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Écriture inclusive: Emmanuel Macron s’en inquiète, le Sénat vote pour l’interdire

octobre 31, 2023 11:10, Last Updated: octobre 31, 2023 11:48
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« Idéologie mortifère » ou « chemin vers l’égalité » ? Le Sénat a voté lundi pour une interdiction très large de l’écriture inclusive après des discussions animées, encouragé par Emmanuel Macron qui a dit craindre de voir la langue française « céder aux airs du temps ».

Au jour de l’inauguration par le président de la République de la Cité internationale de la langue française dans le château restauré de Villers-Cotterêts, le hasard du calendrier a donné un certain écho aux travaux de la chambre haute. Les sénateurs ont adopté à 221 voix contre 82 une proposition de loi de la droite visant à « protéger » le français « des dérives de l’écriture dite inclusive ».

Son périmètre est grand : elle prévoit en effet de bannir cette pratique « dans tous les cas où le législateur (et éventuellement le pouvoir réglementaire) exige un document en français », comme les modes d’emploi, les contrats de travail, les règlements intérieurs d’entreprise. Sont également visés les actes juridiques, qui seraient alors considérés comme irrecevables ou nuls si le texte venait à devenir loi, ce que rien n’assure actuellement car son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale est loin d’être garantie.

Des néologismes affaiblissant la langue française

Dans l’Aisne, Emmanuel Macron avait donné le ton à la mi-journée, défendant « les fondements » de la langue, « les socles de sa grammaire, la force de sa syntaxe » et invitant à « ne pas céder aux airs du temps ». « Dans cette langue, le masculin fait le neutre, on n’a pas besoin d’ajouter des points au milieu des mots, ou des tirets, ou des choses pour la rendre lisible », avait ajouté le chef de l’État dans une offensive peu masquée envers le fameux « point médian » – comme dans « sénat.rice.s » –, l’un des pans de l’écriture inclusive.

Le texte de la sénatrice Les Républicains Pascale Gruny s’y attaque frontalement mais il va plus loin : il interdit aussi les « mots grammaticaux » constituant des néologismes tels que « iel », une contraction de « il » et « elle », ou « celleux », contraction de « celles » et « ceux ». « L’écriture inclusive affaiblit la langue française en la rendant illisible, imprononçable et impossible à enseigner », a attaqué Mme Gruny, son collègue Étienne Blanc dénonçant lui une « idéologie mortifère ».

Les bancs écologiste et socialiste ont répondu par de l’indignation : « La droite sénatoriale nous inflige ses lubies rétrogrades et réactionnaires », s’est offusqué le sénateur socialiste Yan Chantrel. « Vouloir figer la langue française, c’est la faire mourir ». « Quand on parle de l’écriture inclusive, on parle du chemin vers l’égalité femmes-hommes », a plaidé l’écologiste Mathilde Ollivier.

Ce débat clivant a même dépassé le Palais du Luxembourg. La présidente du Rassemblement national Marine Le Pen a expliqué sur le réseau X (ex-Twitter) vouloir « protéger » la langue française « contre le wokisme dont l’écriture inclusive est une sinistre et grotesque manifestation ». « La langue française est une créolisation réussie » et elle « appartient à ceux qui la parlent ! », lui a rétorqué Jean-Luc Mélenchon, leader de la France insoumise.

Désaccords sur l’utilisation de la « double flexion »

L’écriture « dite inclusive » désigne selon le texte du Sénat « les pratiques rédactionnelles et typographiques visant à substituer à l’emploi du masculin, lorsqu’il est utilisé dans un sens générique, une graphie faisant ressortir l’existence d’une forme féminine ». Peu convaincue, la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak a jugé quelques mesures « excessives » sur l’extension aux contrats privés, et estimé que le « rôle » de l’État et du législateur n’était « pas d’être une police de la langue mais de garantir l’égalité devant la langue ».

Tout en prenant soin de s’adresser à « Madame le sénateur Gruny », elle a rendu un « avis de sagesse » sur le texte du Sénat, ni favorable ni défavorable, rappelant que deux circulaires encadrent déjà cette pratique dans les textes publiés au Journal officiel (circulaire d’Édouard Philippe en 2017) et dans l’enseignement (circulaire de Jean-Michel Blanquer en 2021).

Les débats ont révélé plusieurs désaccords. La droite assure par exemple qu’il resterait possible d’utiliser la « double flexion » qui vise à décliner le pendant féminin d’un mot, comme « les sénateurs et les sénatrices » au lieu de « les sénateurs ». Ce que la gauche réfute. M. Chantrel a lui estimé que la rédaction actuelle du texte rendrait caduques toutes les pièces d’identité éditées sous l’ancien format, où figure la mention « né(e) le » pour la date de naissance. Ce que la droite a nié. Irréconciliables…

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