe siècle. Né d’un père doreur et d’une mère issue d’une famille noble en difficulté, il a gravi les échelons sociaux pour devenir un peintre de cour mondialement connu.
À l’âge de 14 ans, Goya a été mis en apprentissage auprès d’un peintre, puis a déménagé à Madrid pour poursuivre ses études. Après son mariage, il est devenu le beau-frère de Francisco Bayeu, le principal artiste de la cour espagnole de l’époque. La nouvelle relation de Goya l’aide à obtenir un poste à la manufacture royale de tapisseries et, dès lors, sa carrière est sur une trajectoire ascendante.
L’artiste était un génie dans plusieurs domaines, notamment la peinture, le dessin et la gravure. Malgré la diversité de ses centres d’intérêt, il est surtout connu pour ses portraits, en particulier ceux d’aristocrates et de rois. Francisco de Goya a été le peintre de la cour de trois rois d’Espagne : Charles III, Charles IV et Ferdinand VII. Pendant l’occupation de l’Espagne, Goya a peint un certain nombre de dirigeants français, mais après la libération, il a commémoré la résistance espagnole et les représailles françaises dans une série de tableaux. Il a passé ses dernières années à Bordeaux, en France.
Le duc de Wellington
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Le portrait le plus célèbre des libérateurs de l’Espagne réalisé par Goya est Le Duc de Wellington, daté de 1812 à 1814. Il s’agit d’un mariage parfait entre l’artiste le plus connu et le héros militaire le plus célèbre. Outre cette œuvre, Goya a également dessiné le duc comme esquisse préparatoire à un grand portrait équestre. Les spécialistes pensent que Goya a peint l’œuvre de la Galerie nationale d’après nature même s’il a fait des modifications ultérieures, qui ont changé la pose de M. Wellesley, et inclus des médailles et des ordres militaires nouvellement décernés.
Le Duc de Wellington de Goya est un portrait en demi-longueur, dont la composition est simple, montrant M. Wellesley dans une pose droite. Il se trouve devant un fond sombre sans fioritures, qui guide le spectateur vers le visage du grand homme et son uniforme militaire pourpre. Il est intéressant de noter que l’expression de son visage n’est pas victorieuse. Il semble sérieux et stoïque, et la Galerie nationale note qu’il a l’air fatigué par la bataille.
Alors que certains conservateurs suggèrent que Goya a peint le tableau avec beaucoup de rapidité et d’énergie, d’autres historiens pensent que la couche d’apprêt brune exposée a été voulue par l’artiste pour créer un contraste plus fort. Bien que les décorations de M. Wellesley aient été réalisées à l’aide d’un pinceau libre, elles sont toujours identifiables : sur sa poitrine figurent les insignes de l’Ordre du Bain (en haut), du San Fernando d’Espagne (en bas à dr.), et de la Tour et de l’Épée du Portugal (en bas à g.). Goya a dû procéder à des ajustements, notamment en déplaçant certains boutons et médailles en or, pour inclure la ceinture bleue de la Tour et de l’Épée en travers de l’épaule droite et la ceinture rose de l’Ordre du Bain par-dessus.
Plus tard, Goya a ajouté l’Ordre de la Toison d’Or autour de son cou et la Croix d’Or militaire avec une broche à trois fermoirs et un lion en son centre, suspendue à un ruban rose et bleu.
Le grand vol
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Le portrait a connu une aventure intéressante après être sorti des mains de son premier propriétaire, le duc de Wellington. Il a fini dans la collection du duc de Leeds et est resté dans la famille jusqu’à ce que John Osborne, 11e duc de Leeds, le vende à Sotheby’s en 1961 au collectionneur américain vorace, Charles Wrightsman, pour 140.000 livres, soit 2 millions de livres en monnaie d’aujourd’hui (environ 2,4 millions d’euros). Cependant, le gouvernement britannique ne voulait pas qu’une œuvre d’art aussi historique quitte le pays. Le Trésor britannique, en collaboration avec l’organisation caritative Wolfson Foundation, s’est aligné sur l’offre gagnante de l’enchère et a obtenu l’œuvre pour le pays. Le portrait de Goya est devenu célèbre dans tout le pays, attirant les foules lors de son exposition à la galerie.
Cependant, le matin du 21 août 1961, le portrait a disparu. Aucune preuve n’a été trouvée sur les lieux pour désigner l’auteur du crime, et la police était désemparée. Les spéculations vont bon train, avec des théories telles qu’un cerveau criminel, un voleur d’art professionnel, un aristocrate audacieux et un gang.
Personne n’a jamais pensé que Le Duc de Wellington vivait dans une armoire à Newcastle upon Tyne, dans la résidence municipale (logement public britannique) de Kempton Bunton. M. Bunton était un chauffeur de bus à la retraite, un excentrique local et un activiste. L’une de ses causes favorites était de protester contre la redevance télévisuelle annuelle en Grande-Bretagne. Il estimait qu’elle était trop élevée, en particulier pour les personnes âgées, les vétérans et les pauvres. Il a d’ailleurs été condamné à trois courtes peines de prison en 1960 pour avoir refusé de payer sa propre redevance.
En mai 1965, M. Bunton a renvoyé le tableau de manière anonyme. Six semaines plus tard, il s’est rendu à New Scotland Yard et a avoué être le voleur. Il a profité de son procès et de l’attention médiatique qu’il avait suscitée pour dénoncer la redevance télévisuelle. M. Bunton a été condamné à trois mois de prison, mais pas pour le vol, puisqu’il avait rendu le tableau. Il a été reconnu coupable d’avoir volé le cadre du tableau, qui avait été perdu.
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Lors de son procès, M. Bunton a expliqué qu’il désapprouvait le fait que le gouvernement avait dépensé une telle somme pour un seul tableau. Il a expliqué au tribunal comment il avait réussi à s’emparer de l’œuvre.
En visitant la galerie tôt le matin, il avait remarqué qu’une échelle avait été laissée dans la rue par des ouvriers travaillant à des travaux de rénovation. Il a utilisé cette échelle pour accéder à une fenêtre non verrouillée dans les toilettes pour hommes. Le timing était parfait, puisque le système d’alarme était éteint tous les matins à l’arrivée du personnel de nettoyage.
Un rebondissement inhabituel
Mais ce n’est pas tout. En 2012, le gouvernement britannique a révélé un rebondissement dans le vol du tableau de Goya. Les Archives nationales ont rendu public un dossier contenant les aveux de John Bunton, le fils de M. Bunton, datant de 1969. C’est lui qui est le véritable coupable. Le jeune Bunton avait déjà été arrêté et ses empreintes digitales avaient été relevées pour un délit mineur. Craignant que la police ne dispose de ses empreintes pour le vol de Goya (ce qui n’était pas le cas), John a admis que c’était lui, et non son père, qui avait commis le crime.
Ce scénario était logique pour la police : sa jeunesse et son agilité faisaient de lui un candidat plus apte à entrer et sortir du bâtiment par une fenêtre que son père, âgé et de forte corpulence. John a révélé qu’il n’avait pas prémédité son geste, qu’il l’avait fait sur un coup de tête vers 5 h 50 du matin. Après cet aveu, il a été jugé trop compliqué et trop embarrassant de poursuivre le fils et d’accuser le père de parjure, de sorte que l’affaire enterrée pendant des décennies.
Le duc de Wellington est l’une des plus grandes figures militaires de l’histoire. Il a parcouru le monde, se livrant à des exploits dont l’éclat et la bravoure sont aujourd’hui légendaires. Le portrait de Goya le montre non seulement comme un chef adulé, mais aussi comme un être humain vulnérable et fatigué. Le tableau, dont il est le sujet, reste une œuvre renommée et profonde en soi.
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