Entretien avec Matthias Fekl, Secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l’étranger, auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international.
Matthias Fekl est Secrétaire d’État chargé du Commerce extérieur, de la Promotion du tourisme et des Français de l’étranger, auprès du ministre des Affaires étrangères et du Développement international.
En matière de diplomatie économique, quels sont les grands chantiers portés par la France ? Quelle part y prennent les questions agricoles et en particulier celles touchant le blé ?
Depuis le rattachement du commerce extérieur au ministère des Affaires étrangères et du Développement international en 2014, tous les outils de la diplomatie économique sont pilotés par un même ministre, qui s’appuie sur le 3e réseau diplomatique au monde pour soutenir les intérêts des entreprises françaises à l’international. Promotion des indications géographiques, pilotage des négociations commerciales multilatérales, fédération d’une offre française dans six secteurs prioritaires à l’export (agroalimentaire, santé, numérique, tourisme, culture et ville durable), les chantiers que je conduis sous l’autorité de Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du Développement international, visent tous à contribuer au redressement de notre balance commerciale.
Le blé occupe une place à part entière dans la diplomatie économique française. Historiquement, la France est en effet un exportateur mondial de référence. Nos territoires bénéficient d’un climat favorable, de sols de qualité et les agriculteurs français sont parmi les plus pointus au monde en matière de culture céréalière. Ces atouts sont au service d’une politique nationale volontariste, orientée vers l’amélioration de notre production de blé, via notamment la mise en place par Stéphane Le Foll, ministre chargé de l’Agriculture, d’un plan protéine, destiné à renforcer la qualité des blés français. Et la France entend rester un pays exportateur de premier plan compte tenu à la fois de l’importance de cette activité pour notre économie, pour nos territoires, mais également pour les pays récipiendaires de nos céréales, qui permettent de satisfaire une partie des besoins alimentaires essentiels de leur population.
Cette action, au service de la promotion de la qualité des productions et des savoir-faire français, vise à donner toutes leurs chances à nos producteurs, face à la concurrence très forte des grandes exploitations céréalières d’Europe de l’Est, de Russie ou encore des États-Unis, qui produisent à des coûts très compétitifs. Dans ce contexte, l’action de notre réseau diplomatique est indispensable pour garantir à nos exportateurs un accès aux autorités des pays importateurs de blé.
Nourrir la planète dans un contexte de raréfaction des ressources tout en répondant aux défis climatiques est un des enjeux majeurs du 21e siècle. Selon vous, la COP 21 sera-t-elle à même de porter des solutions ambitieuses pour résoudre cette équation ?
La COP21 est un rendez-vous crucial pour l’avenir de notre planète. Le chemin parcouru depuis la prise de conscience globale de la question du changement climatique est à l’évidence insuffisante. Il est indispensable de rassembler les États autour d’engagements ambitieux. Le défi du changement climatique est global, et il appelle par conséquent des réponses à la mesure des enjeux : une action coordonnée pour l’ensemble des États est la seule envisageable.
La conférence de Paris en décembre prochain sera une enceinte de négociation où tous les États, mais aussi la société civile dans toute sa diversité, seront en mesure de saisir l’occasion unique d’affirmer avec force leur détermination à préserver notre capital naturel. Le changement climatique est un risque majeur pour une portion significative de la population mondiale, au premier rang desquelles les plus fragiles. Les effets de celui-ci sur les cultures vivrières changeront profondément la donne alimentaire mondiale si rien n’est fait. Cette transformation est en cours, et elle est visible même jusque dans nos campagnes. Il est donc urgent d’agir.
La France a l’honneur de présider cette conférence et mobilise toute sa diplomatie sous l’égide de Laurent Fabius pour qu’un résultat ambitieux, c’est-à-dire à la hauteur du défi climatique, soit obtenu. Dans ce rôle, la France travaille avec tous les pays, de manière transparente, afin de tracer une ambition collective, répondre aux attentes de tous les pays, notamment les plus vulnérables, et trouver les compromis qui permettront d’aboutir à Paris à un consensus des 196 parties.
Je tiens à souligner que la COP21 est tournée vers l’action concrète et la coopération entre gouvernements et acteurs non-étatiques : la France souhaite donc mobiliser de nouveaux partenaires, au-delà des États, et contribuer à rendre visible leurs actions et leurs engagements en faveur du climat.
Le TTIP (ou TAFTA) pourrait avoir une influence sur les transactions agricoles entre la France et les États-Unis et suscite de fortes inquiétudes parmi les citoyens. Quelle est la position défendue par la France sur ce dossier ? Qu’en est-il des questions touchant à l’agriculture ?
Je souhaiterais tout d’abord rappeler que le TTIP est un accord en cours de négociation : il n’existe donc pas de texte final. Aucun chapitre n’est clos tant que tous les chapitres ne sont pas agréés ! C’est la Commission qui est chargée de porter les intérêts de l’Union européenne (UE) : les États membres fixent le cadre des négociations (définition du mandat de la Commission) et orientent l’action de la Commission tout au long des négociations. S’agissant d’un accord mixte, et selon l’interprétation convergente des États membres de l’UE, les parlements nationaux auront par ailleurs à se prononcer sur le texte final de l’accord.
En ce qui concerne l’agriculture, il faut rappeler que le TTIP est un projet d’accord d’un genre nouveau : il est « classique » en ce qu’il traite de la réduction des droits de douane, mais il innove sur l’objectif de convergence des normes de part et d’autre de l’Atlantique. Ces deux volets de la négociation ont des composantes agricoles fortes.
Pour ce qui est des droits de douane, la France défend le classement en produits sensibles des productions que le gouvernement considère comme devant être protégées d’une libéralisation abrupte. Nous savons être également offensifs lorsque cela est nécessaire : notre agriculture a des atouts à l’exportation qu’il est indispensable de valoriser. Avec Stéphane Le Foll, nous prônons une « diplomatie des terroirs » qui promeut nos savoir-faire agricoles partout dans le monde. Le combat pour la reconnaissance de nos indications géographiques dans le cadre des négociations commerciales ou dans nos relations bilatérales est au cœur de cette action.
La convergence réglementaire pose quant à elle d’autres questions : il est hors de question qu’elle conduise à niveler vers le bas le niveau de protection des consommateurs ou de l’environnement. Je le répète dans chaque enceinte : nos choix de société, dont relèvent nos réglementations en matière d’OGM ou de bœuf aux hormones, ne peuvent pas être remis en cause par les négociations.
En revanche, la suppression des normes en doublons et des contrôles bureaucratiques, souvent longs et couteux et qui n’ont d’autre justification que de restreindre ou rendre impossible l’accès au marché américain, est un objectif de la négociation. Il est aujourd’hui en pratique impossible d’exporter des pommes françaises vers les États-Unis ! Exporter des produits lactés ou de la charcuterie est également très difficile.
De façon générale, la France défend donc dans les négociations la préservation de son modèle agricole, ouvert sur l’extérieur mais attaché à ses valeurs.
Source : IRIS (Institut de relations internationales et stratégiques)
Le point de vue dans cet article est celui de son auteur et ne reflète pas nécessairement celui d’Epoch Times.
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