ANALYSES

En déficit excessif, le gouvernement veut financer le réarmement européen avec l’épargne des Français

mars 9, 2025 17:53, Last Updated: mars 9, 2025 21:52
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Réarmer la France sans affaiblir les finances publiques déjà exsangues, voilà le nouveau casse-tête sur lequel le gouvernement se heurte suite aux déclarations d’Emmanuel Macron le 5 mars sur « la menace » d’une Russie à « nos frontières ».

Alors qu’un processus de paix est en cours de négociation par les États-Unis et qu’aucune stratégie militaire commune ne s’est encore dégagée en Europe, le gouvernement français veut investir dans le réarmement européen, pour peser dans la mise en place d’un éventuel cessez-le-feu.

Pour y arriver, le Premier ministre François Bayrou assure ne pas vouloir augmenter les impôts ni creuser le déficit public, mais s’appuyer sur l’épargne des Français ou sur un emprunt national.

Depuis une semaine, plusieurs membres du gouvernement, dont le Premier ministre et le ministre de l’Industrie Marc Ferracci, évoquent dans les médias la possibilité d’un emprunt national ou d’une réorientation de l’épargne des Français vers les industries de la défense.

Une manière de prendre le pouls de l’opinion publique avec un épisode budgétaire déjà tendu en 2025.

La France en déficit excessif

Le déficit public de 2024 devrait atteindre 6,1 % du PIB, un dérapage pour la deuxième année consécutive qui vaut à la France d’être épinglée par Bruxelles pour déficit excessif.

Fin septembre 2024, la dette publique atteignait 113,7 % du PIB, soit 3303 milliards d’euros, faisant de la France le pays affichant le ratio d’endettement le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce et l’Italie.

Lors du vote du budget du gouvernement Bayrou début février, 27 milliards de prélèvements obligatoires avaient été ajoutés, soutenus essentiellement par les entreprises et les hauts revenus, alors que les coupes budgétaires sur l’État et ses 438 agences – qui coûtaient 81 milliards d’euros en 2023 – ont été vues à la baisse.

Une levée d’épargne des Français sur une base volontaire ou forcée

François Bayrou a affirmé le 7 mars qu’un emprunt national était une « possibilité », mais que la décision n’était « pas du tout prise ». Le Premier ministre a dit se donner « des semaines, peut-être jusqu’à deux mois », pour voir comment mobiliser des moyens supplémentaires, tout en assurant une réorganisation de l’action publique.

Une telle souscription, qui permet de lever l’épargne des Français, sur une base volontaire ou forcée, ne serait pas une première en France, le dernier grand emprunt remontant à 1993 sous Édouard Balladur. En juin 2009, le président Nicolas Sarkozy avait souhaité lancer un nouvel emprunt auprès des Français, avant d’y renoncer parce que le coût aurait alors été beaucoup plus élevé que d’aller sur les marchés.

Avec un emprunt national, « l’avantage est qu’on ne s’adresse pas directement au marché », où les taux d’intérêt ont nettement remontés, explique Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of Management.

Cela pourrait en outre être un moyen de rassurer les investisseurs, en montrant la capacité de l’État à « mobiliser assez facilement l’épargne nationale », assure Éric Dor.

Le gouvernement prend le pouls de l’opinion

Mais les Français pourraient-ils accepter un emprunt national alors que l’État lui-même n’arrive pas à se réformer structurellement et à freiner ses dépenses ?

Encore récemment, Emmanuel Macron nommait deux proches à la tête de deux agences d’État, deux anciens ministres recalés aux élections législatives. Clément Beaune a été nommé au Haut-commissariat général au Plan – dont l’efficacité a été remise en question par la Cour des comptes, et Sarah El Haïry, ancienne ministre déléguée chargée de l’Enfance, au Haut-commissariat à l’Enfance. Un mauvais timing alors que le chef de l’État demandait au même moment aux Français de faire un nouvel effort pour la guerre en Ukraine.

L’épargne des Français constitue en effet une manne importante : l’encours de l’assurance vie dépassait 2000 milliards d’euros à fin janvier, et celui des Livrets A et des LDDS plus de 600 milliards.

Le ministre de l’Économie et des Finances Éric Lombard s’est cependant voulu rassurant : « Hors de question de confisquer l’épargne de qui que ce soit » pour financer l’industrie de la défense. Et selon le Premier ministre, une forme de placement type livret d’épargne ferait « partie des solutions » envisagées.

La réussite d’un tel placement tiendrait aussi à l’engagement des Français – pour ne pas dire au patriotisme – suite à l’annonce à la Nation d’Emmanuel Macron le 5 mars et la menace des tanks russes « à nos frontières ».

La volonté de présenter un placement attractif

Pour être attractive, la souscription à un placement d’épargne devra offrir un rendement supérieur aux produits d’épargne existants comme le Livret A et Livret de développement durable et solidaire (LDDS), qui rapportent 2,4 %, ou les fonds d’assurance vie au capital garanti.

Peuvent s’y ajouter aussi des avantages fiscaux, montrant que l’idée a déjà fait son chemin : les gains du Livret A, par exemple, échappent à l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux.

« Il y a moyen d’attirer des dizaines de milliards si les conditions sont attractives », estime Eric Dor de l’IESEG School of Management. Une autre piste serait de flécher vers la défense une partie de l’épargne réglementée existante, comme le Sénat l’avait voté en 2024, avant la dissolution.

Éric Lombard, avec le ministre des Armées Sébastien Lecornu, réunira le 20 mars des banques, assurances et fonds d’investissement « afin de les mobiliser » alors qu’actuellement, « trop souvent, les règles ne permettent pas d’investir dans le secteur de la défense », a-t-il souligné.

À Bercy, on indique attendre un plan de bataille stratégique avant de déterminer les efforts budgétaires qui permettront d’accroître la commande publique militaire.

La France pourrait compter sur une partie des quelque 800 milliards d’euros de fonds européens annoncés, dont 150 milliards sous forme de prêts – des fonds alimentés en partie par la France par sa participation à hauteur de 21,6 milliards d’euros au budget européen en 2024.

L’unité militaire européenne toujours en question

Les pays de l’UE ont donné leur feu vert le 7 mars à un plan visant à mobiliser jusqu’à 800 milliards d’euros sur quatre ans, afin de renforcer la défense du continent et aider l’Ukraine.

Lors d’une visioconférence, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen et Antonio Costa ont informé le Royaume-Uni, la Turquie, le Canada, la Norvège et l’Islande, des résultats du sommet qui a réuni 20 des 27 pays européens. Ce plan ne prévoit pas de mesures spécifiques à destination de ces pays partenaires, mais l’Union européenne cherche à les associer à ses efforts en matière de défense du continent.

« Notre coopération avec des partenaires de l’Otan partageant nos idées est vitale pour la sécurité internationale, pour l’Ukraine et pour renforcer nos efforts commun en matière de défense », a souligné sur X Antonio Costa, le président du Conseil européen.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer a estimé qu’il s’agissait « d’un pas en avant historique et d’un autre signe de l’implication accrue de l’Europe ». Selon Londres, une vingtaine de pays sont prêts à contribuer, même si les modalités n’ont pas été précisées. Keir Starmer s’est dit « prêt » à envoyer des soldats au maintien de la paix, comme l’a suggéré Emmanuel Macron, lors de son annonce à la Nation.

Cette participation pourrait se faire par un envoi de troupes ou par d’autres moyens, comme un soutien logistique. Un envoi de militaires auquel ne participera d’ors et déjà pas l’Italie, la Première ministre Giorgia Meloni indiquant le 4 mars désapprouver le plan franco-britannique et appelant l’Europe à faire preuve de «sang-froid».

Les dirigeants européens à Bruxelles ont souligné « l’importance » d’une autre réunion, prévue le 11 mars à Paris, entre les chefs d’État-major des pays européens pour tenter de définir une ligne commune européenne, dans le processus de paix.

Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.

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