Plusieurs baies bretonnes dont celle de Saint-Brieuc sont de nouveau envahies d’algues vertes alors que s’ouvre la saison estivale. Cinquante ans après leur apparition, les marées vertes suscitent toujours la colère et des associations réclament des mesures plus contraignantes.
« Cette année, les algues vertes sont arrivées avec six semaines d’avance et six plages sont fermées », a relevé jeudi devant la presse André Ollivro, coprésident de l’association Halte aux marées vertes (HMV).
Ces algues libèrent en se décomposant du sulfure d’hydrogène (H2S), gaz potentiellement mortel. Moins de 5% du littoral breton est toutefois concerné par ce fléau, documenté dès 1971 et qui a culminé dans les années 2000.
La baie de Saint-Brieuc, vaste et peu profonde, concentrait mi-juin 70% des surfaces d’échouages du littoral breton, selon Sylvain Ballu, chercheur au Centre d’étude et de valorisation des algues (Ceva).
Confrontée à l’arrivée massive d’algues déjà putréfiées, chargées en H2S, l’usine de valorisation de Launay-Lantic a dû stopper en urgence les arrivages mercredi, les riverains se plaignant d’odeurs insoutenables.
#Bretagne #Fouesnant plage du Cap-Coz , les tracteurs enlèvent une (mince) couche d’ algues vertes …On me dit qu’un arrivage ancien d’algues vertes a été recouvert de sable et serait entré en putréfaction. Il a fallu les désensabler avant de les disperser et les enlever pic.twitter.com/Xb8LEkN8lp
— courttarin (@courttarin) 26 juin 2019
Conséquence de la présence dans les cours d’eau de nutriments dont se nourrissent les algues, notamment d’azote, utilisé en agriculture (engrais et déjections animales), les algues se transforment en marées vertes dans certaines baies grâce à des conditions météorologiques et topographiques favorables.
En cause, des milliers de fragments d’algues insuffisamment dispersées en hiver, un printemps lumineux et chaud, puis de fortes précipitations en juin qui ont fait grimper le débit des cours d’eau, donc l’apport de nitrates.
« Depuis 10-15 ans », il y a une « très nette » baisse de la concentration en nitrates des cours d’eau, mais, souligne Sylvain Ballu, « les nappes phréatiques mettent des années à se décharger des nitrates ».
Pour éviter les accidents, des maires ont fermé leurs plages, comme à Hillion (Côtes d’Armor). « Pour les marées noires, les moyens techniques sont importants, mais quand il s’agit de marées vertes, on ramasse encore au tracteur comme nos grands-parents », dénonce le maire Mickaël Cosson, qui préconise un ramassage « en mer ».
C’est à proximité d’une des plages d’Hillion qu’un joggeur avait été retrouvé mort en septembre 2016 dans une vasière. L’enquête avait été classée sans suite en avril 2017.
Mais les élus rechignent à investir pour un phénomène qu’ils entendent voir disparaître, préférant travailler en amont sur les flux d’azote.
Interrogé, le président de région Loïg Chesnais-Girard juge « considérables » les efforts des agriculteurs depuis 30 ans, tout en évoquant, à Saint-Brieuc, « un relâchement » de la part de certains.
Reste que les algues sont aussi de retour dans le Finistère, selon l’association Eau et Rivières de Bretagne, qui réclame « des « mesures d’urgence contraignantes », comme l’abaissement du plafond de fertilisation azotée des parcelles dans les zones sensibles.
« Le volontariat a montré ses limites. Il faut contrôler et sanctionner ceux qui ne respectent pas les règles », a renchéri jeudi André Ollivro.
« On peut respecter la réglementation et générer malgré tout des pollutions« , remarque toutefois Sylvain Ballu, évoquant « des systèmes agricoles éprouvés qui génèrent intrinsèquement des pollutions par les nitrates ».
De plus, « dans certains secteurs sensibles, même 20 mg de nitrates par litre peuvent provoquer des marées vertes« , poursuit-il, la norme pour la potabilisation de l’eau étant de 50mg/l.
Sur le terrain, certains élus s’avouent désemparés, comme Jean-Luc Barbo, président de la commission locale de l’eau à Saint-Brieuc pour qui « les derniers milligrammes de nitrates sont les plus difficiles à gagner ». « Les quelques agriculteurs qui font des erreurs ne suffisent pas à expliquer les problèmes », assure-t-il, questionnant l’impact du changement climatique mais surtout « le relâchement des décideurs politiques, économiques et administratifs ».
Il préconise « un vrai changement de l’agriculture », rejoint par « Halte aux marées vertes », qui appelle à une « révolution agricole ».
Complètement inattendu : Aujourd’hui le conseiller régional de Bretagne Thierry Burlot est venu nous féliciter pour notre livre « Algues vertes… » et a souhaité être pris en photo avec nous ! pic.twitter.com/EmGg0QacGA
— Inès Léraud (@InesLeraud) 26 juin 2019
Pour Inès Léraud, autrice d' »Algues vertes, l’histoire interdite », « les agriculteurs seuls n’ont aucun pouvoir« , soulignant que les plans Algues vertes « n’associent pas les vrais décideurs, comme les dirigeants du monde agricole ».
D. S avec AFP
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